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de sorte que les autres aboyaient timidement autour des chiens, et tâchaient, en les serrant de près, de gagner l'avantage; mais les vigilantes bêtes étaient sur leurs gardes, se tournaient de tous côtés, et ne laissaient pas approcher l'ennemi.

<«< Oh! m'écriai-je, je craignais bien pis que des chakals! Voyons, Fritz, tirons en même temps, et visons bien pour ne pas tirer sur nos chiens. Ta mère commandera; ajuste bien ton ennemi pour ne le pas manquer: lè mien ne m'échappera pas. » Nous fimes feu; et voilà deux de nos voleurs de nuit étendus sans vie sur le sable; les autres s'enfuirent, et nous en vînes qui se traînaient péniblement, étant sans doute blessés: Turc et Bill les poursuivirent et les achevèrent. Quand la bataille fut finie, ils se régalèrent, en véritables Caraïbes, de la chair de leurs ennemis : il fallait qu'ils fussent affamés, car les chiens ne mangent pa volontiers les renards, et le chakal en est une espèce plus sauvage et plus méchante que les renards de nos contrées. La bonne mère, voyant que tout était tranquille, nous exhortait à aller nous recoucher;

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mais Fritz me demanda la permission de traîner son chakal tué vers la tente, pour pouvoir le montrer à ses frères le lendemain dès le matin. Sur notre consentement, il alla le chercher, et le traîna avec beaucoup de peine, car il était de la grosseur d'un grand chien. Je dis cependant à Fritz que si Turc et Bill n'étaient pas rassasiés, ce dernier chakal devait encore leur être accordé pour récompense de leur bravoure.

Nous en restâmes là: le corps du chakal fut posé à côté de la tente, sur le rocher, près des chers petits dormeurs, qui ne s'étaient point réveillés à tout ce bruit; et, sans autre interruption, nous nous endormîmes à côté d'eux, jusqu'à ce que l'aube du jour commençât à paraître, et que le coq, avec son cri perçant, me réveillât, ainsi que ma bonne femme. Pendant que les enfans dormaient encore, je délibérai avec elle sur le plan des travaux de la journée.

CHAPITRE V.

Retour sur le vaisseau échoué.

« Ah, chère amie! m'écriai-je, je vois devant nous tant de travaux, tant de soucis que j'en suis effrayé. Un voyage au vaisseau est d'une nécessité indispensable, si nous ne voulons pas perdre notre bétail et tant de choses utiles que nous pouvons encore nous procurer et que la mer peut engloutir d'un moment à l'autre; et nous avons tant de choses à soigner et à faire ici! Ne seraitil pas nécessaire, avant tout, de nous préparer une meilleure demeure et un moyen de nous mettre à l'abri, nous et nos provisions? Je ne sais par où commencer.

-Tout s'arrangera peu à peu, me dit ma femme; l'ordre et la patience font bien de la besogne. Je frémis, il est vrai, de ce voyage au vaisseau; mais, si tu le juges si nécessaire, je pense que c'est par là que tu dois commencer : le reste se fera assez, je te le promets. N'ayons pas le souci du lendemain : à chaque jour suffit sa peine; voilà

ce que nous dit le plus grand ami de l'hu manité.

- Je suivrai ton conseil, répondis-je, et cela dès aujourd'hui. Tu resteras ici avec nos trois cadets; et Fritz, comme le plus fort et le plus habile, viendra avec moi. >>

A ces mots, je me levai en criant à haute voix : « Levez-vous, mes enfans, le jour va paraître, et nous avons de grands projets pour aujourd'hui; ce serait une honte que le soleil nous trouvât dormant encore, nous les fondateurs d'une nouvelle colonie. >>

A mes paroles, Fritz sauta lestement hors de la tente, pendant que ses petits frères bâillaient et se frottaient les yeux pour chasser le sommeil : il courut vers son chakal tué, qui était devenu tout roide pendant la nuit; il le mit de bout, en sentinelle, à l'entrée de la tente, attendant ce que les petits diraient en le voyant; mais aussitôt que les chiens l'eurent aperçu ils grognè rent et aboyèrent d'une manière épouvantable, et, le croyant en vie, ils voulaient l'attaquer. Fritz eut grande peine à les retenir; il en vint cependant à bout avec douceur et fermeté.

Cependant le bruit qu'ils faisaient acheva d'éveiller nos enfans, qui sortirent de la tente, curieux de savoir ce qui l'excitait. Jack parut le premier, avec le petit singe sur ses épaules; mais, quand ce dernier aperçut le chakal, il se sauva avec terreur dans l'endroit le plus reculé de notre gîte, et se retrancha tellement derrière de la mousse et du foin' qu'on voyait à peine son museau. Les petits furent très surpris en voyant cette grande bête d'un fauve dcré, qui se tenait là toute droite sur ses pieds de derrière. «< Bon Dieu! un loup, je crois, s'écria François en reculant un peu. - Non, non, dit Jack en s'approchant et le prenant par la pate, c'est un chien jaune, et qui est mort: il ne bouge pas.-Ce n'est ni un loup ni un chien, dit Ernest d'un ton de docteur; ne voyez-vous pas que c'est un renard doré ? Ha, ha! s'écria Fritz, monsieur le savant professeur, vous ne savez pas ce que vous dites, cette fois; vous avez si bien pu reconnaître l'agouti, et vous ne connaissez pas un chakal, rien que cela, et que j'ai tué cette nuit!

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