Images de page
PDF
ePub

17.395
R864,1
1819

4.12

MÉLANGES.

PROJET

POUR L'ÉDUCATION

DE M. DE SAINTE-MARIE. (*)

Vous m'avez fait l'honneur, monsieur, de me confier l'instruction de messieurs vos enfans: c'est à moi d'y répondre par tous mes soins et par toute l'étendue des lumières que je puis avoir; et j'ai cru que, pour cela, mon premier objet devoit être de bien connoître les sujets auxquels j'aurai affaire. C'est à quoi j'ai principalement employé le temps qu'il y a que j'ai l'honneur d'être dans votre maison; et je crois d'être suffisamment au fait à cet égard pour pouvoir régler là-dessus le plan de leur éducation. Il n'est pas nécessaire que je vous fasse compliment, monsieur, sur ce que j'y ai remarqué d'avantageux; l'affection que j'ai conçue pour eux se déclarera par des marques plus solides que des louanges, et ce n'est pas un père aussi tendre et aussi éclairé que vous l'êtes qu'il faut instruire des belles qualités de ses enfans.

Il me reste à présent, monsieur, d'être éclairci

(*) Ce petit écrit a dû être fait vers l'année 1738; Rousseau avoit alors vingt-six ans. Il est adressé à M. de Mably, grand-prévôt de Lyon, et frère des célèbres abbés de Mably et de Condillac.

par vous-même des vues particulières que vous pouvez avoir sur chacun d'eux, du degré d'autorité que vous êtes dans le dessein de m'accorder à leur égard, et des bornes que vous donnerez à mes droits pour les récompenses et les châtimens.

Il est probable, monsieur, que, m'ayant fait la faveur de m'agréer dans votre maison avec un appointement honorable et des distinctions flatteuses, vous avez attendu de moi des effets qui répondissent à des conditions si avantageuses; et l'on voit bien qu'il ne falloit pas tant de frais ni de façons pour donner à messieurs vos enfans un précepteur ordinaire qui leur apprît leur rudiment, l'orthographe et le catéchisme je me promets bien aussi de justifier de tout mon pouvoir les espérances favorables que vous avez pu concevoir sur mon compte; et, tout plein d'ailleurs de fautes et de foiblesses, vous ne me trouverez jamais à me démentir un instant sur le zèle et l'attachement que je dois à mes élèves.

Mais, monsieur, quelques soins et quelques peines que je puisse prendre, le succès est bien éloigné de dépendre de moi seul. C'est l'harmonie parfaite qui doit régner entre nous, la confiance que vous daignerez m'accorder, et l'autorité que vous me donnerez sur mes élèves qui décidera de l'effet de mon travail. Je crois, monsieur, qu'il vous est tout manifeste qu'un homme qui n'a sur des enfans des droits de nulle espèce, soit pour rendre ses instructions aimables, soit pour leur donner du poids, ne pren

« PrécédentContinuer »