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dirais que les dépenses amenées par la révolution de Juillet ont été aussi nécessaires, inévitables, et qu'elles ont été moindres.

Je ne poursuivrai pas, messieurs, ces récriminations ni ces objections de détail. Mon honorable ami, M. de Lascours; a déjà répondu au fait particulier qui concerne la rue Transnonain. M. le ministre des affaires étrangères; et mon ami M. le duc de Broglie, ont le projet d'entretenir la Chambre de ce qui concerne nos relations étrangères; je laisserai donc ce sujet de côté. Je demande seulement à la Chambre la permission de répéter que cette politique qui a étendu nos libertés, qui est parvenue à rétablir l'ordre, nous avons bien le droit de dire que c'est la politique de la Charte. Que nous offre-t-on en échange? On nous propose ce qu'on appelle la réforme parlementaire. Voilà la politique, voilà l'avenir qu'on oppose à la politique de la Charte. Eh bien! je n'hésite pas à le dire, ce qu'on appelle aujourd'hui la réforme parlementaire, et les principes en vertu desquels elle se produit, et la tactique qui la met en avant, tout cela constitue ce que j'appelle, moi, la politique révolutionnaire. (Très-bien! très-bien !) C'est la politique de l'anarchie opposée à la politique de la Charte. (Bravo! bravo!)

Je dis la politique de l'anarchie, et je le dis hautement. Voyons, en effet, quels sont les principes au nom desquels on met en avant ce qu'on appelle la réforme parlementaire : c'est le suffrage universel. Eh bien ! pour mon compte, je n'hésite pas à le dire, le suffrage universel, c'est un pur instrument de destruction; c'est une de ces idées politiques dont on se sert quand on veut remuer profondément les peuples, avec laquelle on fait les révolutions; mais ce ne sont pas de véritables doctrines de gouvernement; on ne fonde rien avec cela. Le suffrage universel et toutes les idées qui s'y rattachent, et qu'on met en avant aujourd'hui, c'est de la politique de destruction, de démolition, de la politique révolutionnaire.

Il peut y avoir dans l'histoire des nations tel moment auquel cette politique convient, où elle rend d'importants

services. Ainsi, c'est avec ces principes, avec cette tactique que la Révolution française a détruit l'ancien régime; mais c'est précisément parce que ces idées sont propres à démolir, à détruire, qu'il faudrait savoir aujourd'hui que leur temps est passé. C'est d'un gouvernement régulier, de lois constitutives et durables, que nous avons besoin aujourd'hui. On ne fonde pas à coups de canon; eh bien ! le suffrage universel, ce sont des coups de canon contre la société qui existe, ce sont de purs instruments de démolition. En vérité, il y a là une théorie aussi absurde pour le philosophe qu'impraticable pour l'homme d'État.

Encore un mot. Le suffrage universel, les théories que, moi, j'appelle destructives, et rien de plus, qui les met en avant aujourd'hui ? Par qui sont-elles prônées, adoptées pour drapeau ? J'éprouve, et cela est sincère, une véritable peine de le dire; c'est par un parti qui, jusqu'à présent, avait professé des maximes toutes contraires. Je voudrais ne rien dire d'offensant pour personne, mais quel a été, dans le cours de nos vicissitudes, le véritable principe de force du parti qu'il faut bien que j'appelle de l'ancien régime, car je ne sais quel autre nom lui donner? C'est qu'après toutes les épreuves par lesquelles nous avions passé, qui avaient trompé tant d'espérances et amené tant de mécomptes, le parti de l'ancien régime se présentait comme ayant conservé l'instinct des idées d'ordre, le respect des principes de l'ordre, l'intelligence des maximes fondamentales du pouvoir, comme ayant conservé surtout ce respect du pouvoir qui est la première base des gouvernements et des sociétés.

Un homme qui a siégé dans cette enceinte et dont les opinions politiques étaient aussi éloignées que possible des miennes et de celles de mes amis, mais qui, dans toutes les assemblées où il s'est trouvé, a figuré honorablement par l'élévation et l'étendue de son esprit, M. de Bonald, en 1814, en lisant une adresse à Louis XVIII la terminait, autant qu'il m'en souvient, par cette phrase: « J'ai toujours respecté le pouvoir, mais j'ai perdu l'habitude de le louer. »

C'était là un beau mot, messieurs; il est honorable pour un parti vaincu de respecter le pouvoir, de comprendre que la société et sa moralité repose sur le respect qu'elle porte au pouvoir, comme sur le respect que le pouvoir lui porte à elle-même. Eh bien! messieurs, n'en doutez pas; c'est cette idée que le parti de l'ancien régime voulait l'ordre, savait respecter le pouvoir, avait quelques-unes des maximes essentielles de gouvernement, c'est cette idée, dis-je, qui faisait sa force et qui, dans les occasions difficiles, lui a quel quefois rallié, à travers bien des méfiances et des souvenirs fâcheux, une portion de la France, de la classe moyenne, de la bourgeoisie, qui croyaient trouver dans ce parti un appui utile à ces maximes d'ordre, de pouvoir, de gouvernement régulier dont on éprouvait le besoin. Malgré toutes ses fautes, malgré le vice radical de sa position et de ses doctrines, le parti de l'ancien régime a puisé plus d'une fois de la force dans ce sentiment. Cette force, aujourd'hui il l'abdique complétement, il abandonne tous ses principes d'ordre, de respect pour l'autorité; il se fait insultant, violent, révolutionnaire, cynique; il adopte toutes les maximes, tout le langage désorganisateur et violent de ses adversaires; et c'est par là que ce parti prétend nous combattre, c'est en inscrivant ces nouvelles maximes sur son drapeau qu'il veut l'opposer à la politique de la Charte !

Il y a là, permettez-moi de le dire, messieurs....., je cherche un mot moins dur......; mais dans ma pensée il y a honte pour ceux qui emploient cette politique, il y aurait honte pour nous à en être les dupes: ce ne peut-être là qu'une manœuvre de parti.

M. LE MARQUIS DE BRÉZÉ. ment? Il est mauvais.

Est-ce là votre seul argu

M. le ministre de l'instruction publique. Je crois avoir employé quelques arguments puisés dans le fond de la question avant d'en venir à celui-ci. Il est naturel que l'honorable orateur ne les ait pas trouvés bons; mais il me permettra de croire qu'ils ne sont pas mauvais. (Rires d'approbation.)

Je dis donc que de même qu'à mon avis il y honte pour un parti à abjurer ce qui a fait non-seulement son honneur, mais sa force, de même il y aurait honte pour nous à le suivre dans cette voie. Ni vous, ni nous, messieurs, n'en serons réduits là; vous penserez comme nous, et quoi qu'on en dise, que ce n'est là que de la politique révolutionnaire, anarchique, politique de destruction, de démolition.

Eh bien! les temps de démolition sont passés ; les moyens de démolition ne sont plus de saison. Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est affermir, consolider, construire définitivement la monarchie constitutionnelle que la France voulait en 1789, qu'elle a définitivement conquise en 1830. Depuis 1830 jusqu'à aujourd'hui, nous avons surmonté tous les obstacles que nous ont opposés les violences des partis.. Si le temps des violences est passé, comme on le dit généralement aujourd'hui, si à sa place est venu le temps des mensonges, nous triompherons, je l'espère, des mensonges comme nous avons triomphé des violences; et nous resterons dans cette politique libérale et modérée qui est la politique de la Charte, et cette politique ira se développant, et portera de jour en jour des fruits nouveaux. (Marques prolongées d'approbation.)

LXI

Chambre des députés.-Séance du 5 décembre 1834.

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J'ai raconté dans mes Mémoires les incidents des diverses crises ministérielles survenues dans le dernier semestre de 1834, à la suite des élections générales et des premiers débats de la Chambre nouvelle. Quand sa session se rouvrit, en décembre 1834, ces crises. donnèrent lieu à de longues explications auxquelles je pris part dans les séances des 5 et 6 décembre, en répondant à MM. Teste et Dupin aîné.

Certaine

M. GUIZOT, ministre de l'instruction publique. ment, messieurs, s'il y a jamais eu une question de bonne foi, c'est celle qui occupe en ce moment la Chambre. Je l'aborderai donc avec une entière bonne foi, avec une entière liberté, et sans crainte d'offenser la Chambre, ni même aucun de ses membres.

Quand l'adresse fut proposée et discutée dans cette Cham

1 Mémoires, t. II1, p. 265-272.

T. II.

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