Images de page
PDF
ePub

changer les cœurs des incrédules par de laborieuses démonstrations.-Eh bien, cet homme se trompe encore, et sa méthode exclusive est insuffisante, funeste même tout comme la première. Elle est bonne, elle est indispensable, sans doute, pour confirmer et convaincre ; elle est admirable pour persuader le cœur, et faire pénétrer jusqu'à l'âme les démonstrations qui risquaient de s'arrêter à l'intelligence; mais quand il s'agit de fonder solennellement l'édifice entier de la foi, elle ne peut suffire. La religion, en effet, est-elle toute en nous-mêmes? Dieu ne l'a-t-il pas manifestée en-dehors par des traits visibles? Sans cela eût-elle changé le monde, et serait-elle le plus grand événement de l'histoire? Ne l'oublions pas, elle repose sur des bases positives, appréciables à tous, dont tous peuvent constater l'existence et la force. Elle est avant tout un fait historique, qui doit être historiquement garanti. Christ a-t-il prêché, et qu'a-t-il prêché? est-t-il mort sur la croix et ressuscité le troisième jour? ses disciples ont-ils enseigné? ont-ils écrit? avaient-ils droit d'enseigner et d'écrire? Voilà ce dont le Chrétien doit s'assurer avant tout, s'il veut donner à sa religion une couleur positive, une existence solide, une énergie suffisante. Changez cette marche, et vous ébranlez tout. Vous négligez imprudemment les fondemens de l'édifice, comment compter sur sa fermeté; vous êtes convaincus, soit; mais qui vous garantit que vous avez raison de l'être et que vous le serez toujours? Que de vague dans vos preuves, et, peut-être, que d'illusions! Pourrez-vous, si cela devient nécessaire, justifier votre conviction aux autres et à vous-même, et, suivant l'ordre de l'Apôtre, rendre raison de votre espérance! Que dis-je? cette espérance,

ainsi dépourvue d'appui solide et de soutien extérieur, sera-t-elle bien forte au moment du besoin? aurezvous en elle un refuge bâti sur le roc, capable de résister à la tempête, quand les vents et les torrens se seront déchaînés? On peut en douter. Cette religion, toute de sentimens et d'intérieur, exercera peut-être une admirable influence sur certaines âmes et à certaines heures. Toutefois, quand viendront les grandes secousses il n'est pas sûr qu'elle ait une énergie suffisante pour comprimer la tentation ou relever l'infortune. Mais fût-elle assez enracinée pour braver tous les orages, je vois pour elle bien d'autres dangers. N'ayant d'autres bases que l'âme même et l'intelligence du fidèle, ne se ressentira-t-elle point beaucoup trop de l'excessive variété des intelligences et des âmes? Cette variété, sans doute, influera toujours, comme qu'on s'y prenne, sur le sentiment religieux et la croyance intime de chacun. Cela est inévitable; cela est même utile et Dieu l'a voulu. La religion, pour être efficace, doit être appliquée, appropriée à l'individu, voilà la loi; mais cette loi salutaire et bienfesante a ses dangers, et doit avoir ses bornes. En individualisant la religion, notre cœur tend à la défigurer, voilà le péril. Or les faits extérieurs, les preuves historiques, la parole écrite, voilà le remède et les garanties. C'est là ce qui donnera à la religion assez de consistance pour résister à nos propres fluctuations et conserver sur nous une autorité positive. Maintenant si vous abandonnez imprudemment ces garanties, comment empêcherez-vous que la religion ne se modific jusqu'à se défigurer et se corrompre, suivant le moule où elle sera versée? Quelle influence les passions, les illusions, les préjugés et les nombreuses infirmités de

l'âme humaine, ne vont-elles pas exercer sur cette foi, flottant à leur souffle, maintenant qu'elle s'est privée de toute règle certaine, de toute parole de Dieu fixe et positive, de toute ancre arrêtée au sol! Qui la reconnaîtra bientôt, et que sera-t-elle quand chacun l'aura façonnée à sa guise et faite à son image? — Mais je ne veux pas anticiper sur l'article suivant.

Il est donc aussi peu sûr, aussi peu sensé d'appuyer la vérité du Christianisme sur la méthode purement intérieure que sur l'extérieure. Celle-ci prouve sans persuader, celle-là persuade sans prouver. Evidemment toutes deux doivent être réunies; elles sont destinées à se contrôler et se confirmer l'une l'autre. Telle a été l'intention de Dieu, qui, fesant de nous des êtres mixtes, nous a donné des sens et une âme. Tel est l'esprit de l'Ecriture, qui commence par des récits, et demande des sentimens, qui assujettit les bases de la foi dans les faits, et construit l'édifice avec des affections, qui est ellemême un fait historique, en même temps qu'un énergique stimulant du cœur et de la pensée.

On peut remarquer, au reste, que les inconvéniens signalés jusqu'ici dans l'un ou l'autre procédé, n'ont à peu près aucun rapport direct avec les divisions religieuses. La raison en est simple; elle est précieuse à constater pour des Chrétiens; c'est que ces deux modes d'examen, malgré leurs diversités, conduisent ici au même résultat. Le Christianisme, sous quelque point de vue qu'on l'examine, se montre toujours divin; mais appliquées à la théologie, c'est-à-dire à l'étude du Christianisme même, et non plus seulement à ses preuves, ces deux voies exclusives deviennent, comme nous

le verrons bientôt, une cause féconde et funeste de dis

sentions religieuses.

C. f.

III. Destitution de M. Irving.

AINSI que nous l'avions annoncé, nous revenons sur cette triste affaire. Elle est trop fertile en leçons immédiatement applicables, pour qu'il ne soit pas de notre devoir d'y arrêter quelques instans encore l'attention de nos lecteurs. Les détails suivans sont extraits des journaux anglais les plus accrédités.

Les scènes scandaleuses qui se sont passées il y a quelque temps dans la chapelle écossaise de la place du Régent, sous les auspices de M. Irving, ont enfin cessé. Tant que ce ministre fanatique occupait exclusivement sa chaire, on l'a écouté avec patience; il y avait de la pitié pour lui dans le troupeau respectable qui se rappelait ses beaux momens d'éloquence et de zèle religieux. Il a donc pu, à son gré, prophétiser, parler en oracle, prétendre même à des dons miraculeux. Mais, dès qu'il a poussé la démence jusqu'à s'associer avec des imposteurs et des fripons, à leur faciliter ce qu'ils appelaient ensemble la manifestation de leurs dons spirituels, dès qu'il a osé profaner le sanctuaire de Dieu, et interrompre le service religieux de son église, par des interludes dégoûtans en langue mystique inconnue, il n'y a pas eu

moyen de tolérer plus long-temps une pareille extravagance. Tout ce qu'il y avait de respectable et de sensé dans sa congrégation, s'est vu forcé de se retirer, et les administrateurs de l'Église ont senti la nécessité de mettre un terme à ces farces impies qui insultaient également à la religion et à la raison. Ils ont eu recours à des formes légales pour se débarrasser du pasteur visionnaire, et en ont appelé au Synode national d'Ecosse, qui s'est aussitôt prononcé pour la destitution de M. Irving. Celui-ci, dès lors, s'est mis à prêcher en plein air, dans les champs qui sont près de Londres.

L'imposture de ses co-associés a été découverte peu après. Mile Hall et le procureur de Yorkshire, qui avaient joué les premiers rôles dans cette affaire, ont déclaré publiquement que le tout était pure charlatanerie, qu'ils n'avaient été inspirés que par l'esprit de mensonge, et que leur prétendue langue mystérieuse n'était qu'une succession incohérente de sons sans aucun sens. Au moment où la cause devait s'instruire devant le Synode, M. Irving avait sollicité le procureur soi-disant inspiré, de venir rendre témoignage à la vérité. Mais celui-ci a avoué qu'il n'y avait dans son fait qu'une véritable mystification, en sorte que si on le forçait de paraître devant le Synode, il serait dans le cas de faire comme Balaam, lorsqu'il fut sommé par Balak de maudire Israël, et ne pourrait en conscience tre le crédule pasteur. M. Irving n'en a pas moins persisté à se défendre devant le Synode ou Consistoire, composé d'ecclésiastiques et d'anciens. Il est curieux de voir par quels moyens il prétendait soutenir son droit, et la bonté de sa cause. On Jes trouvera analogues à ceux qui ont été employés au

prononcer d'anathème

que con

« PrécédentContinuer »