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toutes les Eglises protestantes, y compris les Sociniens, et que l'on voulût appeler cela une confession de la foi évangélique, les partisans de la faculté orthodoxe se récrieraient sans doute fortement contre un tel abus. Admettre une confession de foi, diraient-ils, c'est la recevoir en entier et non pas y prendre ce que l'on veut. Eh bien! nous leur disons la même chose: s'ils veulent appuyer sur les confessions de foi leur droit de s'appeler Protestans, nous sommes fondés de le leur dénier formellement. A considérer leur position sous ce point de vue, ils ne sont pas plus Protestans qu'un Catholique qui trouverait à coup sûr dans chacune de nos confessions de foi bien des propositions auxquelles il pourrait souscrire. Nous les reconnaissons comme Chrétiens évangéliques, comme nos coréligionnaires, parce que nous avons foi au principe du libre examen. Mais si nous étions partisans de la stricte Orthodoxie, nous leur dirions: Vous n'appartenez à aucune Eglise, à aucun culte établi, à aucune secte, quel que soit son nom, et de plus vous ne formez pas non plus une Eglise nouvelle. Comment vous avisez-vous de former des ministres pour des Eglises dont vous ne faites pas partie, vous qui n'êtes ni Luthériens, ni Réformés, ni Episcopaux, ni Sociniens? Je voudrais bien savoir ce que M. A. V, qui a trouvé si singulière la position de la Vénérable Compagnie n'ayant pas de confession et n'en voulant pas, pense de la nouvelle école de théologie, fondée pour défendre les confessions de foi et n'en ayant pas elle-même.

Telles sont, Messieurs, les considérations que j'ai voulu vous fournir à l'appui de la liberté de doctrine et d'enseignement que vous défendez. Il est temps que je termine cette lettre déja bien longue; cependant je ne puis

m'empêcher d'ajouter quelques mots sur le fond de la question que vous avez traitée. Je ne sais pas si vous m'approuvez tout-à-fait; cependant je ne voudrais pas taire les principes en faveur desquels je viens d'écrire*. A mon avis, une autorité absolue des confessions de foi et une liberté tout-à-fait illimitée de conviction et de prédication sont également inadmissibles. Qu'un symbole fait de main d'homme devienne un obstacle insurmontable à tous les progrès de la théologie, me semble une monstruosité et un contre-sens dans une Eglise qui ne prétend pas à l'infaillibilité. De l'autre côté, il me semble absurde que dans le temple d'une certaine religion on prétende pouvoir prêcher tout ce que l'on veut. Jamais Eglise n'a pu permettre cela. Chaque secte ou religion a certains principes que l'on ne peut nier, sans toucher à ce qu'elle a de plus précieux et de plus saint. C'est l'opinion publique qui les consacre. Là où il y a des confessions de foi, elle les y met ou les y prend. Les principes peuvent varier en ce sens que ce qui aujourd'hui est de la plus haute importance, peut devenir demain, non pas moins vrai, mais moins essentiel. Ainsi, au 16me siècle, un homme qui croyait à la doctrine de Luther sur la Sainte-Cène, devait la regarder comme essentielle ; et si telle n'eût pas été son opinion, il n'aurait pu rester Luthérien. Dans notre siècle, ceux qui croient encore à cette doctrine sont bien loin de lui accorder une grande importance. Voilà les changemens produits par les progrès et les oscillations de l'opinion

* Nous accueillons avec d'autant plus de plaisir les réflexions qui vont suivre, qu'elles se trouvent très-sensiblement en harmonie avec la plupart de celles que nous avons nous-mêmes exposées dans notre précédent cahier. (NOTE DES RÉD.)

publique. C'est pour cela qu'il n'est pas possible de consigner dans un acte dogmatique toutes les idées fondamentales et rien que des idées qui jamais ne cesseront d'être fondamentales. A cet égard, l'immense majorité des membres de l'Eglise peut seule être la loi vivante. On ne permettrait nulle part à un ministre protestant de nier l'existence de Dieu ou l'immortalité de l'âme, ou la mission divine de Jésus-Christ, ou sa moralité parfaite, ou la perfection absolue de sa doctrine. On ne pourrait pas non plus croire en l'infaillibilité du pape ou des conciles, ou soutenir les idées catholiques du purgatoire, de l'invocation des saints, etc., et rester Protestans. Un homme qui nierait que Jésus est le vrai Messie et partagerait à cet égard les idées juives, ne pourrait rester dans notre Eglise. Les Rationalistes de l'Allemagne obéissent à la loi vivante de l'opinion publique et aux convenances qu'elle prescrit, en n'attaquant jamais en chaire ni les miracles, ni une assertion quelconque des auteurs des livres bibliques. Chaque Eglise a toujours, à défaut de confession écrite, une confession dans les cœurs des fidèles, et si elle n'en avait plus, rien ne pourrait la sauver d'une ruine complète, pas même l'observation la plus stricte de la lettre des symboles.

Ainsi, nous dira-t-on, vous ne vous fondez plus sur le rocher inébranlable de la Parole, mais sur les opinions changeantes des hommes. A Dieu ne plaise! ce n'est pas l'opinion publique qui fait et défait la vérité à son gré; Dieu seul en est l'auteur et le régulateur. Mais si mes convictions sont entièrement opposées à l'opinion générale des autres membres de mon Eglise, pourquoi n'en sortirais-je pas, comme les Apôtres ont quitté la Synagogue, et les Réformateurs l'Eglise romaine? Si j'ai des

convictions que l'opinion générale tolère sans les exiger, de quel droit puis-je prétendre que tout le monde les soutienne comme moi, sous peine de se retirer de ma communion? Suis-je donc le chef et le législateur de mon Eglise? Si ma conscience me défend de vivre dans la communion des hommes qui professent des doctrines tolérées par l'usage, c'est à moi à me retirer et à me rallier à une autre Eglise ou à en former une nouvelle. Telles sont, Messieurs, les considérations que j'ai cru devoir vous adresser; si vous les jugez de quelque utilité, vous pourrez les communiquer à vos lecteurs. Agréez, etc.

B. W.

III. Marthe et Marie.
(Luc, x, 38.)

COMMENT se fait-il, Seigneur, que l'aimable Marthe s'attire un reproche de ta bouche? Pourquoi cet avertissement réitéré; Marthe, Marthe... Pouvait-elle se livrer à trop d'empressement pour recevoir le Fils de Dieu, le bon pasteur, l'ami de son frère Lazare, Celui qui bientôt devait le rappeler du fond de la tombe? Quel ami que Jésus! quel bonheur pour de pauvres mortels de pouvoir l'appeler de ce nom, de le voir s'asseoir à leur table, de pourvoir à ses besoins, de lui donner un lieu

où reposer sa tête!! Encore un coup, peut-on se livrer à trop d'empressement pour recevoir un tel hôte!

Toutefois ta parole est certaine, ô Seigneur! car tu l'as dit; Marthe s'inquiétait et s'embarrassait de beaucoup de choses; Marie, assise à ses pieds, et qui écoutait ses discours, avait choisi la bonne part qui ne lui sera point ôtée.

Il est donc vrai, Seigneur, que la vie extérieure, lors même qu'elle se compose d'occupations qui sont des services commandés par ta loi, doit toujours être considérée par tes enfans comme un joug, comme un fardeau, qu'ils doivent s'y livrer par nécessité ou par charité, jamais par amour et par attrait. Même quand les soins matériels de ce monde ont pour but d'exercer l'hospitalité envers le meilleur et le plus cher des amis, tu veux qu'ils nous laissent l'esprit libre, toujours prêt à s'élever vers toi et à se dégager de sa prison passagère pour suivre la voie que tu lui montres des cieux; et cette voie c'est l'amour et la contemplation de l'éternelle vérité, qui doit être, jusqu'à la fin des siècles, son éternel ali

ment.

Toute cette vie extérieure, en effet, cessera avec les misères qui en sont les fondemens, tandis que la vie intérieure, la bonne part, demeurera. Le festin de Marthe est passé ; celui de Marie dure encore et durera toujours. Elle est encore à tes pieds, Seigneur, écoutant ta parole; elle ne recueille plus seulement des miettes pour soulager sa faim; elle se rassasie, avec plénitude, de paix et de joie; elle voit ce qu'elle avait cru.

Mais qu'il est difficile de concilier nos devoirs de créatures terrestres et soumises à tant de nécessités, avec nos devoirs de créatures immortelles, dont l'unique trésor

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