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et faire certains actes rentrant dans le domaine du droit international.

1. Le grand éloignement des colonies d'outre-mer rend souvent désirable, dans l'intérêt même de celles-ci, qu'elles aient un gouvernement spécial et jouissent d'une représentation distincte. Quoique, à l'origine, la mère-patrie soit seule le siége de la souveraineté, le développement de la colonie exige une plus grande liberté de mouve ments. C'est par ce moyen que les colonies arrivent à avoir une vie propre et à s'ériger même en états souverains. L'histoire de l'Amérique est très-instructive sous ce rapport. Comme exemple de bonne politique coloniale, nous pouvons citer la conduite actuelle de l'Angleterre depuis les réformes de lord Durham au Canada en 1836.

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On doit ranger sur la même ligne que les colonies certains pays qui sont en quelque sorte les dépendances d'un autre état.

1. Lorsqu'un pays est la dépendance d'un état étranger, il est important de savoir si la population de ce pays est capable de veiller elle-même à ses intérêts, et si elle le fera de façon à ne pas léser les intérêts de l'État principal. Si les habitants sont incapables ou hostiles, on ne leur accorde aucune indépendance et on confie l'administration du pays à des colons appartenant à la nation dominatrice. Comme ces pays sont le plus souvent des conquêtes (les Indes Orientales conquises par les Anglais, l'Algérie par la France), il est souvent plus difficile que dans les pays coloniaux de leur accorder une certaine indépendance.

ÉGALITÉ DES ÉTATS.

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Tous les Etats, étant des personnes, sont égaux entre eux. Ils participent tous au droit international et ont droit à ce qu'on respecte leur existence.

1. L'égalité entre les états est la même que celle entre les citoyens. Les différences d'étendue, de puissance, de rang, ne modifient pas cette égalité; car elle consiste dans le fait de reconnaître aux états la qualité de personnes juridiques, et dans l'application des principes du droit international à tous sans distinction.

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Aucun état n'est autorisé à s'approprier les emblèmes parti

culiers à un autre état (son titre, ses armes, son drapeau, son pavillon) et à en abuser.

1. La personnalité d'un état s'exprime par ces emblèmes, et chaque état a droit à ce qu'on les respecte. On comprend que la priorité du choix de ces titres ou emblèmes décide. Dès que ce choix a été fait, on doit au nom de l'égalité, le respecter et éviter toute confusion qui pourrait résulter de l'usurpation de ces mêmes titres ou emblèmes.

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Chaque état a droit au respect de sa personnalité morale et juridique; il a donc un droit et un honneur. L'atteinte portée à l'honneur entraîne le droit d'exiger satisfaction.

1. Ici encore il en est des états à peu près comme des hommes. De même qu'il y a un honneur commun à tous les hommes, de même il y a un honneur commun à tous les états; ni les uns ni les autres ne doivent attenter à cet honneur dans les relations qu'ils soutiennent entre eux. Un état peut bien suivre dans certains cas une politique basse ou immorale, tout comme un homme peut parfois agir mal ou sottement; cette conduite exercera naturellement une influence sur l'opinion publique et la confiance des autres puissances. Mais le droit général que possèdent tous les états d'être respectés dans leur honneur, n'est pas atteint par le fait qu'ils ont agi peu loyalement dans quelques circonstances, pas plus que le degré de respect auquel chaque homme peut prétendre n'est atteint par les fautes isolées de cet homme. L'honneur humain subsiste dans toute sa grandeur, car il est un effet de l'image de Dieu empreinte dans la nature humaine; de même l'honneur des états subsiste toujours, parce qu'il est la conséquence de la majesté de l'état, c'est-à-dire de ce qu'il y a d'humain dans la vie et le développement des peuples.

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Il ne résulte pas de l'égalité des états que tous aient le même rang et puissent s'arroger à volonté un titre élevé. Chaque état a le droit de prendre un titre correspondant à son importance et à la position que sa puissance lui donne.

1. On a souvent déduit du principe de l'égalité des états les deux principes erronés que tous les états ont le même rang, et que chaque état peut librement prendre le titre qui lui plaît. Le rang qu'une puissance prend dans le concert des états n'est pas la conséquence de sa seule personnalité; le rang est un effet de la puissance et de l'influence. Le titre désigne le rang qu'un état possède parmi les autres; il ne peut par conséquent être choisi arbitrairement et sans tenir compte des autres États. On a rare

ment vu quelque chose de plus ridicule que ce chef de nègres haïtiens demandant le titre impérial pour sa couronne d'oripeaux. Lorsque l'électeur Frédéric Ir de Brandebourg prit en 1701 le titre de roi, on pouvait se demander si cette qualification correspondait à la puissance réelle de la Prusse; mais l'histoire de cet état a depuis lors levé tous les doutes. - Il en est de même du titre d'empereur pris par Pierre-le-Grand, et qui ne fut reconnu que successivement par les diverses puissances (en 1744 seulement par l'empire d'Allemagne, en 1762 par la France, en 1764 par la Pologne). La France et l'Autriche ont passé dans notre siècle par les mêmes vicissitudes. Les cing grandes puissances européennes ont expressément déclaré au congrès d'Aix-la-Chapelle, protocole du 11 octobre 1818, qu'elles ne pouvaient accéder au vœu de l'électeur de Hesse de prendre le titre de roi, et qu'en général ce serait à elles à prononcer sur les changements de titres.

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N'ont un droit naturel au rang impérial et au titre correspondant, que les états dont l'importance, au lieu d'être uniquement nationale, a quelque chose d'universel, embrasse le monde ou au moins une partie du monde; n'y ont droit, que les états qui sont en quelque sorte des puissances universelles, ou tout au moins qui réunissent en eux plusieurs peuples, ou ont sur plusieurs nations une influence politique déterminée.

1. Ce qui distingue un empire, c'est que son autorité s'étend au-delà d'un peuple déterminé et des limites d'un territoire. L'empire appartient à l'histoire du monde par ses origines et a dans l'histoire une portée universelle; c'est pourquoi on ne doit pas abuser du titre d'empereur par simple vanité nationale ou dynastique. Les rois francs et germains du moyen àge reçurent ce titre comme empereurs romains; ils étaient alors à la tête des chrétiens de l'Occident et de la civilisation chrétienne (imperium mundi) et on les regardait comme les « administrateurs de la paix du monde. » Le czar Pierre le Grand prit, en 1701, le titre d'empereur en réminiscence de l'empire romain d'Orient. Napoléon 1er voulait restaurer l'empire de Charlemagne. L'empire d'Autriche (depuis 1804) et le second empire français (1852) ont une portée moins universelle, mais leur importance n'est pas uniquement nationale.

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Le rang impérial d'un état ne dépend pas du titre correspondant. Une puissance universelle gouvernée par des rois, ou une république dont l'autorité aurait quelque chose d'universel, ont droit au rang impérial.

1. La Grande-Bretagne a un roi pour souverain, mais a rang impérial; aucune autre puissance ne l'égale en importance dans le monde. Rien n'empêchera la république des

États-Unis de l'Amérique du Nord, si elle veut se poser en puissance universelle, de demander le rang impérial et de l'affirmer par ses actes.

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Ont rang royal, les états qui embrassent un seul peuple sur un territoire déterminé, et dont l'étendue et l'importance pour les relations internationales sont suffisantes.

Les usages diplomatiques font rentrer dans cette catégorie, en sus des états aux souverains desquels le droit international accorde le titre de rois, les républiques d'étendue et d'importance analogues et les grands duchés actuellement existants.

1. Déjà, au moyen âge, les électeurs du saint empire romain d'Allemagne prétendaient au même rang que les rois des autres nations chrétiennes. Au-dessus d'eux tous s'élevaient l'un à côté de l'autre, d'après la fiction inventée par la science du moyen âge, Sa Majesté l'empereur romain et Sa Sainteté le pape.

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Il n'existe aucun droit de préséance des royaumes sur les républiques ayant rang royal, ou inversement.

1. Le cérémonial des cours connaît bien un droit de préséance des rois sur les grands-ducs, mais il ignore un privilége de rang des royaumes sur les républiques ayant rang royal. La puissance et l'influence politique, qui sont la base naturelle du rang des états, sont indépendantes de ces différences constitutionnelles.

L'Angleterre sous Cromwell avait une plus grande influence, mais le même rang que sous le roi Charles Ier, et la république française exigea, au traité de Campo-Formio, en 1797, le méme rang qu'avait jadis la France sous les rois de la maison de Bourbon.

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Les états ayant rang royal sont, sur tous les points essentiels, égaux entre eux et égaux aux états ayant rang impérial. Ils ont en particulier le droit indiscutable d'envoyer et de recevoir des ambassadeurs, d'admettre et de faire usage des emblèmes royaux dans les couronnes, sceptres ou armoiries, et lors de la signature des traités, d'être tous placés sur un pied de parfaite égalité. Les princes de ce rang se donnent dans leurs lettres le nom de « frères. >>

Cependant les rois seuls reçoivent, en leur qualité de souverains, le titre de majesté; les autres princes de rang royal n'ont pas droit à ce titre, et les premiers ont le pas sur eux.

1. Le titre de majesté, limité jadis à l'empereur, a été étendu aux rois depuis le XVIe siècle. En tous cas ce titre ne convient qu'à une dignité entraînant la jouissance de la souveraineté gouvernementale la plus complète, et il ne peut s'appliquer à des rois dépendant d'un autre état. Mais il sera sans doute plus difficile de modérer les titres que de diminuer les droits de souveraineté eux-mêmes.

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Entre représentants d'états ayant le même rang, les plus anciens ont le pas sur les plus jeunes. Les questions de rang entre les états peuvent, du reste, être réglées par les traités ou l'usage.

1. Les efforts tentés au congrès d'Aix-la-Chapelle pour régler définitivement ces questions ont échoué en face des difficultés suscitées par la vanité ou les usages des

cours.

Des traités ou usages spéciaux ont réglé entre certains états le salut du pavillon. V. Phillimore, Int. Law., II, 31 et suivant.

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La parenté des souverains ne modifie en rien le rang auquel ils ont droit.

1. Protocole du congrès de Vienne, du 19 mars 1815. « Les liens de parenté ou d'alliance de famille entre les cours ne donnent aucun rang à leurs employés diplomatiques. Il en est de même des alliances politiques. >>

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Les états mi-souverains (états vassaux, états soumis à un protectorat, états faisant partie d'une confédération) doivent toujours céder la préséance aux états dont ils sont dépendants (Etats suzerains, protecteurs, pouvoir central de la confédération).

1. Comme les rapports de dépendance se font sentir jusque sur le terrain du droit

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