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«< l'eucharistie n'était point immédiatement lié avec les <<< premiers objets de la dispute. Les réformateurs avaient «< cependant été appelés à l'examiner, parce qu'ils ne pouvaient reconnaître dans les prêtres le pouvoir d'appeler Dieu sur la terre; mais Luther conserva le plus qu'il lui fut possible de sa partie mystérieuse et inin<<< telligible; il se sentait blessé par l'impiété de ceux qui «< attaquaient un symbole qu'il avait adoré si long-temps. « Ses adversaires et lui ne pouvaient décider que par la << raison humaine de ce qu'ils plaçaient eux-mêmes en« dehors du domaine de la raison. Ils s'irritaient par << l'impossibilité de se convaincre, et leur éducation, non plus que l'imitation des anciens, ne les avaient point «< accoutumés aux égards ou à la modération dans la dispute. Leurs formes étaient violentes et injurieuses, « et ils étaient encore trop catholiques, trop attachés à <«< l'uniformité de la foi dans l'Eglise pour être tolé

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<<<rans.

Il est triste de nos jours que ces lignes puissent trouver encore une application légitime dans l'Eglise protestante, et les malheureuses querelles du temps passé redeviennent l'histoire du temps présent. Mais il ne faut point pour cela désespérer de l'avenir. L'expérience profite à la fin; la guerre fatigue en religion comme en politique, et les prétentions du despotisme spirituel doivent tôt ou tard succomber devant la véritable lumière de l'Evangile. Pour nous, fidèles à notre maxime de tolérance et de liberté, nous n'aspirerons jamais à dominer la foi de nos frères en défendant la nôtre, et nous leur répéterons toujours avec l'Apôtre: Je vous parle

* Hist. des Français, vol. xvI, pag. 377-378.

comme à des personnes intelligentes, jugez vous-mêmes de ce que je dis.

II. De la Vie à venir

CHEZ LES HÉBREUX.

(Premier article.)

LES Hébreux croyaient-ils à l'immortalité de l'âme, et que pensaient-ils de leurs destinées après cette vie?

Cette question, quoique d'un mince intérêt pour notre foi, puisque nous avons, pour nous guider sûrement, les paroles de Celui qui a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile, est intéressante pour le théologien, et aussi pour tout homme religieux, qui aime à sonder les Ecritures, et à se former, autant que possible, des notions justes et exactes sur leur contenu. C'est dans ce but que j'ai entrepris l'étude d'un sujet plus ou moins hérissé de difficultés, et sur le fond duquel on rencontre dans les livres des assertions vagues et contradictoires, presque toujours dénuées de preuves et de raisons suffisantes pour les appuyer d'une manière solide. C'est des entrailles même de la Bible, interprétée par une sage critique, que je tirerai mes observations. Toutefois, qu'on veuille bien ne pas oublier que la tendance et les bornes de ce journal m'interdisent des dé

veloppemens étendus et scientifiques, qui cependant auraient prêté à mes argumens une force plus imposante. Par la même raison, ne pouvant tout embrasser, je suis réduit à m'attacher à une époque spéciale, et à l'examen exclusif d'une portion du Canon. J'ai cru convenable de choisir les cinq Livres de Moïse, bases de l'ancienne Révélation, par conséquent le temps que s'écoula depuis les Patriarches jusqu'à ce divin législateur.

Le Pentateuque enseigne-t-il l'immortalité de l'âme, ou même renferme-t-il une croyance des Hébreux à ce dogme? Telle est donc la question qui va nous occuper, et pour la solution de laquelle nous aurons successivement à rechercher la nature de l'âme, suivant ce peuple, et ses opinions sur l'état qui suit la mort; ensuite nous examinerons quelques passages controversés, et certaines questions accessoires.

SI. Nature de l'ame selon les anciens Hébreux.

Il importe d'abord de déterminer le sens précis du mot hébreu, que nos Bibles traduisent ordinairement par áme (nephesch). Or, après avoir rassemblé et examiné tous les passages du Pentateuque, dans lesquels cette expression se trouve, j'ai cru m'assurer qu'elle y revêtait trois significations différentes: deux s'appliquent à l'homme et aux animaux, la dernière à l'homme seul.

Appliqué à l'homme et aux animaux, nephesch est, en premier lieu, le souffle, la respiration, ce qui fait vivre, ce qui fait qu'une créature se meut spontanément, en un mot ce qui caractérise le règne animal. Donnons des exemples.- Dieu, avant de créer l'homme, s'occupe d'abord des animaux, et dit, au cinquième

jour : Que les eaux produisent en abondance des reptiles qui aient VIE OU AME (nephesch chajjáh), Gen. 1, 20; voyez encore 1, 30.- Veut-on voir maintenant cette expression appliquée à l'homme, dans le même sens? Dieu forme l'homme, et souffle dans ses narines une respiration de vie, et l'homme fut fait en AME vivante (nephesch chajjah), Gen. 11, 7.-Dans ce premier sens, nephesch est synonyme de rouach, autre mot hébreu, que les Bibles traduisent par esprit. Ainsi, Gen. vi, 17, il est dit: Je ferai venir un déluge d'eaux sur la terre, pour détruire toute chair, en laquelle il y a esprit de vie (rouach chajjim). Ces divers exemples suffiraient pour montrer que, dans sa première acception, nephesch (synonyme de rouach) n'entraîne aucunement l'idée d'une immortalité indépendante et active: ou il périt avec ceux qu'il anime, ou, élément de la partie éthérée, il rentre dans ce grand tout. Rien de décisif à cet égard.

Il est un second sens de nephesch, convenant également aux hommes et aux animaux, totalement distinct du premier: le nephesch se trouve dans le sang, ou pour mieux dire, ce n'est autre chose que le sang. Cette croyance est en particulier énoncée et répétée dans le Lévitique, qui contient les lois de Moïse aux Israélites. Cependant elle était déja en vigueur plus de mille ans avant Moïse; car, aussitôt après le déluge, Dieu avait dit, dans son ordre à Noé: Vous ne mangerez point de chair avec son AME qui est son SANG. Gen. IX, 4. Cette défense est réitérée par Moïse, avec une sanction terrible, la peine de mort. Le motif, apparent du moins est indiqué Lév. XVII, 11: Car l'ame de la chair est dans le L'identité de l'âme et du sang est plus sang.

claire dans ces paroles du verset 14 car l'âme de toute chair est son sang, et dans celles-ci du Deuter. XII, 25: seulement, garde-toi de manger du sang, car LE SANG EST L'AME, et tu ne mangeras point l'áme dans la chair. L'identification de l'âme et du sang peut-elle être mieux précisée? - Evidemment donc, dans cette seconde acception, nephesch ne peut avoir le sens d'âme immortelle. Le contraire est même positivement démontré.

Un troisième sens de nephesch est applicable seulement à l'homme, parce que, outre la notion de souffle constituant un être animé, il emporte celle de la mise en jeu de facultés intellectuelles, que généralement on refuse aux animaux. En d'autres termes, nephesch signifie encore ce qui, dans l'homme, pense, ce qui réfléchit, ce qui désire, c'est le moi, c'est encore, dans une nuance de signification plus relevée, l'action combinée de notre intelligence et de nos facultés morales; c'est précisément ce que nous appelons, dans certains cas, áme, comme quand nous disons à une personne que nous l'aimons << de toute notre âme, » pour indiquer un amour pur, noble, désintéressé. Confirmons notre assertion par quelques exemples, tirés du Pentateuque. Isaac, avant de mourir, fait appeler son fils Esaü: Apportemoi des viandes, lui dit-il, afin que je mange et que MON AME le bénisse avant que je meure. Gen. xxvII; 4. Au verset 24, on lit: assieds-toi, et mange de ma chasse afin que MON AME te bénisse.*-Le rôle du nephesch, dans cette dernière acception, cessait sans doute avec la vie dans l'esprit des Hébreux.

* Voyez encore Deut. v1, 5; x1, 13; xxx, 6, etc.

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