Images de page
PDF
ePub

[8]

L'ÉCOLE DES MARIS.

1

ACTE I. SCENE I.

SGANARELLE, ARISTE.

M

SGANARELLE.

ON frére, s'il vous plaît, ne difcourons point tant,

Et que chacun de nous vive comme il l'entend;

Bien que fur moi des ans vous ayez l'a,
vantage,

Et foyez affez vieux pour devoir être fage,
Je vous dirai pourtant que mes intentions
Sont de ne prendre point de vos corrections:
Que j'ai pour tout confeil ma fantaisie à fuivre,
Et me trouve fort bien de ma façon de vivre.
ARISTE. Mais chacun la condamne,

SCANARELLE. Oui, des fous comme vous,
Mon frére.

ARISTE. Grand-merci, le compliment eft doux. SGANARELLE. Je voudrois bien fçavoir, puifqu'il faut tout entendre,

Ce que ces beaux cenfeurs en moi peuvent reprendre ? ARISTE. Cette farouche humeur, dont la féverité Fuit toutes les douceurs de la fociété,

A tous vos procédés inspire un air bizarre,

Et, jufques à l'habit, rend tout chez vous barbare. SCANARELLE. Il eft vrai qu'à la mode il faut m'affujettir,

Et

[9]

THE

SCHOOL for HUSBANDS.

ACTI. SCENE I. SGANAREL, ARISTO.

SGANAREL.

RAY Brother, don't let us talk fo much, but let each of us live according to his Inclination; tho' you have the Advantage over me in Years, and are old enough to be wife, I muft tell you, notwithstanding, that I don't intend to bear Reproofs from you that my Fancy is the only Director I have to follow, and I am well pleas'd with living after my

own manner..

ARISTO. But every Body condemns it.
SGANAREL. Ay, Fools like

you, Brother.

ARISTO. Thank ye; the Compliment is kind. SGANAREL. I'd fain know, fince all muft out, what thefe fine Cavillers can find in me to reprove?

ARISTO. That furly Temper, the Severity of which fhuns all the Pleafures of Society, gives a whimfical Air to all you do, and renders all about you barbarous, even to your very Habit.

SGANAREL. I should make my felf a Slave to the A 5

Fashion

Et ce n'eft pas pour moi que je me dois vêtir.
Ne voudriez-vous point par vos belles fornettes,
Monfieur mon frère aîné, (car Dieu-merci vous l'êtes
D'une vingtaine d'ans, à ne vous rien celer,
Et cela ne vaut pas la peine d'en parler :
Ne voudriez-vous point, dis-je, fur ces matiéres
De vos jeunes muguets m'infpirer les maniéres,
M'obliger à porter de ces petits chapeaux
Qui laiffent éventer leurs débiles cerveaux,
Et de ces blonds cheveux, de qui la vafte enflure
Des vifages humains offufque la figure ?

De ces petits pourpoints fous les bras fe perdans,
Et de ces grands colets jufqu'au nombril pendans ♪
De ces manches qu'à table on voit tâter les fauffes,
Et de ces cotillons appellés haut-de-chauffes ?
De ces fouliers mignons de rubans revêtus

Qui vous font reffembler à des pigeons patus?
Et de ces grands canons où, comme en des entraves,
On met tous les matins fes deux jambes esclaves,
Et par qui nous voyons ces meffieurs les galans
Marcher écarquillés ainsi que des volans ?
Je vous plairois fans doute équipé de la forte,
Et je vous vois porter les fottifes qu'on porte.
ARISTE. Toujours au plus grand nombre on doit
s'accommoder,

Et jamais il ne faut fe faire regarder.

L'un & l'autre excès choque, & tout homme bien fage
Doit faire des habits ainfi que du langage,

N'y rien trop affecter, &, fans empreffement,
Suivre ce que l'ufage y fait de changement.
Mon fentiment n'eft pas qu'on prenne la méthode
De ceux qu'on voit toujours renchérir fur la mode;
Et qui, dans cet excès dont ils font amoureux,
Seroient fâchés qu'un autre eut été plus loin qu'eux ;
Mais je tiens qu'il eft mal, fur quoi que l'on fe fonde,
De fuir obstinément ce que fuit tout le monde,

Et

Fashion to be fure, and it's not for my self that I ought to dress my self; would you not, by your pretty tittle tattle Stories, Mr. Elder Brother of mine, (for, thank Heav'n, fo you are by one twenty Years, to tell you plainly, tho' its not worth while to fpeak on't :) would you not, I fay, in these things perfuade me into the Fashions of your young Coxcombs? Oblige me to wear thofe little Hats, which let their weak Brains evaporate, and thofe powder'd Wigs, the vaft Bufhinefs whereof obfcures the Figure of an human Countenance? Those short Jerkins but just below the Arms, and those large Bands hanging down even to the Navel ? Those Sleeves, which one fees dip in the Sauce at Table, and thofe Petticoats called Breeches? thofe pretty Shoes bedeck'd with Ribbons, that make you look like roughfooted Pigeons, and thofe large Rollers, where, as in the Stocks, the captive Legs every Morning are confin'd, and which make thefe accomplish'd Gentlemen walk ftraddling as if they were flying? I fhould delight you, without doubt, equipped in this manner; for you, I perceive, carry about you the fame Geugaws that they do.

-

ARISTO. One fhou'd always comply with the Majority, and never make one's felf be flared at. Either Extreme is offenfive; and every wife Man in his Clothes as well as his Words, fhou'd have nothing too much affected, but with Readiness follow whatever Change Custom introduces. I do not think one should imitate thofe one fees continually ftraining beyond the Fashion, who are fo fond of being in Extremes, they would be uneafy should any Body go a Step beyond them. But I hold it wrong, upon one's fingle Opinion, to avoid obftinately what all the World purfues, and think it's better to be amongst the Num

ber

Et qu'il vaut mieux fouffrir d'être au nombre des fous, Que du fage parti fe voir feul contre tous.

SGANARELLE. Cela fent fon vieillard, qui, pour en faire accroire,

Cache fes cheveux blancs d'une perruque noire.
ARISTE. C'eft un étrange fait du foin, que vous

prenez,

A me venir toujours jetter mon âge au nés ;
Et qu'il faille qu'en moi fans ceffe je vous voie
Blâmer l'ajuftement, auffi bien que la joie :
Comme fi, condamnée à ne plus rien chérir,
La vieilleffe devoit ne fonger qu'à mourir,
Et d'affez de laideur n'eft pas accompagnée,
Sans fe tenir encor mal-propre & rechignée.
SGANARELLE. Quoiqu'il en foit, je fuis attaché
fortement

A ne démordre point de mon habillement.
Je veux une coëffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode;

Un bon pourpoint bien long, & fermé comme il faut,
Qui, pour bien digérer, tienne l'eftomach chaud ;
Un haut-de-chauffes fait juftement pour ma cuiffe;
Des fouliers où mes piéds ne foient point au fupplice,
Ainfi qu'en ont ufé fagement nos ayeux :

Et qui me trouve mal, n'a qu'à fermer les yeux.

SCENE II.

LEONOR, ISABELLE, LISETTE, ARISTE & SGANARELLE parlant bas enfemble fur le devant du théatre, fans étre apperçus.

JE

LEONOR à Ifabelle.

E me charge de tout, en cas que l'on vous gronde. LISETTE à Isabelle.] Toujours dans une chambre à ne point voir le monde ?

ISA

« PrécédentContinuer »