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il a fallu entrer dans une série d'études, de recherches. Ces jours derniers encore, en chargeant MM. les inspecteurs généraux de l'instruction publique d'aller inspecter nos écoles, je leur ai indiqué un certain nombre de faits à étudier, de questions à résoudre sur l'instruction secondaire, afin qu'à l'aide de ces renseignements nous puissions arriver à faire autre chose qu'une loi vague et vaine, comme nous sommes accoutumés à en faire depuis quarante ans.

M. GAUGUIER. C'est bien vrai !

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M. GUIZOT. Les lois qui ne sont pas fondées sur la connaissance exacte et sérieuse des faits ont beau être écrites et délibérées; elles restent stériles, impuissantes; elles n'ont pas de vie, elles n'ont pas ce qu'il faut pour prendre possession de la société. Jamais je ne consentirai à prêter mon nom et mon concours à des lois pareilles. (Très-bien! trèsbien!)

De plus, quand nous avons voté la loi sur l'instruction primaire, nous y avons introduit, vous vous le rappelez, l'instruction primaire supérieure, sorte d'instruction intermédiaire entre l'éducation populaire proprement dite et l'éducation secondaire qui convient aux classes plus aisées. Cette instruction primaire supérieure et les établissements où elle est donnée sont, jusqu'à un certain point, une innovation dans notre société. Avant de faire la loi sur l'instruction secondaire, j'ai senti le besoin de savoir ce que deviendraient cette instruction primaire supérieure, ces écoles primaires supérieures qui devaient être fondées dans tous les chefslieux de département et dans les villes au-dessus de 6,000 âmes. Sur ces écoles qui, si je ne me trompe, s'élèveront à deux cent quatre-vingts à peu près, quarante-cinq seulement sont déjà fondées. Il y en a cinquante-quatre qui s'ouvriront, je l'espère, bientôt; mais enfin les écoles primaires supérieures qui font le lien, la transition entre les écoles populaires proprement dites et nos colléges, ces écoles, dis-je, n'existent pas encore, elles commencent à peine. Je suis hors d'état d'apprécier la place qu'elles tiendront dans notre

système général d'éducation. Je suis hors d'état de vous dire quelle influence elles doivent exercer sur nos colléges, et comment nos colléges, c'est-à-dire notre instruction secondaire, devront être modifiés en raison de l'état et des progrès de l'instruction primaire supérieure.

Voilà donc encore un fait considérable, un fait décisif pour la loi sur l'instruction secondaire, fait que je ne connais pas bien, dont il m'est impossible de me rendre compte, et qui m'a rendu la loi dont je parle impossible à arrêter.

Enfin, je me suis convaincu, et je le savais déjà, qu'à tout prendre, l'instruction secondaire existe en France, qu'elle a été le grand, l'honorable résultat de l'Empire et de ses efforts en matière d'instruction publique. L'instruction secondaire existe dans nos colléges, dans les colléges communaux, dans un grand nombre d'établissements privés. Elle est sans doute susceptible de beaucoup d'améliorations, de beaucoup de réformes; il faut y introduire le principe de la liberté d'enseignement que la Charte a consacré; mais à tout prendre, je le répète, elle existe, elle est plutôt bonne que mauvaise ; elle est en progrès et non en décadence. Il n'y a donc pas, pour la loi qui la concerne, cette urgence qui existait pour l'instruction primaire. L'impatience qui se manifeste, impatience parfaitement sincère et dont je suis loin de me plaindre, me paraît donc plutôt une routine, une habitude d'impatience qu'une impatience réelle et fondée sur la connaissance du mal et sur la nécessité d'y porter remède. Je ne reconnais pas, dis-je, à l'impatience qui se manifeste pour la loi sur l'instruction secondaire, les mêmes caractères, les mêmes fondements, les mêmes droits qu'à celle qui éclatait naguère pour l'instruction primaire.

On peut attendre, je ne dis pas indéfiniment, car il est probable que j'aurai l'honneur de présenter la loi à la Chambre dans la session prochaine : j'en avais préparé une, ainsi que je l'ai dit, et je recueille en ce moment tous les faits qui peuvent servir à la rendre bonne, mais je n'y vois pas, je le répète encore, de nécessité immédiate, et j'ai encore

besoin de temps pour présenter une loi dont les bons esprits, les hommes vraiment éclairés puissent être satisfaits.

Voilà mes raisons pour n'avoir pas présenté dans cette session une loi sur l'instruction secondaire. J'espère que je serai en mesure de la présenter à la prochaine session.

Ce sera après la loi sur l'instruction secondaire que je m'occuperai de l'instruction supérieure proprement dite, des facultés de droit, de médecine ou autres.

Et ce sera après que nous aurons ainsi parcouru l'enseignement tout entier, primaire, secondaire et supérieur, que nous pourrons toucher à l'administration proprement dite, au gouvernement de l'instruction publique. Alors nous pourrons voir quelles réformes il y a à faire dans cette partie qui n'est que le couronnement, le faite du système général de l'instruction publique. Les établissements d'enseignement en sont la base, et c'est par ceux-là que la réforme doit commencer. (Marques d'adhésion.)

Je demande pardon à la Chambre de la longueur de ces explications. (Non! non! Parlez! parlez!) Il était de mon devoir de lui faire connaître comment j'ai conçu, non pas des plans illimités, non pas ce qu'on appelle de beaux plans pour l'instruction publique, des plans avec lesquels on se satisfait soi-même, facilement et à bon marché, mais des plans réels, des plans efficaces et qui puissent tourner au bien positif et sûr du pays.

Que la Chambre me permette, puisque je suis à la tribune, de lui présenter maintenant quelques observations générales sur le budget qui lui est soumis.

Si les observations auxquelles ce budget a donné lieu, soit dans le rapport de votre commission, soit ailleurs, si cesobservations, dis-je, n'avaient porté que sur les crédits alloués ou refusés pour telle ou telle partie du service, j'attendrais que la discussion s'ouvrit sur chacun de ces articles; mais il y a quelques points généraux qui me paraissent exiger sur-le-champ quelques explications.

Le premier et le plus important, c'est la réforme que j'ai

cru, et que je crois encore possible et utile de faire dans le régime financier de l'Université et dans la forme du budget de l'instruction publique.

La Chambre a vu que ce budget lui avait été présenté cette année sous une forme toute différente. L'innovation que j'ai tentée n'est pas inventée d'hier; l'idée en roule depuis longtemps dans les esprits, il y a longtemps que le régime financier de l'Université et la forme de son budget ont excité beaucoup de réclamations.

J'ai sous les yeux d'abord le rapport d'une commission nommée avant la révolution de Juillet, sous la Restauration, pour procéder à la vérification des comptes des ministres, en 1828, commission dont le travail est remarquable par les lumières qu'il a répandues sur toutes les questions. Un des vœux qu'elle a émis a été la réforme du régime financier de l'Université, tout en respectant le principe constitutif de ce grand établissement.

Je demande à la Chambre la permission de lui faire connaître les vœux qui, à différentes époques, ont été exprimés à ce sujet. Il importe de voir comment les idées ont mûri peu à peu, et m'ont conduit, moi, ministre de l'instruction publique et grand-maître de l'Université, aux réformes demandées depuis longtemps.

«Sans entrer dans les détails des divers services, dit le rapport de la commission de 1828, nous devons reconnaître que, dans beaucoup de cas, il est nécessaire de laisser aux administrations dirigeantes tout ce qui se rapporte à la constatation des droits, et même à l'époque et au mode de libération des redevables; mais cela n'exclut pas la possibilité de l'intervention d'un agent du Trésor pour opérer les recouvrements; et, s'il était possible de pénétrer dans tous les détails, on reconnaîtrait qu'il n'existe pas un seul de ces produits qu'il ne fût facile, en prenant quelques mesures d'exécution, de faire recouvrer par des agents soumis à l'autorité et à la surveillance du ministre des finances. >>

La cour des comptes, dans son rapport sur les comptes

de 1830, exprime des idées analogues. Je vais mettre les termes sous vos yeux :

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« Ces diverses observations nous conduisent à exprimer une seconde fois le désir, que nous avions déjà manifesté par notre rapport précédent, de voir rétablir l'ordre et l'uniformité dans cette branche de service, en la faisant rentrer entièrement dans la comptabilité de l'Etat, et en chargeant directement tous les préposés du Trésor des opérations financières de l'Université, qui leur sont déjà indirectement confiées. Cette mesure ne changerait pas les formes actuellement suivies envers les redevables de cette institution spéciale, puisqu'elle n'attribuerait que le recouvrement des produits aux receveurs des finances, et qu'elle conserverait, aux administrateurs qui en sont aujourd'hui chargés, le soin de liquider les taxes, de former les rôles, de prononcer les remises, modérations et non-valeurs, et enfin de prononcer, de suspendre ou d'arrêter des poursuites contre les débiteurs, conformément à l'usage établi pour tous les autres impôts. >> La cour des comptes, dans son rapport sur les comptes de 1831, a répété les mêmes idées.

La Chambre se souvient que, dans sa session de l'année dernière, la commission des comptes demanda cette réforme; son rapporteur, M. Passy, demanda même, et, à mon avis, il avait tort, une réforme beaucoup plus étendue que celle que la cour des comptes avait provoquée. Je discutai l'amendement de la commission, je le repoussai comme trop étendu, en disant :

« Je demande le rejet de l'amendement, non qu'il puisse y avoir des changements utiles à faire dans la comptabilité de l'Université; non qu'il ne soit possible, comme je le disais, de remettre la perception de ses revenus dans les mains du Trésor et de faire cesser le système spécial de cette perception, mais l'amendement fait beaucoup plus que votre commission n'a voulu faire; il abolit le régime général de l'instruction publique, il en change le caractère. »

Provoqué ainsi, messieurs, par toutes les opinions, par les

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