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bien marqué, il prononcera cet e dans les exemples ci-dessus à la manière des Français. >>

Peut-être n'est-il pas inutile ici de faire remarquer qu'à l'origine de la langue l'o occupait la place de l'e dans les mots le, ce, je, Ex.:

Attendez lo, que ja venra praici.

(Le myst. des Vierg. sages, Buchon, p. 4.)

Ceo saverum ja per noz serganz.

(Le myst. de la Résurrect. Buchon, p. 12.) Jeo l'tendrai si ben endreit de mei. (Id. id., p. 20.)

Co est le definement! (Ch. de Roland. 11775.)

RÈGLE IV. E suivi dans la même syllabe de n ou de m, suivis eux-mêmes d'une autre consonne, a le son de a très long, et très nasal; Ex.: enfant, ennemi, ennui, éloquemment, hennir.

Par quelle étrangeté disons-nous an-nui, ha-nir, ennemi, puisque ces mots s'écrivent tous les trois par enn? Nos paysans, héritiers du vieux langage, ne sont-ils pas plus conséquens que nous, en prononçant tous ces en de même; an-nui (autrefois an-oi, du latin in odio; espagn. enojo); han-nir, an-nemi? (Voir de la prononc. de la voyelle a, règl. I, remarq. IV.)

REMARQUE I. Aujourd'hui les terminaisons en en, ien, ain, sonnent ain, iain; Ex.: Examen, chien, lien, etc. Les terminaisons en ent, ient, ont, par une anomalie qui semble singulière, mais dont l'étymologie fournit l'explication, trois prononciations bien distinctes; tantôt l'e est muet, comme dans ils convient, ils dévient, ils couvent, ils ferment, ils équivalent, ils négligent; tantôt il a le son ain, comme dans il convient, il devient; tantôt enfin le son an, comme dans les substantifs couvent, ferment, et les adjectifs équivalent, négligent. Ces bizarreries n'existaient point. dans l'ancien français, où ces différentes terminaisons, excepté toutefois celles en ent muet, se prononçaient à peu près de même. J'en dirai autant du dialecte Blaisois, si ce n'est qu'on y prononce

parfois en ent dur même les terminaisons en ent muet: y négligeânt, y conviânt, y déviânt. Ex. :

Hélas! il me souvient

D'un qui fut mon parent. (Oliv. Bass., p. 52.)

En nom Dieu, sire, y vous convient

Que vous me menez devers le Roy

De France tout présentement. (M. du S. d'Orl. vs. 7196.)
Ton fils Pamphile entretient

Cette garse à bon escient.

(Bonav. des Périers, l'Andrie, p. 252.)

C'est surtout aux imp. du sub. que l'on rencontre la troisième pers. du pluriel, dont la finale est aujourd'hui muette, terminée en ant. Cf. Rois, pag. LXXXIV, qu'ils ceinsissant et pag. 43, venissant. Mais l'imp. du subj. n'existe pas en blaisois.

J'ajouterai encore ici quelques citations à l'appui de ma thèse. On a déjà vu que Palsgrave au XVIe siècle, le P. Chifflet au XVII reconnaissaient une différence bien tranchée entre les sons an et en. Henri Estienne la signale également : « Le vulgaire, dit-il, prononce tams, prudant, santance, et s'excuse sur les poètes qui font rimer constans et temps. C'est une faute : il faut donner à chaque lettre le son qui lui est propre; on évite ainsi les équivoques d'embler (enlever) et de ambler (aller l'amble). » <<< Une autre sorte d'e masculin, ajoute-t-il, est l'e des mots comme chien, mien, tien, sien, vien où il se prononce chiin, miin, etc. Mais cela a lieu principalement dans les mots monosyllabes, ou qui se prononcent comme les monosyllabes; tels sont ceux qui précèdent, car pour lien, moyen, ancien, praticien on ne peut d'aucune façon dire la

même chose. >>

Ces dernières lignes sont précieuses, en ce qu'elles servent à nous indiquer d'une manière précise l'époque ou la prononciation des monosyllabes en ien s'est modifiée. Prononcez mianne, tianne, sianne, dit Palsgrave; prononcez miin, tiin, siin, dit H. Estienne. C'est donc entre 1530 et 1570 que ce changement s'est opéré.

Voici ce qu'environ dix ans après écrivait, en s'inspirant probablement de H. Estienne, Claude de Saint-Lien (n'allez pas prononcer de Saint-Lian; Lian se disait en 1572; il ne se dit plus en 1580): « L'e devant m et n au milieu et à la fin des mots prend une prononciation qui tient le milieu entre l'a et l'e; ainsi pour attentivement on dit presque attentivemant. Cette syllabe en se prononce comme elle est écrite, c'est-à-dire par e dans mien, tien, sien, lien, bien. A ces mots je voudrais qu'on joignit tous ceux qui sont terminés en ien, yen, ient, comme il convient, moyen, terrien. » On peut dire que c'est dans les vingt dernières années du XVI siècle dans les mots polysyllabes les terminaisons ient, en, ien ont pris le son qu'elles ont aujourd'hui.

que

NOTA.

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Nous avons conservé en français le mot pennache, L'honneur est son pennache.

(Joach. du B. Cf. Regnier, p. 85.)

mais nous en avons modifié l'orthographe pour l'accommoder à notre prononciation, la syllabe penn ne se prononçant plus aujourd'hui comme autrefois. Pennache s'est donc écrit même dans la première moitié du XVI° siècle pannache, et peut-être en trouverait-on des exemples antérieurs :

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Pannache a conduit tout naturellement à panache, et la nasalisation a disparu. (Voir Cérémonies des gages de bataille, p. 53: Panons pour pennons.) (1)

L'e a conservé dans couenne le son de l'a. Nous disons couane; les paysans blaisois disent couân-ne, coueune et couéne.

(1) Il y avait une autre forme, pennage (pennaticum) qui a disparu, ou qui s'est modifiée sous l'influence de l'ital. pennachio.

Lequel voyant l'armet et le pennage

Horrible et fier, soudain tourne visage.

(H. Salel, VI liv. p. 114, vso.)

CHAPITRE III.

De la prononciation de la voyelle I.

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RÈGLE I. I se prononce généralement e, é, ai, ei, au commencement et au milieu des mots; Ex. : Imagination, bénédiction, vigueur, minuit, milieu, sillon, etc., prononcez: Emagénation, bénédection, végueur, ménuit, méyeu, seillon, etc. Cette règle ne s'applique qu'à l'i suivi d'une consonne, jamais à l'i suivi d'une voyelle.

Et tost de votre enfermeté guarirez. (Rois, p. 20.)
Regars atraians, vairs, humelians.

(Ad. de la Halle, Buchon, p. 29.)

Tays-toi, sacrefie à nos Diex.

(Un miracle de S' Ignace, Buchon, p. 269.) Là souffrerez-vous grief martire. (Id. id. p. 281.) Par la mort que tu souffreras

Couronne de vie acquerras.

(Un miracle de S' Valeptin, Buchon, p. 324.) Souvent voi des plus ediotes. (Li Jus Adan, id. p. 66 ; La sousquanie qui fut blanche

Senefioit que douce et franche

Estoit celle qui la vestoit.

(Rom. de la Ros. cité dans Buchon, p. 103.)

Mais faus est qui se glorefie. (Rom. de Rou.}

Onquez mais rois, contes, ne dus

N'oirent de meillor estoire. (')

(Bat. de Caresme et de Charnage. Roquef. à estoire.

(1) Instrument, intention, perdent la nasale et deviennent estrument, étention. Cl. Rois, p. 33.

Et n'y avez trouvé descorde. (Mist. du S. d'Orl., p. 244.)
Tous les sains et la létanie

Huy maugrez en puissent avoir. (Eust. Desch. p. 179.)
Letany prayer, letanies. (Palsgr. p. 238.)

Voilà l'avan-propos qui me sovera devant vous du redicule.
(Lett. du P. Rapin.)

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Ex. Les médicins disent, quand on esterne, c'est bon signe, mais malvaise cause. (Palsgr, p. 644.)

Por ce dame vos loe a escuser

Que cil ne soient atains de l'irésie.

REMARQUE I.

(Quesnes de Béthune dans Ch. hist. p. 38.)

Dans les terminaisons en ine, igne, l'i sonne

toujours ei. Ex.: j'examine, poitrine, vigne, etc. pron.; : j'eugza

meine, potreine, veigne.

En ceste croix est le seigne

De la chambre aus deniers la Roinne. (J. Rouyer, p. 31.)

Cette coupe est toute pleine;

J'en vay laver mes poulmons;

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Et si tu n'as du fonds, pour le moins que par mines

Et non par bien aymer, ta maistresse tu meines.

(Est. Pasq., les Jeux Poétiq. Liberté.)

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