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rendit sa poésie divine et sa lyre immortelle! Heureux nous-mêmes si, inspirés par son exemple, nous apprenions à célébrer l'Éternel dans nos concerts! Heureux si nous savions aussi faire tourner au profit des choses éternelles ces trésors de mélodie et d'harmonie, dont trop souvent on n'emploié la puissance qu'au service des passions, ou à la décoration passagère des joies trompeuses de la vie! Appliquons-nous donc à cette œuvre, et favorisons au milieu de nous ceux qui l'ont commencée! Aidons, par notre zèle et par nos sacrifices, les sociétés de chrétiens qui travaillent à perfectionner le goût et l'exécution du chant sacré dans notre patrie*! C'est là une obligation qui nous est imposée envers notre Église. C'est là aussi un noble devoir à remplir envers d'autres Églises sœurs de la nôtre, envers ces Églises de France, en particulier, auxquelles tant de liens nous attachent, et dont plusieurs, dans leur isolement et leurs besoins, attendent que nous leur fassions part, après en avoir profité pour nous-mêmes, des ressources qui abondent au milieu de nous, pour faire fleurir la musique sacrée. Voudrions-nous enfouir pour nos frères et pour nous un talent que le Ciel ne nous confie qu'afin que nous le fassions valoir?-un talent dont la culture produirait des fruits si doux et si précieux; d'où l'on verrait sortir plus d'attrait et de dignité dans le culte public, plus d'édification pour l'ame, plus de ces nobles et touchantes émotions qui

* La Société pour l'instruction religieuse de la jeunesse, présidée par M. Choisy, doyen des pasteurs en office; et la Société de chant sacré, dirigée par M. Werhstedt, et présidée par M. Wend, pasteur de l'Eglise luthérienne. Cette dernière va reprendre sous peu ses exercices mensuels à l'une des prières de la semaine.

TOM. III.

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pénètrent le cœur, qui l'émeuvent, qui le consolent, qui y font descendre, avec de saintes paroles et d'harmonieux accens, le pressentiment ineffable des joies du Ciel et des concerts de l'éternité?-Ah! gardons-nous de laisser tarir la source de tels bienfaits! Les uns et les autres, répondons à l'appel du devoir! Nos efforts, bénis de Dieu, seront accompagnés du succès et trouveront leur récompense. Nos chants religieux, après avoir frappé les voûtes de la maison du Seigneur, se répéteront encore dans la maison des fidèles : ils y porteront les espérances de l'Évangile, les habitudes de la piété, la paix et l'harmonie dont ils seront à la fois l'emblême et le moyen; ils charmeront le foyer domestique, ils sanctifieront le dimanche, ils réuniront les parens et les amis, ils feront aimer nos temples, ils y amèneront plus d'âmes à leur Dieu et à leur Sauveur, ils étendront enfin sur la vie entière leur précieuse et céleste influence. Le vieillard, lui-même, à la fin de sa course, n'entendra point sans attendrissement répéter autour de lui ces hymnes qui émurent son cœur dans sa jeunesse; et quand sa voix mourante ne trouvera plus d'accens pour la terre, son ame emportée sur les ailes de la foi, ira chercher cette patrie immortelle où l'armée des cieux, prosternée devant le trône du Tout-Puissant et devant le trône de l'agneau, chante l'éternel cantique de l'adoration et du bonheur, sur des accords que ne peuvent atteindre ici-bas les enfans de la poussière.

III. Le Deûne.

Nos ancêtres furent heureusement inspirés, lorsqu'au milieu des orages qui sillonnaient les premiers âges de la Réforme ils instituèrent un jeûne d'humiliation et d'actions de grâce à l'Éternel. Fête auguste, belle de soi et de simplicité, où toutes les familles protestantes, réunies dans un même esprit, imploraient sur l'Église mutilée et sur la patrie les bénédictions de Dieu.

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Monument de la piété de nos pères, cette antique solennité leur a survécu ; c'est, pour ainsi dire, la seule portion de l'héritage que leurs enfans n'aient pas répu– diée; la ferveur du zèle a disparu, les mœurs ont changé, et la fête du Jeûne est demeurée toujours vivante au fond des cœurs c'est que tant qu'il nous restera quelque ombre de religion et de patriotisme, cette fête où se réchauffe notre reconnaissance envers l'Etre suprême et notre amour pour la patrie restera aussi sacrée pour nous. Au reste, si l'origine et le but de cette institution nous la rendent doublement précieuse, nous l'avouons, elle nous est chère encore à d'autres titres.

Considérée, en effet, sous le rapport de l'éloquence, elle fut féconde en beaux résultats. — Vouée exclusivement au genre de controverses que nos réformateurs avaient introduit, la chaire protestante lui dut ses pre

miers pas dans une route plus utile et plus belle; à la vue de ses frères rassemblés pour confesser leurs fautes, pour demander à Dieu sa protection, le vieux prédicateur réformé oubliait ses commentaires et ses explications; chargé de conjurer la colère de l'Éternel, il offrait en sacrifice les prières ou le repentir des fidèles, et trouvait quelquefois des pages énergiques et d'émouvans tableaux.-Lorsque la prédication, dépouillant ses formes scolastiques, eut compris son véritable caractère, la solennité du Jeûne appela la haute éloquence; elle éveilla le génie de nos orateurs; elle inspira à Saurin ce discours admirable du Jeune à l'ouverture de la campagne, auquel la chaire chrétienne n'a rien peut-être d'égal à opposer.

Aujourd'hui que nous n'avons plus à combattre pour la religion et la liberté, ces résultats, pour être moins frappans, n'en sont pas moins sensibles. Il y a toujours dans cette fête je ne sais quelle grandeur imposante, quelle énergique simplicité qui réagit sur l'orateur et qui le fait grandir. —La foule s'est pressée dans les parvis, grave et recueillie; dépositaire des intérêts de l'Eglise et de la patrie, le prédicateur est entré en lice, armé de l'autorité que partout ailleurs on lui dénie: la nature des sujets qu'il traite, la hauteur où sa mission le place, les affections qu'il remue, le recueillement et le concours des fidèles, tout se réunit pour élever son âme et pour augmenter son talent. Tour-à-tour, calme, véhément, pathétique, il presse, il exhorte, il censure et menace, médiateur, ou pour mieux dire arbitre entre le peuple et son Dieu. Où est le prédicateur qui n'ait pas, à l'idée de cette noble tàche, senti s'enflammer son zèle et ses forces redoubler?

Aussi avons-nous le bonheur de voir chaque année quelqu'un de nos orateurs rattacher au souvenir de cette solennité les émotions les plus sanctifiantes et les plus beaux effets.

C'est en particulier à cette fête que nous devons le discours que M. le pasteur Bouvier vient de livrer à la dévotion des fidèles, et sur lequel nous voulons dire quelques mots. On ne s'attend pas ici, sans doute, à une analyse détaillée. Lorsque, cédant aux sollicitations réitérées de ses auditeurs, l'auteur a publié cette œuvre qu'il n'avait pas destinée à l'impression, et qu'il n'a guère eu le temps de retoucher, ce n'est pas à la critique des littérateurs, c'est bien plutôt à la piété de ses frères qu'il l'a adressée.

Cependant, nous avons besoin de le dire, quoique cela puisse étonner ceux qui n'ont jamais entendu M. Bouvier, ce discours ne nous paraît pas fournir la mesure complète du talent de son auteur : l'ordonnance des parties et le choix des développemens ont un peu souffert çà et là de la rapidité de la composition; peut-être aussi la nature du sujet n'a-t-elle pas toujours permis au prédicateur de déployer dans toute leur richesse les belles facultés qui le distinguent le plus éminemment.

Quoi qu'il en soit de la justesse de ces remarques, c'est avec une véritable édification que nous avons lu ce discours, et sous ce rapport le but de l'auteur nous semble complètement atteint. Empreint de cette onction pénétrante, de cette chaleur persuasive, de cette couleur biblique qui distinguent les compositions de M. Bouvier, ce sermon est fait pour produire des émotions profondes, favorables au règne de la piété et des vertus chrétiennes. Quel lecteur pourrait se défendre d'un sentiment

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