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centre. Vous ne pouvez-donc difconvenir, que l'idée que vous avez de la matière, ou de l'étendue, ne foit immenfe & inépuifable. Vous avez donc idée de l'infini.

fe

Vous avez fait mille fois des propofitions univerfelles. Car je fuppo que vous avez fouvent raifonné. Confultez-en donc l'idée; & difcu tons un peu ensemble, qu'elle eft la nature de ces propofitions, qui font effentielles à tout raifonnement. Quand vous avez dit, par exemple', que tous les rayons du cercle font égaux, qu'avez-vous prétendu dire? N'avez vous entendu parler que d'un certain nombre fini de cercles? ou des grands cercles plutôt que des petits? ou des petits plutôt que des grands? ou feulement des interpofés entre le plus grand & le plus petit? Quand vous avez ceffé de faire

cette propofition, la vérité qu'elle énonce, a-t-elle ceffé d'être? Eft ce une vérité pour notre fiécle, mais non pas pour les fiécles paffés, ou à venir? Est-ce une vérité pour la France, mais non pas pour l'Italie ? une vérité pour les Géometres, & non pas pour le refte des hommes ? ou une vérité pour les hommes, & non pas pour les pures intelligences? N'avez vous pas, au contraire, prétendu énoncer un axiome, qui embraffe tous les cercles poffibles, univerfel pour tous les temps, uni. verfel pour tous les lieux, univerfel pour tous les efprits, qui ont idée de cercle? Vous avez donc idée de l'infini.

Vous me direz, peut-être, que ce ne font-là que des preuves de Métaphyfique. Il eft certain, pour quiconque entend ce terme, qu'elles

n'en font pas moins incontestables; &, fi je ne me trompe, vous venez de le voir. Mais, vous en voudriez qui ne fuffent pas même contestées: c'est-à-dire, que pour achever de vous convaincre, il faudroit vous en donner de Géométrie, la feule des fciences à qui on faffe l'honneur de ne pas difputer fes démonftra- tions. Hé bien ! Nous avons encore ici de quoi vous contenter.

Cette illuftre fcience, qui eft la terreur du Pyrrhonifme, par fon évidence prefque palpable, nous présente partout l'infini; & j'avoue, que c'eft la plus grande fatisfaction qu'elle m'ait donnée, par la lumière que cet infini géométrique répand fur l'idée de Dieu. Il n'eft pas pas même besoin d'avancer beaucoup dans la Géométrie, pour le trouver fur fa route; c'est ce qu'il faut rendre fenfible.

Vous fçavez, que dans la Géomé trie, tout commence par la définition des termes, & dès ce premier pas, l'infini entre dans la notion des paralleles. On les définit expreffément deux lignes droites, qui, étant de part & d'autre prolongées à l'infini, ne se peuvent jamais rencontrer. On ne dira pas, que les Géometres, qui démontrent tout, parlent fans idées dans leurs définitions. Après ce début, & prefqu'à l'entrée des élémens, vous trouvez l'angle de contingence, ou l'efpace compris entre la tangente & le cercle. On démontre, que dans cet intervalle, on ne peut tirer aucune ligne droite, quoiqu'on y puiffe faire paffer un nombre infini de lignes circulaires. Voilà donc un efpace nonfeulement fini, mais infiniment petit, qui ne laiffe pas d'être infini

ment divifible. Encore un pas dans la Géométrie : vous rencontrez les incommenfurables; & il y en a un fi grand nombre, qu'Euclide en a fait un Livre entier ; c'est-à-dire, des grandeurs, des lignes, des furfaces, &c. qui font telles, qu'en les divifant autant qu'il vous plaira, pendant même une éternité toute entière, vous ne fçauriez jamais parvenir à trouver, entre leurs Par, ties, une feule particule, qui puiffe leur fervir de commune mesure. Tels font, par exemple, le côté du quarré, & fa diagonale; telles font les deux parties d'une ligne droite, coupée en extrême & moyenne raifon. Il est démontré, que dans la multitude infinie des nombres, il n'y en pas un feul, ni entier, ni rompu, qui puiffe exprimer le rapport de ces grandeurs exactement, & fans

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