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de fautes? Comment ne pas donner un peu plus tantôt dans un sens, tantôt dans un autre? Je suis sûr, parfaitement sûr que nous n'avons jamais été violents, persécuteurs. Cependant, dans ce nombre infini de faits qui se passent sur un territoire comme celui de la France, je ne veux pas dire qu'il n'y ait pas eu des erreurs, des injustices commises. Oui, il y en a eu, mais il y en a eu moins, beaucoup moins, que dans tout autre système de gouvernement (Marques nombreuses d'adhésion), car notre politique a constamment lutlé contre nos propres fautes.

L'humanité est faible, nous l'avons été quelquefois, nous le serons encore; mais nous luttons sans cesse contre notre propre faiblesse. Les principes que nous professons sont les seuls au nom desquels on puisse la vaincre ; ce sont les principes éternels du bon sens, de la justice, de la modération, de la sagesse, du ménagement de tous les intérêts, du respect de toutes les idées respectables. Ce sont là les principes au nom desquels nous avons tenté et nous poursuivrons cette œuvre qu'on vous déclare impossible, mais qui n'en est pas moins, sinon accomplie, du moins fort avancée. (Adhésion.)

On vient de vous dire en finissant que nous avions vu tomber les deux plus grands pouvoirs que le monde ait jamais connus, le pouvoir du génie et le pouvoir d'un principe qui avait gouverné la France depuis quatorze siècles. Cela est vrai, nous les avons vus tomber. Eh! messieurs, n'est-ce donc rien que leur chute? N'y a-t-il pas là une grande leçon? Pourquoi sont-ils tombés? Parce qu'ils étaient incapables de nous gouverner. (Très-bien! très-bien!) Pourquoi Napoléon, malgré son génie, est-il tombé? Parce que la France ne veut pas être gouvernée par le despotisme et la conquête. Pourquoi la Restauration, malgré la force du principe de la monarchie héréditaire, est-elle tombée? Parce qu'elle a voulu abuser de ce principe, parce qu'elle a voulu en faire un instrument de déception; je ne me servirai pas du mot oppression. La Restauration a commis beaucoup d'actes d'oppression, mais dans son ensemble, et à tout

prendre elle n'a pas été une époque d'oppression et de servitude. Je n'hésite pas à le dire devant cette Chambre; la France a été plus libre, en résultat, pendant la plupart des années de la Restauration, qu'elle ne l'avait été dans presque toutes les époques antérieures; et c'est à l'école de cette liberté que nous avons appris les premiers éléments de cette politique modérée, juste, amie du droit, qui, depuis la révolution de Juillet, a fait le salut de notre pays. Elle le fera définitive

ment.

Oui, messieurs, les deux grands pouvoirs dont je viens de parler sont tombés; ils sont tombés par des fautes auxquelles nous ne sommes point condamnés. Nous avons des écueils dans notre situation, nous avons à lutter contre de grandes difficultés; mais nous sommes en possession des seules armes avec lesquelles on puisse vaincre de tels ennemis; noust sommes en possession des seuls principes de gouvernement avec lesquels on puisse surmonter toutes les difficultés qui nous assiégent.

Nous les surmonterons, messieurs, en dépit de tous les partis extrêmes, en dépit de toutes les alliances, de toutes les associations particulières, quelles qu'elles soient; et le jour, passez-moi l'expression, le jour où l'étrange scandale qui vient de vous être donné à cette tribune, l'étrange scandale de voir discuter, de voir mettre en question l'existence même de votre gouvernement, la validité du serment, du serment prêté sans arrière-pensée, sans restriction, le jour où ce scandale deviendra un danger pour l'ordre social, le jour où ce scandale compromettrait le gouvernement que nous avons fondé, l'ordre que nous avons rétabli et les espérances de notre avenir, ce jour-là je ne sais pas ce que fera la Chambre, mais je suis bien sûr qu'elle réprimera un tel scandale, et qu'elle fera ce qu'il faudra pour le faire cesser. (Mouvement prononcé d'assentiment aux centres.)

LVI

- Chambre des députés. Séance du 5 mars 1834. -—

A la fin de la séance du 4 mars et pendant la discussion du projet de loi sur les attributions municipales, M. Eusèbe Salverte demanda à adresser au ministère des interpellations sur les troubles qui avaient éclaté, à Paris, les 21, 22 et 23 février précédents. Un débat s'éleva sur l'étendue, les conditions et les formes du droit d'interpellation. J'y pris part en réponse à MM. Mauguin et Odilon Barrot.

M. GUIZOT, ministre de l'instruction publique. Messieurs, j'entends dire qu'il s'agit ici d'une question de Chambre. Sans doute, et c'est pour cela que je viens prendre part à la discussion. Quand il s'agit des droits de la Chambre, quand il s'agit de l'ordre de ses délibérations, en ma qualité de député, en ma qualité de ministre du roi, j'y suis aussi intéressé que personne.

Je ne conteste en aucune façon, messieurs, le droit d'in

terpellation. Je n'examine pas non plus quel usage particulier on veut en faire en ce moment. Mais je crois que les principes qu'on essaye de poser sont destructifs des droits de la Chambre et du bon ordre de ses discussions. Sous le nom de droit d'interpellation on essaye de ressusciter ce qui a été proscrit par le règlement de la Chambre, ce qui a été reconnu contraire à toute bonne discussion, les motions d'ordre. Si le droit d'interpellation était reconnu et exercé dans toute l'étendue qu'on essaye de lui attribuer, les motions d'ordre seraient pleinement rétablies, et vos débats livrés à toutes leurs chances. Il n'y a qu'un moyen de l'empêcher, messieurs, c'est de maintenir le principe qu'a posé hier M. le président.

Je prie la Chambre de se rappeler comment le droit d'interpellation a été introduit parmi nous. Il s'est présenté comme une conséquence, comme un démembrement, si je puis ainsi parler, du droit d'initiative. Le droit d'initiative ayant été attribué par la Charte de 1830, d'abord comme droit collectif à la Chambre, ensuite, comme droit individuel, à chaque membre de la Chambre, il a bien fallu régler ce droit-là comme tous les autres; il a bien fallu régler de quelle manière chaque membre de la Chambre exercerait ce droit personnel, comme le disait tout à l'heure l'honorable préopinant, de soumettre à la Chambre une proposition quelconque, et d'en faire l'objet d'une délibération.

C'est ce que vous avez fait par votre règlement quand vous avez exigé le renvoi des propositions dans les bureaux, et l'approbation de deux ou trois bureaux au moins pour que la proposition devint l'objet des délibérations de la Chambre.

C'est, je le répète, comme conséquence, comme démembrement de ce droit d'initiative et de proposition faite par un membre, que le droit d'interpellation a été introduit dans la Chambre, sur la demande de l'honorable M. Mauguin; seulement, par tolérance pour la facilité, pour la promptitude des débats, la Chambre a permis que ce genre de propositions, ce droit d'interpellation fût dispensé de quelques-unes

des conditions que votre règlement attache au droit d'initiative. La Chambre n'a pas exigé que la proposition d'interpellation fût toujours renvoyée dans les bureaux et soumise à leur examen. Elle n'a pas même exigé que l'interpellation aboutît à un vote formel, qu'elle eût pour objet une proposition expresse, et qui devînt le sujet des délibérations de la Chambre chose que, pour mon compte, je trouve pleine d'inconvénients. Il est étrange qu'on puisse occuper longtemps la Chambre d'une discussion, sans qu'elle aboutisse à une délibération formelle, sans que la Chambre manifeste son opinion et son vou d'une manière positive. Sous ce point de vue donc, je crois, pour mon compte, que l'usage qu'on a fait du droit d'interpellation est contraire au bon ordre des discussions, et je souhaiterais que toute interpellation aboutit nécessairement à un vote, à une résolution de la Chambre. Je crois qu'alors la Chambre serait pleinement dans son droit, et chaque député aussi. Quoi qu'il en soit, la différence qui s'est introduite entre le droit d'initiative et le droit d'in. terpellation est double par la première, il n'y a pas de renvoi dans les bureaux, la discussion peut avoir lieu sans cet examen préalable; par la deuxième, il n'y a pas de résolution nécessaire. Mais si, après cette double modification apportée au droit d'initiative en faveur du droit d'interpellation, vous allez plus loin; si vous reconnaissez que le droit d'interpellation est étranger, supérieur à toute juridiction de la Chambre, que tout député peut faire entendre à la Chambre, sans la consulter, telles choses qu'il lui conviendra, ouvrir telle discussion qu'il lui plaira, je le demande à tous ceux qui ont quelque expérience des assemblées, n'est-ce pas là le rétablissement pur et simple des motions d'ordre, la destruction de tout ordre dans les délibérations?

On dit que faire le contraire, c'est soumettre le droit d'interpellation à la majorité: mais, messieurs, tout, dans cette Chambre, n'est-il pas soumis au contrôle de la majorité! Aux extrémités. Non! non!

M. MAUGUIN. Je demande la parole.

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