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On comprend maintenant pourquoi nous avons dit qu'en espérant le triomphe croissant d'une religion saine et vraiment chrétienne, nous espérions aussi la fin des agitations pénibles où nous vivons. Nous ignorons le terme précis que Dieu leur a assigné; nous ne savons combien de temps encore nous devrons en être spectateurs, ou même nous y trouver compromis; mais ce qui est certain, c'est que le zèle ne nous manquera point, non plus que le désir sincère d'être vraiment utiles à la piété comme à la vérité. Aucun de nous ne reculera devant la belle tâche que nous avons entreprise et dont, avec le secours de Dieu, nous annonçons aujourd'hui la continuation; et comme il se pourrait qu'on vît quelque garantie à la confiance qu'on nous témoigne dans la connaissance officielle de nos noms, nous n'hésitons pas à en publier la liste, n'ayant jamais eu la pensée d'en faire aucun secret.

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COLLABORATEURS.

MM. Pictet, ancien du Vénérable Consis

toire et membre du Conseil repré

sentatif.

Vaucher-Amat, pasteur.

N. B. Les rédacteurs ayant le droit de révision sur les articles insérés au Journal, c'est sur eux que doit peser toute responsabilité.

II. Sur une application

DE LA PHILOSOPHIE A LA RELIGION A PROPOS DES DISCUSSIONS RELIGIEUSES.

(Premier article. )

INTRODUCTION.

On ne s'étonnera pas, j'espère, de voir joindre le mot de philosophie à celui de religion. La philosophie n'est autre chose que la science des principes, c'est-à-dire des idées principales qui fondent, règlent et façonnent toutes les connaissances humaines. Elle s'applique donc à tout. Aucune des recherches ou des croyances de l'homme ne peut échapper à son influence. Toutes en reçoivent en quelque degré leur forme. Vraie ou fausse, bienfesante ou funeste, la philosophie règne, même à notre insu, sur nos esprits. Pour lui être soumis il n'est pas nécessaire de l'avoir étudiée, ou même de savoir son nom. Paysans, ou docteurs, peu importe, nos intelli

gences portent toujours son empreinte ; car dans les considérations qui nous persuadent, dans les idées qui nous plaisent, dans les croyances qui nous entraînent, il est toujours aisé de découvrir plus ou moins le résultat de notre tournure d'esprit, de nos habitudes intellectuelles et de notre éducation, c'est-à-dire des méthodes philosophiques sous l'empire desquelles notre esprit s'est développé, qui ont formé nos parens, nos instituteurs, et dicté les livres élémentaires à notre usage.

La même cause pourrait-elle ne pas influer aussi sur nos raisonnemens et nos sentimens religieux? La religion, sans doute, si elle est forte et vivante, influe à son tour sur notre intelligence; elle fait sentir son impulsion bienfesante à notre jugement comme à notre vie. Grâces lui en soient rendues! souvent elle sauve de ses propres écarts notre esprit aussi bien que notre cœur. Mais entre ses leçons et la philosophie, il y aura toujours, quoi qu'on fasse, action et réaction; car pour croire et nous appliquer les vérités religieuses, il faut nous faire une idée quelconque de ce que nous croyons et de ce que nous appliquons. Or nous ne pouvons comprendre et arranger des idées qu'avec notre intelligence, qui apporte nécessairement à ce travail ses facultés propres, ses méthodes ordinaires, ses dispositions antérieures, en d'autres termes sa philosophie.

C'est en particulier sur les discussions dogmatiques que l'action de nos habitudes intellectuelles sera sensible: bien souvent ces discussions sont entretenues ou même excitées par l'action simultanée de tendances philosophiques contraires, ou, pour employer de moins grands mots, par des manières de voir et de raisonner tout opposées, mais usitées à la fois dans un même lieu, parmi

les mêmes hommes. Qui n'a vu souvent deux Chrétiens, étudiant de très-bonne foi la même doctrine, méditant le même passage, arriver précisément à des résultats contradictoires? C'était, bien souvent, parce qu'ils suivaient des méthodes diverses, dues à des habitudes intellectuelles, et à ce que j'appelle des tendances philosophiques opposées.

Or je me figure qu'il serait grandement utile de regarder d'un peu plus près à l'action de cette cause. Si nous pouvions une fois faire la part exacte de son influence dans les disputes religieuses, peut-être serait-il plus aisé de les juger sainement, surtout d'y obtenir plus de douceur et de tolérance. Quand chacun comprendrait pourquoi son adversaire pense autrement que lui, il serait moins prompt à le croire fourbe ou méchant, parce qu'il pense autrement que lui.

Cette recherche importante, si elle était complète et approfondie, ne serait peut-être faite ni pour ce journal ni pour ses lecteurs, encore moins pourrait-elle être l'ouvrage de celui qui essaie ces réflexions. Je me hasarderai seulement, comme échantillon du sujet, à en ébaucher un point particulier dans cet article et dans quelques suivans. Je promets tous mes efforts pour exprimer clairement ces matières abstraites; je demande en échange un peu de patience et d'attention, espérant humblement qu'on voudra bien pardonner la nature de cet essai, en considération de son utilité.

L'esprit humain obéit suivant les hommes et le temps à deux tendances bien différentes, lesquelles correspondent aux deux sortes d'êtres avec lesquels il entre en rapport.Autour de lui ses sens aperçoivent mille objets variés et visibles, avec lesquels il soutient des rela

tions nombreuses, auxquels il lie ses intérêts, il attache ses passions et applique son activité. —Au-dedans de lui, il se sent en possession d'une intelligence, d'une conscience, d'une âme qui, ouvrent à ses observations une sphère immense et tout opposée. Ce sont là comme deux mondes divers, entre lesquels chaque homme est placé, l'un intérieur, l'autre extérieur, l'un invisible, l'autre visible. L'école les désigne par les mots de moi et non moi, de sujet au-dedans et d'objets au-dehors. L'homme, toujours peu capable de garder l'équilibre en quoi que ce soit, se laisse d'ordinaire attirer par l'un de ces champs d'action et d'étude, de préférence à l'autre. Tout entier à l'observation des faits extérieurs, il oublie l'âme et ses mystères, ou bien, charmé par la contemplation et l'étude de son âme, il ne tient nul compte de ce qui se passe au-dehors. Dès que la pensée humaine commenca à se faire jour, de ces deux tendances naquirent deux philosophies tout opposées. Toujours ennemies, en même temps que rivales, la philosophie subjective et l'objective, se sont de tout temps partagé les suffrages des sages et les travaux des esprits profonds. Bien plus, elles ont régné même sur la foule, qui ne s'en doutait guère; elles ont tour-à-tour réglé ses goûts, sanctionné ses préjugés et dicté ses opinions. Qu'on leur donne pour représentans Platon et Aristote, ou bien Leibnitz et Bacon, ou Kant et Condillac, peu importe. Les noms varient, mais les principes fondamentaux restent les mêmes, et, sous la diversité apparente des systèmes, le même contraste reparaît toujours. Ici les idées et là les faits; ici les hautes théories et là l'observation patiente; ici les esprits et là les corps; ici le sujet et là les objets. La lutte a toujours existé; elle continuera tant que

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