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nement et d'une manière plus générale, non pas seulement par les états civilisés, mais par les nations barbares. Dans l'antiquité, les envoyés étaient placés sous la protection des dieux, et, comme tels, étaient des personæ sanctæ; la crainte des dieux suppléait à l'impuissance du droit international. Le monde moderne les met sous la protection du droit, c'est-à-dire de la loi humaine et non plus de la loi divine. Voir Grotius II, c. 18, 1.

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L'état auprès duquel les envoyés sont accrédités, est non-seulement tenu de s'abstenir de tous actes de violence à leur égard, mais encore de les protéger contre les violences dont ils viendraient à être l'objet de la part des habitants du pays.

1. L'état a le devoir de protéger toute personne quelconque contre les actes de violence. Mais ce devoir général s'accroit, est, pour ainsi dire, porté à une plus haute puissance, à l'égard des représentants des états étrangers. L'état doit veiller spécialement à la sûreté des envoyés étrangers, et devra, suivant les circonstances, leur fournir une escorte et des secours extraordinaires.

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Toute atteinte illégale à la personne de l'envoyé est une atteinte à l'état que ce dernier représente. Cet acte pourra, dans les cas graves, être considéré comme une offense à tous les états et au droit international en général.

1. Tous les états ont intérêt à ce que l'inviolabilité des employés diplomatiques soit et demeure reconnue et garantie. C'est pourquoi tous les états sont autorisés, soit à appuyer les réclamations de l'état directement lésé, soit à poursuivre eux-mêmes la réparation de l'injustice et la punition des coupables. Phillimore 11, 142.

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Lorsqu'un envoyé vient à être blessé ou lésé par un citoyen qui se trouvait en état de légitime défense, l'envoyé ne peut faire de réclamations; la légitime défense est un droit imprescriptible.

1. Voir art. 144.

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L'envoyé qui brave volontairement un danger s'expose aux conséquences de sa manière d'agir. S'il est atteint, l'état qu'il représente ne pourra point considérer ce fait comme une offense ou une violation du droit international.

1. Lorsqu'un envoyé se rend, sans prendre de précautions, au milieu d'un groupe d'émeutiers et prend part au combat dans les rues, ou lorsqu'il vient à être tué ou blessé en duel, ce n'est pas comme envoyé qu'il a été atteint, et sa mort ne peut nullement être considérée comme une offense envers l'état qu'il représente. C'est un accident dont l'état ne peut être rendu responsable.

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Les envoyés ont, en outre, droit à l'exterritorialité. Ce droit s'étend à leur suite et à leur demeure (art. 135 et suivants).

1. Le principe de l'exterritorialité s'est développé surtout grâce à la position exceptionnelle des missions permanentes.

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Les droits spéciaux et les immunités des envoyés s'appliquent surtout à leurs papiers, actes et correspondances.

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En conséquence, on ne peut, pour motifs politiques ou de police, enlever leurs dépêches aux courriers porteurs de la correspondance officielle des envoyés.

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La violation du secret de la correspondance officielle des envoyés constitue une violation grave du droit international.

1. Quoique cette conséquence du principe de l'inviolabilité des envoyés soit toute

naturelle, bon nombre d'états ne la respectent pas dans la pratique; ils se sont laissé si souvent entraîner par l'intérêt politique à ouvrir les lettres, que cet abus a forcé d'écrire en chiffres les dépêches importantes, afin de les rendre incompréhensibles aux tiers, et de remettre à des courriers spéciaux les dépêches que, pour plus de sûreté encore, on ne veut pas même confier à la poste.

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Il n'est pas attaché de droit d'asile à la demeure de l'envoyé. Ce dernier est, au contraire, tenu de livrer aux autorités compétentes la personne poursuivie par la police ou les autorités judiciaires du pays et qui se serait réfugiée chez lui, ou d'autoriser dans sa demeure la recherche du fugitif.

1. Voir plus haut, art. 77. Un ministre espagnol, le duc de Ripperda, s'était réfugié, en 1726, dans l'hôtel de l'ambassadeur d'Angleterre à Madrid. L'ambassadeur refusa de livrer le due; il ne fut pas tenu compte de ce refus, et on eut recours à la violence pour arracher le fugitif. L'Angleterre avait bien le droit de protester contre les formes et les procédés employés; mais, quant au fond, l'Espagne avait raison. Philli more 11, 204. Martens (Erzahlungen, I, 247) rapporte la tentative du ministre d'Angleterre, à Stockholm, de sauver, en 1747, le marchand Springer, poursuivi pour crime de haute trahison, et qui s'était réfugié dans l'hôtel de la légation anglaise. L'hôtel fut entouré par les troupes suédoises, et le fugitif dut être livré; mais l'Angleterre dut rappeler son envoyé, parce qu'il avait outrepassé ses droits.

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L'envoyé ne peut pas davantage refuser de livrer les fugitifs. qu'il a reçus dans sa voiture.

1. La police ou les autorités judiciaires qui, dans les circonstances ci-dessus, font arrêter la voiture de l'envoyé et s'emparent du fugitif, ne se rendent en aucune manière coupables de violation du droit international. Vattel iv, 119, raconte qu'un ambassadeur de France, à Rome, essaya en vain de sauver de cette manière quelques Napolitains poursuivis par les gendarmes pontificaux.

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L'envoyé ne doit pas prêter son hôtel à des manœuvres dirigées contre l'état auprès duquel il est accrédité. S'il ne respecte pas ce devoir, son exterritorialité ne le protége pas non plus

contre les mesures de sûreté que pourra prendre l'état auprès duquel il a été envoyé.

1. Il n'a pas le droit d'y autoriser des réunions de conjurés, d'y établir des magasins d'armes pour soutenir une révolution, etc. Lorsque le ministre de Suède à Londres prit part à une conjuration contre le roi d'Angleterre, il fut arrêté et ses papiers mis sous scellés. Les avocats de la couronne d'Angleterre reconnurent la légalité de ce mode de procéder, et la diplomatie, après avoir protesté pendant quelque temps, finit par se ranger au même avis. Martens, Causes célèbres, 1, 75. Vattel iv, 101.

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L'envoyé a le droit d'exercer librement le culte de sa religion dans son hôtel, pour lui, sa famille, sa suite et ses domestiques.

1. Ce privilége de l'envoyé a perdu une grande partie de sa valeur, depuis que dans presque tous les états civilisés la liberté des cultes a enfin succédé à l'intolérance. Mais il a encore une importance dans les états qui sont restés en arrière des progrès modernes.

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On accorde partout aux envoyés des classes supérieures le droit de tenir chez eux une chapelle, c'est-à-dire d'avoir dans leur demeure un service religieux qui ne soit pas restreint au personnel de la mission.

1. Le droit d'avoir une chapelle n'a été accordé, jusqu'aujourd'hui, qu'aux classes supérieures d'envoyés; mais il n'existe, en droit, aucun motif de restreindre cette faculté à ces classes et de la refuser aux chargés d'affaires.

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Sont compris dans le droit de tenir une chapelle :

a) Le droit de bâtir une chapelle pour la mission diplomatique et d'en faire usage.

b) La faculté d'entretenir un ecclésiastique chargé spécialement du service de la chapelle.

c) Le droit de laisser d'autres personnes, et spécialement les compatriotes de l'envoyé, ceux qu'il a mission de protéger et les autres étrangers de la même religion que lui, prendre part au

service religieux célébré à la chapelle de la mission diplomatique.

1. On cherche partout, aujourd'hui, à favoriser l'extension du droit de tenir une chapelle et la liberté des cultes en général. Cependant on entend encore parler, de temps à autre, de la défense faite par un état, à ses nationaux, d'assister aux services religieux célébrés dans l'hôtel d'une ambassade étrangère. Il est actuellement défendu aux Romains de suivre le service protestant célébré dans la chapelle du ministre de Prusse.

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Le droit de tenir une chapelle n'implique pas nécessairement celui de faire certaines manifestations extérieures, telles que processions, sonnerie de cloches, droit de l'ecclésiastique de porter le costume de sa charge en dehors de la chapelle.

A l'intérieur de la chapelle, par contre, et dans l'hôtel de l'envoyé, l'ecclésiastique peut porter son costume officiel; il peut y célébrer des baptêmes et des mariages, et tenir un service divin dans le cimetière dépendant de l'hôtel de l'envoyé.

1. Le droit de tenir une chapelle se rattache au droit de l'envoyé de gouverner sa maison comme il l'entend (Hausrecht); c'est pourquoi il ne s'étend pas au culte public en dehors de l'hôtel de l'envoyé et de la chapelle qui en dépend.

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L'absence temporaire de l'envoyé n'empêche pas la continuation du service divin dans l'hôtel de l'envoyé; mais si la mission cesse, le droit de tenir chapelle s'éteint aussi.

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La famille, la suite et les domestiques de l'envoyé ont également le libre exercice de leur religion ou confession à l'intérieur de l'hôtel, chacun suivant sa religion ou confession.

1. Ce principe doit être admis aussi dans le cas où ces personnes appartiendraient à une autre confession que l'envoyé lui-même. La chapelle d'un ambassadeur prussien, par exemple, peut être protestante, pendant que l'ambassadeur lui-même sera catholique.

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