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ébranler; nous y répondons aujourd'hui par une manifestation pacifique, pour vous défendre et nous défendre avec vous.

Que le gouvernement s'appuie résolument sur un peuple franc et généreux; qu'il lui donne l'exemple de l'union, de l'unité, de la confiance et de la fermeté, et l'ordre sera solide; comme la liberté, le commerce, le travail et l'industrie reprendront leur cours; la République triomphera; elle fera l'honneur de la France et accomplira le bonheur de l'humanité. ›

Louis Blanc, chargé de répondre au vou du peuple de Paris, le fit en ces termes, après avoir remercié les délégués des paroles pleines de sympathie et de dévouement qu'ils venaient d'adresser au gouvernement provisoire :

« Le gouvernement de la République est fondé sur l'opinion: il ne l'oubliera jamais. Notre force, nous le savons, est dans la force du peuple; notre volonté doit toujours être en harmonie avec la sienne...

« Les pensées d'ordre que vous avez manifestées sont la consécration de la liberté en France. Il faut que la force du peuple se montre sous l'apparence du calme : le calme est la majesté de la force.

« Vous avez exprimé des vœux qui feront l'objet de nos délibérations. Vous-mêmes, citoyens, vous ne voudriez pas que le gouvernement qui est appelé à vous représenter cédât à une menace... Nous délibérerons sur les vœux que vous avez émis, et soyez sûrs que le plus ferme désir du gouvernement provisoire est de marcher avec le peuple, de vivre pour lui, et, s'il le fallait, de mourir pour lui. »

Les applaudissements ayant ici interrompu l'orateur du gouvernement, un délégué en profita pour déclarer que le peuple travailleur saurait mourir pour son gouvernement provisoire, tant que celui-ci défendrait les droits et les libertés publiques. Le vœu que vous exprimez, reprit Louis Blanc, est-il le vœu général?

TOME I.

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- Nous avons convoqué toutes les corporations, répondit un délégué; nous leur avons soumis ce que nous nous proposions de faire elles ont toutes adhéré, et nous ont envoyés vers vous pour vous présenter les vœux que nous venons de vous exprimer... Quelle réponse rapporterons-nous au peuple? -«< Dites au peuple qui vous a envoyés, répondit le même membre du gouvernement provisoire, que nous ne pouvons avoir une volonté qui ne soit la sienne, et que nous ne faisons ici que garder sa propre souveraineté... Maintenant, citoyens, laissez-nous délibérer sur ces vœux, afin qu'il soit bien entendu que le gouvernement de la République ne délibére pas sous l'empire d'une menace.

-« Nous ne voulons pas influencer et encore moins faire violence au gouvernement provisoire, s'écria le délégué Sobrier; nous avons confiance en lui.

- « Nous sommes venus exprimer des vœux, reprit un autre délégué, le citoyen Cabet. Le gouvernement provisoire ne peut pas ignorer la situation du pays : il a, comme nous avons tous, besoin d'énergie pour sauver la chose publique. Nous espérons, citoyens membres du gouvernement provisoire, que votre patriotisme et votre dévouement au peuple, à la liberté, à la Révolution, trouveront les moyens de dissiper toutes les inquiétudes, et de donner à la marche révolutionnaire le caractère d'ordre, de liberté, d'union, de confiance universelle qui lui est nécessaire pour assurer le triomphe de la République et consolider ses destinées. Le gouvernement est trop sage pour ne pas vouloir délibérer, et nous, nous sommes trop amis de l'ordre et de la liberté pour ne pas lui laisser la faculté de délibérer en effet. >

La tâche des délégués semblait être terminée, quand un autre membre du gouvernement provisoire, Ledru-Rollin ('),

(') A cette séance solennelle assistaient tous les membres du gouvernement provisoire; et pourtant, il n'y en cut que trois, ceux que l'on considérait comme

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crut devoir prendre la parole pour dire que les commissaires dans les départements ayant été consultés sur l'ajournement des élections, on ne pouvait délibérer sur cet objet qu'autant qu'on serait éclairé sur l'état général de la France.

« Nous prenons en considération les vœux de cette cité, conclut le ministre de l'intérieur, de cette cité qui donne l'initiative et l'impulsion; mais attendez que les départements sc soient prononcés: ne laissons pas dire que Paris est tout, et que le reste de la France est, pour ainsi dire, abandonné. Quand nous aurons connaissance des voeux de la France entière, par l'intermédiaire de nos commissaires, nous prendrons une résolution, à savoir, l'ajournement des élections, si cela est indispensable; mais ce que nous voulons, ce que vous voulez tous, c'est l'établissement sérieux et pour la dernière fois de la République que nous avons proclamée sur les barricades.

-(( Citoyens membres du gouvernement provisoire, répondit avec beaucoup de sens le délégué Cabet, nous n'avons rien à exprimer que des opinions, que des vœux ; nous savons tous, et vous devez savoir mieux que nous la situation du pays, quelles sont les agitations des départements, quelle est l'influence des ennemis de la Révolution, de la République et du peuple.

<< La manifestation d'hier aurait complété votre enseignement, s'il ne l'était déjà; et les manœuvres qu'on a eu l'audace de venir manifester jusque dans le sein de la capitale, quand les barricades ne sont pas encore effacées, ces manœuvres nous donnent à tous la conviction qu'elles se répètent et qu'elles se développent avec beaucoup plus d'énergie encore loin des yeux

ayant les sympathies du peuple, qui parlèrent. Les autres gardèrent un silence prudent, approbateur de tout ce qui se disait. Pourquoi ont-ils été incriminer cette belle journée dans leurs dépositions devant la haute Cour de Bourges? C'est que le peuple n'était pas là pour leur donner un démenti.

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