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l'arène des négociations; de montrer un grande répugnance à modifier par un Traité subséquent, ce qu'un Traité antérieur lui a assuré. Cette vérité trouve surtout son application dans les circonstances actuelles, et nous laissons à la sagesse de Vos Seigneuries d'en presser le développement.

4. Mais lors même que nous serions moins persuades que nous ne le sommes de la justice des observations cidessus, toujours y aurait-il pour nous nécessité absolue de refuser au négociateur Suisse le droit de rétrocéder le littoral, parce que ce territoire, en vertu de l'Acte de la Diète du 12 août 1815, se trouve placé sous la garantie fédérale, que nous ne pouvons point compromettre. La Diète ellemême a tracé la règle de notre conduite, et il ne nous est plus permis de négocier sur une autre base.

Notre conclusion sur ce premier point se réduit done à dire que le Directoire fédéral ne peut consentir à ce qu'un territoire devenu genevois, dont les limites sont clairement tracées par l'Acte du Congrès du 29 mars, devienne dans la nouvelle négociation un objet d'échange. Quant au désenclavement de Jussy, le cours de la négociation même fera voir s'il n'existe pas d'autres moyens de l'obtenir, peutêtre par la cession d'une étroite langue de terre au pied du mont Salève. Comme les Commissaires de S. M. Sarde contestent les limites dans cette partie, on peut dire qu'elle est moins décidément territoire Suisse que l'autre; du reste nous reconnaissons volontiers que le Directoire fédéral n'a aucune vocation à prendre l'initiative à cet égard.

Le second objet de nos réserves est la neutralisation des Provinces Savoyardes que le Traité de Paris vient d'étendre bien au-delà de l'opinion et peut-être des vœux de la Suisse. On peut prévoir que la Cour de Turin témoigne le désir d'entrer en négociation soit sur les conséquences du principe, soit sur les mesures d'exécution. Le négociateur ne recevra des vous aucun pouvoir pour traiter de cette affaire importante, qui, intéressant éminemment la Confédération entière, doit être traité dans ce Pays.

Vous connaissez maintenant, Tit., le point dont nous sommes partis, le but auquel nous estimons qu'il faut tendre, et les bornes que nos obligations fédérales mettent à notre désir bien sincère d'entrer dans vos vues et de coopérer à tout ce que vous jugez convenable à vos intérêts. Vous

recevrez avec affection fédérale ces observations que le même sentiment nous a inspirées, votre sagesse en appréciera l'importance. Nous joignons ici une courte instruction conforme à ces principes, une lettre de créance pour le Roi et une recommandation pour le Comte de Valaise. Ce sont les seules pièces que Monsieur Pictet de Rochemont ait besoin de recevoir de nous.

Nous vous prions, Tit., de recevoir, etc.

Zurich, le 12 Décembre 1815.

3.

(Suivent les signatures.)

Instruktion des Vororts an Pictet de Rochemont, vom 12. Dezember 1815.

Instruction pour Mr. le Conseiller d'Etat Pictet de Rochemont, Envoyé extraordinaire de la Confédération Suisse à la Cour de Turin.

Le Conseil d'Etat du Canton de Zurich, Directoire fédéral, envisageant la négociation qui doit être entamée avec la Cour de Turin comme une suite de celle dont Monsieur Pictet de Rochemont a été chargé par la Diète au mois d'août de cette année, acquiesce avec plaisir à la demande de l'Etat de Genève, en donnant à cette négociation l'attache fédérale et en investissant Mr. Pictet de Rochemont du caractère d'Envoyé extraordinaire de la Confédération Suisse.

D'après les vœux du Gouvernement de Genève et les explications que le Conseil d'Etat vient de donner par sa réponse de ce jour, l'Envoyé de la Confédération Suisse est essentiellement chargé de réclamer l'exécution prompte et précise des stipulations concernant la cession de quelques parties du territoire Savoyard au Canton de Genève.

Il mettra tous ses soins à écarter les difficultés sans nombre par lesquelles les Commissaires de S. M. Sarde ont cherché jusqu'ici à renvoyer l'exécution de ces stipulations, soit en ce qui concerne la religion, soit relativement au tracé des limites. I suivra pour ces objets les directions les plus particulières qui lui seront données par l'Etat de Genève pour le plus grand intérêt de ce Canton.

Il s'opposera avec force au système suivi jusqu'à ce jour par la Cour de Turin, de faire dépendre les cessions territoriales assurées à la Suisse de conditions ou négociations dont les Traités ne parlent point, ou qui du moins ne doivent pas être envisagées comme des préliminaires de la remise. Il cherchera au contraire à accélérer autant que possible l'époque de la prise de possession politique et civile des pays cédés.

L'Acte du Congrès du 29 mars et le Protocole du 3 novembre concernant la cession de Saint-Julien, sont la base sur laquelle le négociateur Suisse doit travailler. Il n'a dès lors pas de pouvoir pour rétrocéder ou échanger le territoire énoncé dans ces Actes, en tant qu'il appartient évidemment à la Suisse et se trouve placé sous la garantie de la Confédération.

En particulier le Directoire fédéral ne peut autoriser le démembrement du littoral d'Hermance à Vesenaz comme compensation de la langue de terre qui serait nécessaire pour opérer le désenclavement de Jussy, si ce désenclavement peut s'effectuer d'une autre manière avantageuse à Genève et sans préjudice à l'intérêt général de la Confédération, Mr. Pictet de Rochemont suivra à ce sujet les instructions particulières de son Gouvernement.

Si, comme on peut le prévoir, le Gouvernement Sarde cherchait à l'occasion des arrangements territoriaux, a entamer avec Mr. Pictet de Rochemont l'affaire de la neutralisation des provinces Savoyardes, dans le but d'en faire régler plus particulièrement les limites, les conditions et l'effet, Mr. Pictet de Rochemont, en s'attachant au sens des Notes adressées par le Conseil d'Etat de Zurich au Comte de Varax le 5 octobre et 1er novembre, demandera que cette affaire, éminemment fédérale à raison de l'intérêt que la Suisse entière est appelée à y prendre, soit traitée en Suisse même.

En soignant d'ailleurs avec zèle les intérêts particuliers de son Canton soit sous le rapport des douanes, dont le reculement est établi en principe par le Protocole du 3 novembre, soit sous tout autre rapport sans préjudice aux droits et aux intérêts généraux de la Confédération. Mr. Pictet de Rochemont remplira le vœu du Canton-Directeur

qui se réfère entièrement à cet égard aux instructions spéciales du Gouvernement de Genève.

Mr. Saladin de Crans désigné par Mr. Pictet pour l'accompagner en qualité de Secrétaire de Légation, est nommé en cette qualité dans la lettre au Roi ainsi que dans celle au Comte de Valaise. Quant aux frais, comme le Gouvernement de Genève veut les prendre à sa charge, le Conseil d'Etat n'a rien à déterminer sur ce point.

Zurich, le 12 décembre 1815.

Les Bourgmestres et Conseil d'Etat
du Canton de Zurich, Directoire fédéral,
et en leur nom,

Le Bourgmestre en charge:
de Wyss.

Le Chancelier de la Confédération:

Mousson.

4.

Nachträgliche Instruktion des eidgenössischen Vororts für Herrn Pictet de Rochemont vom 27. Christmonat 1815.

Instruction supplémentaire pour Monsieur Pictet de Rochemont, du 27 décembre 1815.

Monsieur Pictet de Rochemont en se rendant à Zurich, afin de mieux éclaircir quelques-uns des objets de sa mission près la Cour de Turin, a donné une nouvelle preuve de dévouement au bien public dont le Conseil d'Etat lui tient autant compte que le Gouvernement de Genève a de motifs de lui en savoir gré. Des explications étaient nécessaires afin de prévenir tout malentendu préjudiciable à la négociation. Elles ont été satisfaisantes. D'un côté Mr. Pictet a vu combien les vrais intérêts de Genève tenaient essentiellement à cœur au Directoire fédéral, il s'est convaincu que le désir de les servir, joint au sentiment des devoirs résultants pour le Canton-Directeur de l'Acte de la Diète du 12 août, avait seul dicté les réserves insérées dans l'instruction du 12 décembre; de l'autre, le Conseil d'Etat dont l'estime pour le

caractère, les talents et les lumières de Monsieur Pictet ne pouvait augmenter, rassuré désormais sur la manière dont ses intentions ont été comprises, a la pleine confiance de les voir suivies avec exactitude.

Après avoir envisagé dans la Conférence du 24 décembre les affaires à régler entre la Suisse et la Cour de Sardaigne d'après l'ensemble des stipulations de Vienne et de Paris, sous le double point de vue de l'état actuel des choses et de leur issue finale, telle qu'on peut la prévoir, qu'on est en droit de la demander et qu'on a intérêt à la désirer, le Conseil d'Etat juge nécessaire de donner à Mr. Pictet de Rochemont comme développement et supplément à l'instruction principale du 12 décembre, les directions suivantes:

§ 1. NEUTRALITÉ DE LA SAVOIE.

Les inquiétudes du Directoire fédéral au sujet des dispositions de l'article 3 du Traité de Paris, naissent de l'explication que la Cour de Turin donne au principe et de l'extension qu'a reçue la ligne de cette même neutralité.

a. Dans plusieurs Notes connues de Mr. Pictet, le Comte de Varax a cherché à établir en thèse, que la neutralité des provinces de Savoie était parfaitement identique avec la neutralité de la Suisse, ou en d'autres termes, que la Confédération avait relativement à celle-là les mêmes obligations que relativement à celle-ci. Il insiste auprès du Directoire fédéral et de la Diète pour la reconnaissance de ce principe.

La Suisse est loin d'élever des objections contre la neutralisation des provinces de Savoie désignées dans le Protocole de Paris du 3 novembre. Elle reconnait tout l'effet des déclarations des cinq grandes Puissances à leur égard et par là-même l'assimilation du territoire situé au Nord du parallèle d'Ugine jusqu'au Rhône avec ce qui a été convenu à Vienne pour le Chablais et le Faucigny. Mais elle reconnait cet état des choses comme effet des déclarations des Puissances, comme un bienfait dont les provinces Savoyardes doivent jouir; non comme une obligation qui lui soit imposée de les occuper et de les défendre.

L'art. XCII de l'Acte final du Congrès de Vienne auquel l'art. 3 du Traité de Paris se réfère dit: qu'aucunes troupes armées d'aucune Puissance ne pourront traverser ni station

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