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silabe du mot François (Gallus), et la première de croire, en fesant entendre en même temps l'o et l'i, ou comme l'è ouvert. Un Suisse me demandait à propos de cet endroit-là, si l'on prononce cro-ire et Franso-is comme Simoïs, ne voyant pas que le mot même temps désigne là le seul son de l'è ouvert du mot francès, ou français, au cas qu'on ne voulut pas prononcer l'o et l'i, c'est-à-dire francoès. Bien des gens au reste sont surpris d'entendre lire et prononcer fransoais, au lieu de français, dans l'Académie même par de beaus esprits qui n'oseroient prononcer ainsi dans le monde le plus poli en fait de langage.» (Biblioth. des Enf., 4733.)

FRED, ENDRET, CRAITRE. Quant à ces mots, et surtout à craitre, () que l'on a reproché si sévèrement à Voltaire d'avoir exhumé, ils se sont prononcés ainsi jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

Oi sounds like ai or é open in verbs ending in oître as connoître, CROiTRE, paroître, etc. in monnoie, foible, roide. There are several well bred people in France, who always make this sillable an improper diphthong 1o in droit (right), froid, and other derivatives; 2o in avoine, harnois, étroit, netoyer and noyer (drown), which they pronounce drait, fraid, avaine, etc.» (Porny, 1783.)

Ainsi il est avéré que tandis que droit, froid et leurs composés avaient deux prononciations, l'une en oué, l'autre en ai, croitre n'en avait qu'une seule, craitre. Voltaire n'a point eu à l'exhumer.

NOMS DE PEUPLE, CHAROLOIS, POLONOIS, ETC. L'abbé de Chaulieu, qui a commis le crime de faire rimer Polonois (*) avec

(1) Voltaire ose encore se servir de la même rime, et pour la faire passer, il exhume l'ancienne prononciation :

Quel parti prendre! où suis-je et que dois-je être?

Sur quel terrain puis-je espérer de craître?» (Tr. de Versif. fr., p. 351.)

(2) Ne serait-ce pas plutôt Boulonnois que Polonois :

Ce seigneur courtois,

Qui, toujours entouré d'anchois,

D'un grand fromage Boulonnois

Faisait une chaise percée.

(Chaulieu, épître au duc de Nevers, pag. 95, édition d'Amsterdam,

1733.)

anchois, mourut en 1720. Or nous venons de voir qu'en 1733 on prononçait encore Fransoais même à l'Académie. N'est-il pas bien probable que dans le langage relevé on prononçât aussi Anglois, Polonois, etc.?

Voici les noms de peuple et de pays qui en 1783, d'après une grammaire du temps, sonnaient en oi:

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On voit qu'à l'exception de Maltois et de Japonois, ces noms sont les mêmes qu'aujourd'hui.

Voici ceux qui en 1775, d'après L. Chambaud, sonnaient encore

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Bourdelois

Auxerrois

Brussellois

Genevois

Agenois

La liste des noms qui sonnent en oi est, comme on le voit, beaucoup plus longue en 1775 qu'en 1783, et elle le deviendrait davantage, à mesure que l'on remonterait plus avant vers le XVII siècle. J'ai voulu montrer en la transcrivant que c'est progressivement, d'année en année, pour ainsi dire, que cette transformation d'oi en ai a eu lieu. Ainsi pour revenir à Charolais, bien qu'il sonnât comme aujourd'hui en 1783 et en 1775, il est certain qu'à l'époque où Voltaire le faisait rimer avec François, c'était autorisé par

la prononciation usuelle. J'en trouve la preuve dans cette note de Duclos à la Grammaire générale : « On a dit autrefois roine et reine, et de nos jours Charolois est devenu Charolais, harnois a fait harnès, etc. » Or ces lignes datent, si je ne me trompe, de 1756, et le quatrain galant que l'auteur du Traité de Versification met en cause, est de 1720:

Frère Ange de Charolois,

Dis-nous par quelle aventure
Le cordon de St François

Sert à Vénus de ceinture?

Voltaire, qui n'avait alors que 26 ans, se conformait à l'orthographe et à la prononciation générales; ce ne fut que plus tard qu'il entreprit sa campagne pour la transformation d'oi en ai.

Les deux auteurs, dont j'ai tiré les noms de peuple et de pays que je viens d'énumérer, ont oublié le mot Marseillois. Je ne veux pas dire qu'ils n'en aient point omis d'autres, mais je m'attache à celui-là de préférence, parce qu'il m'offre l'occasion de raconter une anecdote, qui prouve avec quelle lente progression ces noms en ois se sont insensiblement transformés. On y verra de plus que ces transformations ne se sont pas produites si loin de nous, qu'on se le pourrait trop facilement imaginer; et l'on en conclura peutêtre que, de même qu'une langue, si parfaite qu'on la suppose,

n'est jamais fixée ni pour le sens, ni pour la forme des mots, dès lors qu'elle demeure à l'état de langue vivante, de même aussi il s'opère dans le langage parlé un travail sourd, lent, imperceptible, et dont les causes sont extrêmement complexes, qui altère presque à notre insu, et modifie la prononciation.

C'est entre 1792 et 1814 que le nom de Marseillois s'est transformé en Marseillais. D'une part en effet, nous trouvons dans la Carmagnole un témoignage de la prononciation de ce mot; de l'autre, M. Laurent Lautard, dans son ouvrage intitulé: Marseille depuis 1789 jusqu'à 1815, (II. p. 288.) raconte que le comte d'Artois, visitant Marseille en 1844, assista à une représentation solennelle donnée au théâtre en son honneur. Là il adressa aux habitants, pour les remercier de leur brillante réception, un petit discours, qu'il commença ainsi : Marseillouais! « Cette prononciation, déjà surannée, ajoute le narrateur, provoqua un étonnement universel. »

CHAPITRE IX.

Monographie de la diphthongue OI.

Je crois nécessaire de résumer ici tout ce que j'ai dit de la diphthongue oi, l'une de celles qui jouent le rôle le plus important dans notre langue, tandis que, chose remarquable, elle manque à tous les autres idiomes romans. Je me propose d'ajouter quelques développements et quelques preuves de plus à l'appui de mes assertions. On verra mieux dans ce coup d'œil d'ensemble quel est son emploi actuel dans le dialecte blaisois et dans la langue française, quelles diverses prononciations elle a eues, ou possède encore, et

jusqu'à quelle époque à peu près l'on peut légitimement faire remonter chacune d'elles.

Le son of a pris naissance dans les pays du nord et de l'est de la France; il est, comme nous l'avons vu, l'un des caractères particuliers aux dialectes picard et bourguignon, et à part quelques exceptions, au sous-dialecte français. Les monuments les plus anciens où on le rencontre et dans les imparfaits des verbes et dans les autres parties du discours datent du XIIe siècle. Il correspondait à l'ei et à l'ai normands et sonnait primitivement oué.

A une époque indéterminée ce son oué s'allongea, non pas généralement, en ouè ou ouai. Il est difficile de préciser au juste le temps où cet allongement eut lieu, attendu qu'on ne peut affirmer si la terminaison en aire ou ere, rimant avec des mots en oire, avait le son ouvert ou le son fermé. J'ai prouvé dans un précédent chapitre que ai et e avaient eu souvent au moyen-âge et même jusqu'au XVIIIe siècle le son fermé dans des mots où aujourd'hui nous le prononçons ouvert. Ainsi, il est impossible de démontrer dans ces vers qui ouvrent le Mistère du Siège d'Orléans :

Très haulx et très puissans seigneurs,

Vous remercy des grans honneurs

Dont vous a pleu ainsi me faire,

Quant vous autres, princes greigneurs,
Qui estes les conservateurs,

De tout nostre territoire,

Me vouloir faire commissaire,

Estre lieutenant exemplaire,

C'est de Henry, noble roy de renom.

Pour le jour d'uy n'est de si noble affaire,

De France est roy, il en est tout notoire, etc.

Il est impossible, dis-je, de démontrer que l'on prononçât territouére, commissére, etc., comme on le fait encore de nos jours dans le dialecte blaisois, ou territouère, commissère, etc., comme prononcent encore aujourd'hui bien des Français. On ne peut

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