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soit en France, soit à l'étranger, et, probablement, Paris n'eût pas été témoin des tristes journées de juin!

Si les travailleurs furent les constants objets de la sollicitude gouvernement provisoire, cet intérêt ne s'épuisa pas à leur seul bénéfice.

du

Des plaintes légitimes se faisaient entendre depuis longtemps parmi les équipages de nos navires de guerre sur l'insuffisance et la mauvaise composition de leurs rations de vivres. Le gouvernement s'empressa de décréter les mesures nécessaires pour introduire dans le régime alimentaire des marins de l'Etat toutes les améliorations qu'il comportait. Bientôt un autre décret supprima les châtiments de la bouline. de la cale et des coups de corde.

Au milieu de toutes ces bonnes dispositions émanant de l'ensemble du gouvernement provisoire, un fait significatif doit être constaté: c'est qu'il y eut résistance de la part de quelques nouveaux fonctionnaires au sujet de diverses mesures concernant la ville de Paris et les questions financières.

D'un côté, le peuple, dont la main puissante avait brisé les barrières de la ville de Paris, se croyait débarrassé à tout jamais de l'impôt qui l'atteignait dans tous ses premiers besoins, celui de l'octroi municipal, impôt que l'Assemblée constituante avait aboli dės 1790. Pendant plusieurs jours, barrières et employés étaient même disparus, aux applaudissements des populations. C'était un bienfait qu'elles faisaient remonter jusqu'à la République. Mais bientôt une proclamation émanant de la mairie centrale de Paris, et signée Buchez, adjoint, rappela au peuple que les charges de la ville ne permettaient pas de renoncer à son principal revenu, qui était celui des octrois. En conséquence, on engageait les bons citoyens à prêter leur concours aux employés chargés de cette perception, en donnant l'assurance que ces droits seraient modifiés de manière à les rendre moins lourds aux classes ouvrières.

A la lecture de cette affiche, le peuple s'émut, et les journaux révolutionnaires firent cause commune avec les classes qui murmuraient.

Si la mesure peut être légitimée pour la ville de Paris, où tant de ressources sont nécessaires pour parer aux exigences de la situation, s'écrièrent les organes de l'opinion publique, nous regretterions que le gouvernement provisoire ne prit pas. les moyens de faire cesser le plus tôt possible, et cela sur tous les points, une perception aussi vexatoire pour le peuple que nuisible aux vrais intérêts du pays. Les fonds procurés aux budgets communaux et à l'Etat par les perceptions établies aux barrières, peuvent être avantageusement remplacés par un surcroît proportionnel et mieux réparti dans l'impôt général; et la suppression des octrois permettra de congédier une multitude d'employés qui absorbent une grande partie du revenu. Nous savons très-bien que la fixation des impôts appartient à l'Assemblée nationale; mais rien ne nous parait devoir empêcher le gouvernement provisoire de soustraire les citoyens à une inquisition de tous les instants, et que l'on a toujours considérée comme contraire aux habitudes qui doivent régner dans un pays libre. »

En tenant ce langage, les feuilles démocratiques ne faisaient que maintenir les principes qu'elles avaient défendus avant la révolution, tandis que certains républicains arrivés au pouvoir les désertaient, en invoquant la nécessité.

Mais ce ne fut pas sur ce seul point que le désaccord apparut entre les diverses nuances du parti républicain. Dès le lendemain de la révolution, les publicistes, considérant comme abolies toutes les lois portées sous la monarchie contre la liberté de la presse, se mirent à user amplement de cette même liberté que le peuple venait de reconquérir. Une foule de journaux nouveaux parurent sans cautionnement et sans timbre, et les anciennes feuilles diminuèrent le prix

d'abonnement, se fondant sur la suppression de cet impôt. Mais aussitôt le nouveau ministre des finances, le citoyen Goudchaux, fit entendre les plus vives réclamations contre la suppression illégale, disait-il, de ce droit du timbre; et le gouvernement provisoire publia une déclaration dans laquelle, tout en reconnaissant d'abord que tout nouveau système politique doit se résumer dans un nouveau système de crédit et d'impôts; que le système de taxe de la République française devait avoir pour objet une répartition plus équitable des contributions publiques, et enfin qu'il existait des impôts dont la suppression était très-légitimement réclamée; le gou vernement provisoire, disons-nous, rappelait aux citoyens que les questions de contributions ne pouvant être décidées que par les délégués de la nation, juges souverains à cet égard, la perception de tous les impôts existants devait provisoirement être exercée, sous peine de suspendre ou de compromettre les services les plus importants.

Les journalistes comprirent, par cette mesure générale, qu'on voulait rétablir l'impôt du timbre des feuilles périodiques. Sur-le-champ, ils se réunirent pour délibérer sur les moyens à prendre afin de faire revenir le gouvernement aux principes de la liberté illimitée de la presse, auxquels le timbre portait une grave atteinte.

Dix-sept journaux furent représentés à cette réunion de la presse parisienne: on y décida, à l'unanimité moins une voix, qu'une démarche collective, officieuse et verbale serait immédiatement faite auprès du gouvernement provisoire à l'effet de lui représenter que, si l'impôt du timbre sur les journaux était maintenu, une pareille mesure, après la grande révolution accomplie dans l'intérêt des libertés publiques, menacerait la liberté de la pensée et entraverait celle de la presse.

En sortant de cette réunion, les journalistes se rendirent en corps et par une pluie battante à l'Hôtel-de-Ville. Mais l'heure

étant déjà très-avancée, ils n'y trouvèrent que le secrétaire général, qui promit de faire connaitre au gouvernement provisoire l'objet de la démarche des organes de la presse pari

sienne.

En effet, le gouvernement ne crut pas devoir repousser une demande appuyée sur les principes fondamentaux des Républiques démocratiques; et, malgré le ministre des finances, le timbre des journaux resta supprimé de fait, en attendant qu'il le fût légalement.

Le gouvernement provisoire fit plus encore, il prit l'engagement formel de présenter à la prochaine Assemblée nationale un budget dans lequel ne figureraient plus les taxes sur le timbre de la presse périodique, l'octroi et l'impôt sur le sel; il promit aussi une loi qui modifierait profondément le système des contributions indirectes.

Le

gouvernement provisoire n'avait pas compté sur l'impopulaire résistance de la réaction!

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TOME

Le gouvernement provisoire rompt avec le passé. — Abolition des titres de noblesse.

- Réorganisation de la garde nationale. — Suffrage universel direct. — Bases des prochaines élections. — Abolition des lois de septembre. — La République naissante conquiert la sympathie des ambassadeurs et des cabinets étrangers. - Accueil que les peuples font à la Révolution de 1848. Opinion des journaux anglais sur cette révolution. - Déclaration du ministre anglais Russell. — Adresse du peuple anglais au gouvernement provisoire. -— Sublime langage des ouvriers de Drogheda. - Opinion des journaux belges. — Adresse du gouvernement suisse au gouvernement provisoire. -Sympathies des peuples pour la République. —Elle est en butte à la guerre du capital. — Ligue de l'égoïsme et de la bassesse. Bruits sinistres répandus. Coupable conduite des banquiers et des riches. — Compte général de la situation financière léguée par la royauté. — Deltes immenses qu'elle laisse à la République. Mesures financières proposées par le ministre. - Détermination loyale à l'égard des caisses d'épargne. · La réaction s'en empare pour crier á la banqueroute. Les banquiers n'ont jamais aimé la République. — Cri d'alarme poussé par la Banque de France. Mesures énergiques pour éviter qu'elle me suspende ses payements. — Bous résultats obtenus. - Emprunt national de cent millions. Mesures relatives aux Bons royaux. Déplorable impôt des quarantecing centimes.

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Laissons un moment la République démocratique de France se consolider tous les jours davantage, et oublier complétement ses ennemis; laissons le gouvernement provisoire travailler à rompre avec le passé, en abolissant tous les anciens titres de noblesse, et en interdisant aux titulaires les qualifications qui se rattachaient à ces titres; en rétablissant les dénominations, si glorieuses, données sous la République et l'Empire aux généraux de division et de brigade, ainsi que les désignations nouvelles des tribunaux, des magistrats du parquet et autres fonctionnaires publics. Laissons-le réorganiser la garde nationale, en ouvrant ses rangs à tous les citoyens français indistinctement, et en donnant des armes à ceux à qui la royauté en avait toujours refusé. Laissons-le encore organiser, par un décret en quelques lignes, le suffrage universel et direct, sans aucune condition de cens, et déclarer que tous les Français âgés de vingt-un ans étaient électeurs, comme tous ceux ayant

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