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le service, plus de DIX MILLIONS ont été payés en numéraire. Il ne reste ce soir, à Paris, que cinquante-neuf millions!

<< Demain, la foule sera plus considérable; encore quelques jours et la Banque se trouvera dépouillée d'espèces.

Dans ces graves circonstances, nous devons recourir à votre vigilante et énergique sollicitude et à celle du gouverne

ment. >

En conséquence de ces prévisions et des mesures sollicitées par la Banque, le gouvernement provisoire confirma la disposition déjà prise par lui, qui ordonnait que les billets de la Banque de France seraient reçus comme monnaie légale. Il fit plus, il décida que, jusqu'à nouvel ordre, la Banque serait dispensée de l'obligation de rembourser ses billets avec des espèces.

Puis, pour faciliter la circulation, la Banque fut autorisée, non-seulement à émettre des coupures de ses billets de la somme de deux cents francs, comme le demandait le Conseil général, mais même de cent francs ('); et ces mesures s'appliquaient à toutes les succursales. Mais voulant prévenir en même temps une trop forte émission de ces billets, il fut décidé que le chiffre des émissions ne pourrait dépasser la somme de trois cent cinquante millions, y compris les comptoirs-succursales.

Ces mesures promptes et énergiques suffirent pour arrêter la panique, vraie ou fausse, et pour empêcher la suspension des payements de la Banque de France, suspension qui eût été inévitable si le gouverneur avait continué à laisser ignorer la situation des choses.

Dès le lendemain, la foule des malintentionnés cessa d'en

(') Il serait difficile de dire par quelles raisons plausibles la Banque elle-même et la plupart des banquiers s'étaient constamment opposés à l'émission de billets d'une somme au-dessous de cinq cents francs. Il est des gens aux yeux desquels la moindre innovation est synonyme de désorganisation.

combrer les bureaux de la Zaque; la ciruiaticu des killers reprit son cours natural; on uva neme faciement à les rea liser contre des especes, moyennant un apo te dema à un pour cent. Et, encse etrange! les actions de la Banque qui, le 15, jour ou les remboursements s'étaient eleves à la somme énorme de diz mations, étaient tombees à 1,400 francs, se refeverent successivement, et se vendirent 1,675 . le 17, et 1,725 fr. le 13!

Ce résultat fut d'autant plus remarquable, qu'on reprochait au gouverneur de la Banque de ne pas avoir ménagé les inté réts de cet établissement, et que bien des financiers avent pensé qu'il eût sufi de limiter la somme de Eulets que La Banque aurait pu échanger ou rembourser chaque jour. Mais le gouvernement provisoire ne voulut pas prendre une de ces demi-mesures qui n'eussent fait que paller le mal ca ajourner une catastrophe, que ses decrets énergiques ecajurérent parfaitement.

Ce premier essai d'une résolution vigoureuse aurait pu donner au gouvernement provisoire la mesure de ce qu'il devait oser en matière financiere; mais après ce coup d'autorité, il se laissa de nouveau diriger, sur ce point important, par les idées routiniéres de son ministre des finances.

Ce fut ainsi que, dans la prévision où l'emprunt de 250 millions contracté par la royauté serait forcément abandonné, 'e gouvernement crut pouvoir y suppléer par un emprunt ational de cent millions.

L'emprunt national, dit à ce sujet le ministre des finances, n'est pas une opération financière; c'est une mesure politique. Au moment où la rente est au-dessous du pair, le gouvernement de la République vient demander aux capitalistes, grands et petits, de montrer, par un éclatant témoignage, qu'ils regardent le crédit de l'Etat comme au niveau du pair. Cet appel sera entendu; il l'a été le chiffre des premiers versements

atteste que tout le monde comprend combien est étroite la solidarité du crédit public et du crédit privé. »>

Malgré ces phrases encourageantes, l'emprunt ne se remplit pas, quoiqu'on eût poussé les avantages jusqu'à en donner les coupons aux personnes qui avaient fait des dons volontaires.

Le ministre eut encore l'idée d'offrir aux porteurs de bons royaux des coupons de l'emprunt national, en rente 5 p. 100, au pair; et il fit décider que, dans le cas où cet échange ne serait pas accepté, ces bons ne pourraient être remboursés en espèces, par le Trésor public, que dans les six mois de leur échéance.

Par une autre disposition du même ministre, les citoyens furent invités, pour parer à toutes les difficultés financières que la prudence commandait de prévoir, à verser immédiatement, et par anticipation, ce qui leur restait à payer de leurs contributions de l'année, ou tout au moins les six premiers douzièmes.

Cette nouvelle mesure eut le sort qu'on devait prévoir; les bons citoyens s'épuisèrent pour venir en aide au gouvernement; les contre-révolutionnaires serrèrent plus fortement que jamais les cordons de leur bourse.

Toutes ces combinaisons ne pouvant pas parer aux besoins urgents du Trésor, M. Garnier-Pagès eut la malencontreuse pensée de proposer la perception de quarante-cinq centimes additionnels sur le montant des quatre contributions directes de l'année courante 1848. Voici comment il exposa ses besoins.

«<Loin que la dette flottante puisse nous apporter le moindre secours, c'est elle qui a créé tous nos embarras financiers ('), lesquels, à leur tour, réagissent sur notre politique.

Pour les emprunts, nous n'avons voulu, nous n'avons dû

(") Puisque les bons royaux avaient créé tous les embarras du Trésor, pourquoi

TOME 1.

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◄ Elle a renversé un régime déloyal et corrupteur, et avec lui, la barrière qui séparait la nation française du peuple hel vétique.

« Accomplie avec autant de calme que de grandeur, cette révolution providentielle va préparer l'émancipation des peuples.

Elle anéantit les dernières espérances du sonderbund, déjoue les complots de l'absolutisme, consolide nos nouvelles institutions et ranime entre les deux pays ces sympathies que les efforts d'un gouvernement parjure n'ont pu détruire.

« La Suisse a salué votre avénement avec acclamation.... » On lisait encore, dans une adresse des républicains de Berne, le passage suivant:

Peuple français ! toi qui viens de prouver au monde que tu es toujours la grande nation! toi qui es le seul roi légitime de la France! le peuple suisse, républicain comme toi, ton aîné dans la démocratie, ton cadet dans le progrès social; le peuple suisse te félicite de ta victoire, te remercie du service. immense que tu as de nouveau rendu à la cause de l'humanité, et te présente ses salutations républicaines et fraternelles. »

Ainsi, la République française s'était non-seulement emparée des sympathies des peuples, mais encore elle recevait journellement l'assurance des meilleures relations de la part des gouvernements qui l'entouraient : magnanime, généreuse, modérée, trop modérée au dedans, elle apparaissait grande et majestueuse au dehors. Ni l'intérieur ni l'extérieur ne pouvaient inspirer la moindre crainte.

Et pourtant elle fut bientôt en butte à la guerre la plus déloyale et la plus dangereuse, celle qui lui fut faite par un ennemi insaisissable, le capital, ayant sous ses ordres tous les banquiers, toute l'aristocratie de l'argent ligués contre la République, les uns par la haine ou la rancune, les autres par l'intérêt ou par la peur, tous par la perspective de ces réformes financières qui étaient pour eux une mer inconnue,

sur laquelle ils craignaient d'assister au naufrage de leurs coffres-forts.

Ajoutons qu'indépendamment de l'aristocratie de l'argent, la nouvelle République devait nécessairement avoir contre elle la meute de tous les hommes opposés au règne de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, régime insupportable à leurs tempéraments et à leurs habitudes serviles.

Cette double ligue de l'égoïsme et de la bassesse n'agit pas hostilement tout à coup : elle procéda avec une sorte de tactique.

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A peine remise de la frayeur que le triomphe du peuple sur la royauté lui avait causée, elle observa cauteleusement la marche du gouvernement provisoire. S'apercevant, qu'à l'exemple du peuple, ce gouvernement ne faisait aucune attention aux vaincus, et qu'il ne prenait contre les ennemis bien connus de la République aucune de ces mesures de précaution que l'intérêt de la chose publique eût pu suggérer, cette ligue leva la tête, et, comme les grenouilles de la fable, elle ne tarda pas à se jouer de ce qui avait fait d'abord l'objet de son effroi.

Ce furent d'abord des bruits sinistres répandus dans l'ombre par les habiles, et colportés par les niais ou les malveillants, puis ventilés par le journal réactionnaire le Constitutionnel. Tantôt c'étaient les craintes les plus chimériques contre la propriété qui étaient exploitées; le lendemain, on annonçait que des troupes marchaient sur Paris, ayant les fils de LouisPhilippe à leur tête; d'un autre côté, on assurait que l'approvisionnement de la capitale était insuffisant; le lendemain encore, on excitait les ouvriers imprimeurs à aller briser les presses mécaniques; puis on grossissait outre mesure quelques bandes d'incendiaires qui se ruaient stupidement contre les chemins de fer. Comme on le pense, ces bruits absurdes ne soutenaient pas l'examen, et ils tombaient aussitôt; les exci

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