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qu'il s'en fasse reconnaître : Que cherchez-vous? leur demande-t-il. Je suis celui que vous cherchez. Et les voilà par celte simple parole renversés comme par la foudre. Y avait-il conspiration ourdie contre leurs personnes? Où sont les armes et les moyens de résistance? quelles paroles menaçantes a-t-on fait entendre? Rien de tout cela : C'est moi que vous cherchez, a dit Jésus-Christ. C'en est assez; ce seul mot a précipité par terre toute celte troupe furieuse. Que sera-ce de sa majesté au jour de son dernier jugement, puisque telle est son autorité dans un moment où lui-même se met à la merci de ses ennemis ! Il permet à ses persécuteurs de consommer leur crime. Certes, s'il ne l'eût pas permis, nulle puissance humaine n'aurait eu d'action contre lui. Mais s'il n'avait consenti à se livrer à leurs fureurs, comment les hommes auraient-ils pu être sauvés? Que son apôtre, dans un moment de zèle impétueux, réprime par le glaive l'insulte faite à son maître, s'opposant ainsi à l'accomplissement du mystère de la rédemption, Jésus-Christ condamne à son tour l'indiscrète ardeur de l'apôtre. Il donne un librecours à la fureur de ses ennemis, et témoigne sa puissance en guérissant la blessure qui a été faite, en faisant voir qu'il est vraiment l'auteur de la nature. (SAINT LEON.)

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11. Ceux qui étaient autour de Jésus, voyant ce qui allait arriver, lui dirent: Seigneur, si nous nous servions du glaive? Voici donc le Sauveur du monde entre les mains d'un traître et d'une troupe de furieux: ici commence l'histoire publique de ses ignominies. On le saisit; on le garrotte; on le traîne comme un malfaiteur. Pierre d'abord se met en état de le défendre; et le Sauveur, en lui ordonnant de remettre le glaive, nous apprend que les armes qu'il doit laisser à son Église sont des armes spirituelles; que la patience, la prière, la sainteté sont les plus sûres défenses de ses ministres; que, pouvant employer lui-même des légions d'anges pour combattre ses ennemis, il s'était contenté de prier pour eux; que sa doctrine ne devait s'étendre et se soutenir que par les maximes de charité, de douceur et l'humilité qu'elle enseigne; et qu'enfin le glaive qu'il nous mettait à la main n'était destiné qu'à détruire les passions et non pas les pécheurs. Aussi Pierre se dément bientôt un zèle indiscret, et où l'humeur domine, ne se soutient pas; le premier péril en découvre toujours l'illusion et la faiblesse déjà il ne suit plus que de loin son divin Maître, que cette troupe insolente traîne devant le pontife; et voilà l'ostentation du zèle et du courage qui va bientôt finir par une criminelle timidité. On ne

suit pas longtemps Jésus-Christ, quand on ne le suit plus que de loin et comme en se traînant: rien n'est plus dangereux que de mettre l'humeur à la place du zèle: on croit défendre Jésus-Christ, et l'on cherche à se satisfaire soi-même; et les vengeurs indiscrets de la vérité lui font quelquefois plus de tort, par leurs scandales et par leurs chutes, que ses ennemis mêmes par leur révolte. (MASSILLON.)

18-19. Pour me prendre, vous êtes venu à moi comme à un malfaiteur, avec des glaives et des bâtons; quand j'étais tous les jours avec vous dans le temple, assis et enseignant, vous n'avez pas mis la main sur moi. Vous venez à moi, armés de glaives et de bâtons! Quand on veut prendre un voleur, il n'est pas mauvais qu'on aille à lui des armes à la main; car, comme voleur, il est armé lui aussi, et il osera tout pour ne souffrir aucun outrage; il usera, s'il le peut, de son glaive ou de son bâton contre ceux qui veulent le saisir, plutôt que de se livrer de plein gré; il ne cédera qu'à la force. Mais, moi, suis-je un malfaiteur? Toute la Judée sait le contraire. Plusieurs ont ouï parler de moi; d'autres m'ont vu, ils ont vu mes œuvres et entendu ma doctrine. Car j'étais tous les jours dans le lieu saint, prêchant la parole divine, rappelant à la piété et invitant le monde à suivre la loi de Dieu. Et en cela ai-je fait le moindre mal? ai-je causé du trouble? et la paix ne m'a-t-elle pas toujours suivi? Pourquoi donc cette cohorte? pourquoi cette milice, armée de glaives et de bâtons? Il est manifeste à tous ceux qui connaissent mes actes, qu'elle est là sans motifs, et qu'elle ne saurait s'expliquer sa présence. Comment! vous venez à moi dans un appareil terrible, tandis que tous les jours au temple de Dieu vous avez pu vous convaincre de ma douceur! moi, qui me montrais à ceux qui voulaient m'entendre, pour les ramener à la vertu et les réconcilier avec le ciel. Or, vous ne m'avez pas pris quand j'étais là, instruisant et enseignant le peuple; c'est sans doute parce que je ne faisais rien de mal? Croyez-vous que j'aie changé depuis ? pensez-vous que je sois devenu un voleur? Non, je n'ai point changé, et vous n'avez aucune raison pour expliquer cet appareil terrible. (ORIGÈNE.)

22. En ce moment, ses disciples, tous à la fois, l'abandonnèrent et s'enfuirent. — Un Dieu trahi et abandonné par de lâches disciples: telle a été, ô divin Sauveur, votre destinée. Ce n'était pas assez que les apôtres, ces premiers hommes que vous aviez choisis pour être à vous au préjudice du plus saint engagement, vous eussent délaissé dans la dernière scène de votre vie, que l'un d'eux vous eût vendu; l'autre,

renoncé; tous généralement, déshonorés par une fuite qui fut peutêtre la plus sensible de toutes les plaies que vous ressentîles en mourant; il a fallu que cette plaie se rouvrît par un million d'infidélités plus scandaleuses; il a fallu que dans tous les siècles du christianisme on vît des hommes portant le caractère de vos disciples et n'ayant pas la résolution de le soutenir; des chrétiens prévaricateurs et déserteurs de leur foi; des chrétiens honteux de se déclarer pour vous, n'osant paraître ce qu'ils sont, renonçant du moins extérieurement à ce qu'ils ont professé, fuyant lorsqu'il faudrait combattre; en un mot, des chrétiens de cérémonie, prêts à vous suivre jusqu'à la cène et dans la prospérité, tandis qu'il ne leur en coûte rien, mais déterminés à vous quitter au moment de la tentation. C'est pour vous et pour moi, chrétiens, que je dis ceci, et voilà ce qui doit être le sujet de notre douleur, comme de notre honte. (BOURDALOUE.)

ÉLÉVATION.

Admirable effet de la prière et belle leçon pour nous! Il n'y a qu'un instant, bon Sauveur, vous paraissiez accablé sous le poids de la douleur, et maintenant vous vous avancez au-devant de ceux qui viennent se saisir de vous. Vous ne semblez être touché que du malheur du disciple qui vous trahit : « Mon ami, quel dessein vous amène? » Et quand vous avez reçu de ces hommes aveuglés la réponse qu'ils cherchaient Jésus de Nazareth, vous leur dites avec tranquillité : « C'est moi!» Ne nous est-il jamais arrivé au milieu de notre vie coupable, d'être arrêtés par des revers, des maladies, des remords, par de sages réflexions que vous nous inspiriez? Ne nous dites-vous pas souvent au fond du cœur : « C'est moi!» Si, dans l'état d'humiliation où vous étiez au jardin des Oliviers, cette parole renversa vos ennemis, quel sera le terrible effet de cette même parole au jour du jugement, alors que vous paraîtrez dans toute votre grandeur! Mais combien il sera consolant aux justes de l'entendre! C'est moi pour qui vous avez souffert, et c'est moi qui viens essuyer vos larmes. C'est moi pour qui vous avez méprisé le monde, et c'est moi qui viens vous ouvrir mon royaume. Seigneur, nous ne rendrons pas inutile ce que vous avez fait pour nous sauver; nous ouvrirons notre cœur à cette touchante parole: « C'est moi!» Qu'elle soit pour nous la fin de nos hésitations et le commencement d'une vie nouvelle.

CHAPITRE CVI.

1-11. Jésus est conduit chez le grand prêtre Anne; Pierre entre dans la cour des grands prêtres; Jésus, après avoir reçu un soufflet, est envoyé à Caiphe. 12-22. Caiphe prononce contre Jésus la peine de mort (jeu li saint, vers minuit).

MATH., XXVI, 57-66; MARC, XIV, 53-61; LỤC, XXII, 54; JEAN, XVII, 13-59.

bE adduxerunt Jesum

ad summum sacerdo

1. Et ils conduisirent Jésus à la maison

tem; ad Annam pri- du grand prêtre1, et d'abord chez Anne2,

mum; erat enim socer

Caiphæ, qui erat pontifex anni illius.

Sequebatur autem Jeum à longè Simon

Petrus, et alius disci

pulus. Discipulus autem

ille erat notus pontifici,

et introivit cùm Jesu in atrium pontificis.

Petrus autem stabat

ad ostium foris. Exivit

parce qu'il était le beau-père de Caïphe, lequel était grand prêtre cette année-là.

2. Or, Simon Pierre suivait Jésus de loin, avec un autre disciple; et ce disciple, étant connu dans la maison du grand prêtre, y entra avec Jésus.

3. Et Pierre était dehors, debout près

ergò discipulus alius, qui de la porte; mais l'autre disciple qui était

erat notus pontifici, et

dixit ostiaria, et intro

duxit Petrum.

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connu du grand prêtre sortit, et parla à la portière, et il le fit entrer.

4. Or, ayant allumé du feu au milieu de la cour, les serviteurs et les satellites, rangés autour du brasier, se chauffaient, parce qu'il faisait froid; et ayant pris place parmi eux pour voir la fin de tout cela, Pierre aussi se chauffait.

1 † 1. Anne et Caïphe demeuraient dans la même maison, et portaient tous deux le nom de grand prètre: Caïphe, parce qu'il l'était véritablement; et Anne, parce qu'il l'avait été plusieurs années et que le nom lui en était resté comme un titre honorifique.

21. Au lieu de le conduire immédiatement devant le magistrat compétent, on le mène chez Anne, qui n'avait d'autre qualité que celle de beau-père du grand prêtre. Que ce fût pour le lui faire voir, une telle curiosité n'est pas permise: c'est là une vexation, une irrégularité. (M. DUPIN.)

Pontifex cigb interro

gavit Jesum de discipulis

5. Cependant le grand prêtre Anne in

suis et de doctrina ejus. terrogea Jésus sur ses disciples et sur sa

Respondit ei Jesus : Ego palàm locutus sum mundo; ego semper docui in Synagoga et in templo, quò omnes Judai conveniunt; et in occulto locutus sum nihil.

Quid me interrogas? interroga eos qui audierunt quid locutus sim ipsis: ecce hi sciunt quæ dixerim ego.

Hæc autem cùm d'xisset, unus assistens ministrorum dedit alapam Jesu, dicens : Sic respondes pontifici?

Respondit ei Jesus:

Si male loculus sum,

doctrine.

6. Jésus lui répondit : J'ai parlé publiquement au monde; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s'assemblent, et je n'ai rien dit en secret:

7. Pourquoi m'interrogez-vous? Interrogez ceux qui m'ont entendu, ils savent quelle a été ma doctrine.

8. Et dès qu'il eut dit cela, un des satellites qui étaient présents lui donna un soufflet, disant : C'est ainsi que vous répondez au grand prêtre 2?

9. Jésus lui dit : Si j'ai mal parlé, rentestimonium perhibe de dez témoignage du mal que j'ai dit; mais si jai bien parlé, pourquoi me frappez-vous?

malo; si autem benè, quid me cædis?

Et misit eum Annas ligatum ad Caipham pontificem.

Erat autem Caiphas,

qui consilium dederat

10. Et Anne ordonna que Jésus fût conduit avec ses chaînes au grand prêtre Caïphe.

41. Or, c'était Caïphe qui avait excité Judaris: quia expedit les Juifs, en leur disant il est avantageux qu'un homme meure pour le peuple 3.

unum hominem mori pro populo.

8. Cette brutalité inouïe d'un valet juif, en présence du collège des prêtres, n'est pas la seule dont il soit question à cette époque de barbarie et de bouleversement. Saint Paul aussi éprouva le même traitement, sous le vain prétexte qu'il avait manqué d'égards envers un prêtre indigne.

2 8. Le fait s'est passé en présence et sous les yeux d'un pontife; et comme il n'en réprime pas l'auteur, j'en conclus qu'il est devenu le complice, surtout quand cette violence avait pour prétexte de venger sa prétendue dignité outragée ! (M. DUPIN.)

11. C'est ce même Caiphe qui, s'il veut rester juge, est évidemment récusable: car, dans une précédente réunion, il s'est constitué l'accusateur de Jésus-Christ, même avant de l'avoir entendu, et l'a proclamé digne de mort. (M. DUPIN.)

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