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5.

Schreiben des eidgenössischen Vorortes an Hrn. Staatsrath Pictet de Rochemont, vom 10. März 1816.

A Monsieur Pictet de Rochemont, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire à Turin.

Monsieur,

Votre dépêche du 6 mars ainsi que la rédaction complète du projet de traité, ont été apportées à Zürich par un courrier parti de Genève le 8 de ce mois. Le conseil d'Etat s'est réuni extraordinairement pour en prendre connaissance et ce même courrier va repartir de suite pour vous apporter nos dernières directions.

Nous rendons, Monsieur, une entière justice à l'habileté et à la persévérance de vos soins, et en général nous avons tout lieu d'être satisfaits des résultats de la négociation difficile dont vous avez été chargé. Un seul point sur lequel nous avons fait des efforts inutiles pour être bien compris se trouve établi dans le traité d'une manière contraire à nos vues.

Les regrets que nous en éprouvons ne proviennent pas d'une prédilection particulière pour nos idées, mais d'un sentiment de convenances et de l'intérêt que nous prenons à cette importante négociation.

Nous avons désiré, Monsieur, que vous fissiez encore un effort pour substituer à la rédaction projetée pour l'article 7 concernant la neutralité, une rédaction plus simple, mais explicite et formelle sur le principe, dès lors tout aussi satisfaisante ou même plus satisfaisante encore pour la cour de Turin.

Cette dernière démarche a eu lieu; il n'a pas dépendu de vous sans doute d'en obtenir un meilleur succès: nous voulions par un language franc et loyal dissiper toute defiance, et ce language même, mal interprêté en a fait naitre de nouvelles.

Si on a cru que le Canton-Directeur voulait cacher ou désavouer sa note au comte de Varax du 1 novembre, cette

supposition est dénuée de fondement; vous êtes chargé, Mr., de déclarer aux Ministres du roi que le Canton-Directeur ne s'oppose en aucune manière à ce que la note du comte de Varax du 28 octobre et la réponse du 1 novembre soient imprimées et rendues publiques.

Il nous paraissait et il nous paraît encore peu convenable que dans un article du traité on cite une correspondance ministérielle, non la correspondance entière, mais une seule note et quelques phrases seulement de cette note. Si le ministère de sa Majesté veut la faire imprimer en entier avec celle du Comte de Varax et qu'il accède à la rédaction que nous avons proposée pour l'article 7, nous sommes satisfaits du résultat.

Dans le cas où écartant des explications aussi simples et des motifs qui nous paraissent déterminants, le ministère refuserait de rien changer à sa rédaction, alors, Monsieur, nous n'insisterons pas davantage, nous vous autorisons dès à présent à signer le traité tel que vous l'avez mis sous nos yeux et nous ferons ce qui dépendra de nous pour en faciliter et accélérer la ratification

La chancellerie est chargée de préparer éventuellement les copies nécessaires destinées à être mises sous les yeux des Cantons. Cependant nous attendrons pour faire cette communication, de pouvoir y joindre le rapport que vous

nous annoncez.

Au moment où vous allez prendre congé de Sa Majesté il paraît convenable, Monsieur, de vous munir de lettres de recréance en forme; nous les joignons ici ainsi qu'une copie qui selon l'usage devrait être remise par vous à S. E. le Comte de Valaise.

Recevez, Monsieur, etc.

Zurich le 10 mars 1816.

(Suivent les signatures.)

6.

Bericht des Staatsraths Pictet de Rochemont über seine Sendung nach Turin, vom 17. März 1816.

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de Monsieur le Conseiller d'Etat Charles Pictet de Rochemont sur sa mission à Turin, comme Envoyé extraordinaire de la Confédération Suisse en janvier, février et mars 1816.

Monsieur le Bourgmestre,

Le 19 décembre je reçus de Votre Excellence les instructions destinées à ma mission de Turin. Ces instructions me paraissant exiger certains éclaircissements et développements, je sollicitai du conseil d'Etat de Genève la permission d'aller les demander à Zurich moi-même, soit pour gagner du temps, soit pour faire d'une manière plus complète et plus facile ce qu'on aurait pu essayer de faire par correspondance.

J'obtins en effet du Conseil-Directeur, après les éclaircissements donnés à une commission nommée pour cet objet, des instructions additionnelles qui m'atteignirent à Genève le 30 décembre. Notre conseil d'Etat en ayant pris connaissance, ainsi que de mes pleins-pouvoirs, ne jugea point à propros de me donner d'instructions par écrit. Il ne fut enjoint de me conformer en tout aux ordres et aux instructions du Directoire fédéral, de faire usage des observations présentées dans les diverses séances du conseil d'Etat auxquelles j'avais assisté et où l'on avait discuté l'objet de la mission dont je devais étre chargé. Il me fut prescrit de tenir Messieurs les Syndics avisés du courant de la négociation par la voie ordinaire, avec les précautions convenables, et d'expédier, au besoin, des courriers, si quelqu'objet important ou imprévu me paraissait l'exiger.

Monsieur Saladin de Crans avait été nommé par le Directoire en qualité de secrétaire de légation. Nous quittâmes Genève ensemble le 31 décembre et nous arrivàmes à Turin le matin du 3 janvier.

Nous nous présent âmes le lendemain chez S. E. le comte de Valaise, ministre dss affaires étrangères, pour lui remettre

les lettres de créance dont j'étais chargé, et solliciter une audience du roi. L'accueil du ministre fut très-froid. Il parut surpris de mon arrivée, dont il n'avait, me dit-il, point été prévenu, ce qui était contre l'usage. Il hésita à lire la lettre de V. E., Monsieur le Bourgmestre. Il me demanda mon nom et me dit qu'il prendrait les ordres du roi. Je l'assurai que le Directoire fédéral s'était mis en règle, en communiquant au ministre de S. M. en Suisse, dès le 19 décembre, la résolution de faire partir un envoyé extraordinaire de la Confédération pour régler à Turin les objets sur lesquels on n'était pas d'accord. Je lui remis, une heure plus tard, un extrait de la note du 19 décembre à Monsieur de Varax, qui prouvait que le Directoire était en règle. Mais soit que le ministre Sarde à Zurich eût tardé à écrire et qu'on voulût attendre sa communication, soit qu'on trouvât convenable de laisser arriver à Turin le chevalier de Montiglio, resté après moi à Chêne, où sa mission avait été sans résultat, ce ne fut que le 10 janvier que je fus admis à l'audience particulière du roi, pour avoir l'honneur de le complimenter et de lui remettre les lettres dont j'étais porteur.

Sa Majesté m'écouta avec bonté, me parla de la Suisse avec intérêt et daigna m'entretenir pendant quelques minutes sur différents sujets. J'ai rendu compte de cette audience en détail, dans ma correspondance confidentielle avec Monsieur le Syndic Turrettini. Comme cette correspondance a été régulièrement communiquée à Votre Excellence, qui avait agréé ce moyen pour être informée des détails, c'est là qu'on les trouvera, si le rapport que j'ai l'honneur de lui adresser laisse quelques développements à désirer.

Une audience particulière que j'obtins de S. M. la reine fut suivie de la permission de présenter moi-même Monsieur Saladin de Crans à Leurs Majestés.

Avant d'entrer dans l'historique de ma négociation, je crois devoir présenter ici quelques observations sur sa nature, sur le genre d'écueils que j'avais à éviter, et sur les moyens préparatoires que je jugeai utile d'employer.

Le but de ma mission avait quelque chose d'odieux à la cour de Turin. Les conférences de Paris en avril et mai 1814. avaient préparé les dispositions réalisées par le protocole de Vienne du 29 mars 1815, et encore étendues aux

dépens du roi, le 3 novembre de la même année. Tout cela paraissait dicté par un sentiment de bienveillance particulière pour le canton de Genève; et les puissances, en stipulant de telles faveurs pour ce nouveau canton Suisse, pouvaient bien être considérées à Turin, comme n'ayant pas soigné avec une égale sollicitude les intérêts du roi. Il y avait sans doute à cela de bonnes réponses dans les cessions précédemment faites à S. M. Sarde, et dans la restitution récente de la Savoie; mais la cession de Gênes n'avait été soumise à aucune condition, et on reprenait la Savoie comme un bien dont la possession aurait toujours dú être sacrée. L'abandon du territoire exigé à Vienne et à Paris, avait lieu en faveur d'un petit Etat qui s'était affranchi des prétentions des dues de Savoie, qui avait longtemps bravé leur puissance, et dont certains souvenirs historiques avaient quelque chose de blessant pour l'orgueil de cette maison royale.

Les conditions insérées dans l'acte de la haute Diète du 12 août 1815 avaient servi de raison, ou fourni un prétexte, pour retarder la remise du territoire cédé. Les conférences de Chêne et les notes échangées à Zurich n'avaient pas levé les obstacles. Enfin pour terminer tous les différends et faire un traité qui conciliat les intérêts des deux puissances, on voyait arriver à Turin le même négociateur qui avait, disait-on, travaillé avec activité à Paris et à Vienne pour dépouiller le roi d'un territoire qu'on représentait comme indispensable à la liaison et à l'administration des provinces limitrophes qui lui restaient.

Le froid accueil du ministre, les rapports de ceux qui recueillaient l'opinion, des mots échappés ça et là à des gens qui, n'étant point personnellement malveillants, se tenaient peu en garde sur leurs expressions, me firent comprendre que pour peu que je prisse dès le début une attitude hostile, tout rapprochement deviendrait impossible et qu'il faudrait finir par un prononcé des puissances.

Cependant si je conduisais les choses de manière à rendre un prononcé nécessaire, ou si je venais moi-même à le provoquer, je ne pouvais pas espérer mieux que le protocole du 3 novembre: or, mon ambition était de conserver à Genève, s'il était possible, ce littoral que le protocole de Vienne donnait a la Suisse et dont le protocole de Paris prononçait la rétrocession. La force de ma négociation était

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