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de lui apporter un acte par semaine, et que celui-ci avait pillé presque tout son travail dans la pièce de Rotrou. Il commence aussi par dire que, lorsque Molière forma le dessein de lui proposer ce sujet, il ne savait où le prendre, et qu'il avait chargé ses comédiens de le déterrer à quelque prix que ce fût. Ne semblerait-il pas que Racine était alors complètement ignoré et qu'il était besoin de mettre vingt personnes à sa recherche? et cependant, il avait été plus d'une fois présenté au Roi; il avait déjà composé plusieurs odes qui lui avaient valu des récompenses, et assez de célébrité pour être compris cette même année, avec Molière, dans une liste des gens de lettres les plus distingués, aux quels Louis XIV accorda des pensions.

L'abbé Mervesin, au témoignage duquel, dans cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres, il ne faut pas ajouter une grande foi, prétend dans son Histoire de la Poésie française, p. 234, que Racine suivit plus, pour cette pièce, les conseils de Boileau que ceux de Molière. Cette assertion est contraire à toutes les autres autorités.

(13) Voici cette liste. Nous la transcrivons sans y rien changer :

Au sieur Pierre Corneille, premier poète dramatique du monde, deux mille francs.

Au sieur Desmarets, le plus fertile auteur et doué de la plus belle imagination qui ait jamais été, douze cents francs.

Au sieur Menage, excellent pour la critique des pièces, deux mille francs.

Au sieur abbé de Pure, qui écrit l'histoire en latin pur et élégant, mille francs.

Au sieur Corneille jeune, bon poète français et dramatique, mille francs.

Au sieur Molière, excellent poète comique, mille francs.

Au sieur Benserade, poète français fort agréable, quinze cents francs.

Au père Lecointre de l'Oratoire, habile pour l'histoire, quinze cents francs.

Au sieur abbé Cottin, orateur français, douze cents francs.

Au sieur Vallier, professant parfaitement la langue arabe, six cents francs.

Au sieur Perrier, poète latin, huit cents francs. Au sieur Racine, poète français, huit cents francs. Au sieur Chapelain, le plus grand poète français qui ait jamais été et du plus solide jugement, trois mille francs.

Au sieur abbé Cassagne, poète, orateur et savant en théologie, quinze cents francs.

Au sieur Perrault, habile en poésie et en belleslettres, quinze cents francs.

Au sieur Mézeray, historiographe, quatre mille francs.

1. Voici deux lettres peu connues, de Mézeray à Colbert, au sujet de cette pension exorbitante, qui donnent la mesure de l'indépendance des historiens au dix-septième siècle.

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Oserai-je vous réitérer, par cette seconde lettre, les mêmes prières » que j'ai déjà pris la hardiesse de vous faire par ma première, dont voici

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»

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»

Racine n'était encore connu, à cette époque, que par quelques poésies assez faibles, qui justifient la modicité de sa pension; mais rien ne saurait justifier l'exiguité de celle de Molière, les éloges donnés à Chapelain et l'omission de Boileau, déjà connu par des satires. Ce qui explique du moins toutes ces

les mêmes termes. Ce que m'a dit M. Perrault de votre part a été >> un terrible coup de foudre qui m'a rendu tout-à-fait immobile, et qui >> m'a ôté tout sentiment; hormis celui de vous avoir déplu. Ma seule espérance est, Monseigneur, que Dieu vous ayant rendu la santé, vous » ne me défendrez pas aujourd'hui de prendre part à la réjouissance publique; et que, pendant cette satisfaction universelle des gens de bien, vous ne voudrez pas que je sois le seul qui demeure dans une << tristesse mortelle. Permettez-moi donc, s'il vous plaît, Monseigneur, >> dans cette heureuse conjoncture, d'implorer le secours de votre géné>> reuse bonté; je la supplie très-humblement d'intercéder pour moi auprès de vous, et de m'obtenir ma grace, que je vous demande avec » une entière soumission et un profond respect. Je ne prétends point, » Monseigneur, justifier mes manquemens autrement qu'en les réparant, et en justifiant la rectitude de mes intentions par une prompte » et sincère obéissance; ce qui me sera d'autant plus facile, qu'une >> seconde édition de mon ouvrage étant augmentée de plus de trois >> cents articles, et d'un grand nombre de choses aussi utiles que rares » et curieuses, effacera et anéantira bientôt la première; car, comme >> le savent ceux qui entendent le commerce des livres, c'est une expérience infaillible, que les impressions postérieures, quand elles » se font du vivant des auteurs et qu'elles sont plus amples et plus cor

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>> rectes, font périr tout-à-fait les précédentes, en sorte qu'on n'en tient

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plus compte et que même on n'en voit plus du tout. C'est dans cette disposition, Monseigneur, que j'ai prié M. Perrault de vous assurer que je suis prêt à passer l'éponge sur tous les endroits que vous juge»rez dignes de censure dans mon livre, et de vous protester en même >> temps que je veux employer tous mes efforts et si peu de talent que » Dieu m'a donné pour faire connaître à toute la terre que vous n'avez

bizarreries, c'est que ce fut l'auteur de la Pucelle luimême qu'on chargea de dresser cette liste. Aussi li

» jamais fait de créature qui soit à vous par un attachement plus vérita

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ble, ni qui puisse avoir plus de passion pour tout ce qui vous touche

» qu'en aura, jusqu'au dernier jour de sa vie, etc....

MÉZERAY.

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AUTRE LETTRE.

<< Je vous rends très-humbles graces de l'ordonnance de deux mille » livres qu'il vous a plu de m'envoyer. Je l'ai reçue avec le même respect » et avec la même reconnaissance que si elle eût été entière et telle que » feu Monseigneur le Cardinal me l'avait obtenue du Roi, et que vousmême, Monseigneur, aviez eu la bonté de me la faire continuer durant plusieurs années; mais je vous avouerai franchement, Monseigneur, » que j'ai sujet de craindre qu'on ne m'ait encore imputé quelque nouvelle faute, et que ce retranchement n'en soit une punition. Si j'en pouvais avoir connaissance, je me mettrais en devoir ou de m'en justifier ou de la réparer selon vos ordres. Je m'examine, pour cet effet, à la dernière rigueur; je cherche jusqu'au fond de mon ame, >> et ma conscience ne me reproche rien. Je travaille, Monseigneur, >> selon vos intentions et selon les règles que vous m'avez prescrites. >> Je porte mes feuilles à M. Perrault, j'avance le travail autant qu'il » m'est possible. Ainsi, Monseigneur, je ne puis trouver d'autre cause de ma diminution que mon peu de mérite; mais la générosité du plus grand des rois et la faveur de votre protection peuvent bien en» core suppléer à ce défaut comme elles y ont suppléé jusqu'à l'année présente. C'est avec cette espérance, Monseigneur, que je prends la >> hardiesse d'avoir recours à votre bonté, toujours si favorable aux gens » de lettres et aux créatures de feu Monseigneur le Cardinal, dont

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» la mémoire vous est si chère. Ne retranchez pas, s'il vous plaît, une

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› partie de vos graces à une personne qui perdrait plutôt la vie, que

de

>> rien diminuer du zèle qu'il a pour votre service, et, de l'attachement

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sait-on dans les premières éditions de la Satire I de Boileau, ces vers qu'il a retranchés depuis :

Je ne saurais, pour faire un juste gain,
Aller, bas en rempant, fléchir sous Chapelain.
Cependant, pour flatter ce rimeur tutélaire,
Le frère, en un besoin, va renier son frère,
Et Phébus en personne y donnant la leçon,
Gagnerait moins ici qu'au métier de maçon;

Ou,

1, pour être couché sur la liste nouvelle,

S'en irait chez Bilaine, admirer la Pucelle.

(14) L'Impromptu de Versailles avait été représenté à la cour le 14 octobre, et au théâtre du PalaisRoyal le 4 novembre 1663. Cette requête suivit de près l'une ou l'autre de ces représentations; car Racine en parle dans une lettre que nous aurons occade citer tout à l'heure, adressée par lui à M. Levasseur, au mois de décembre 1663. Petitot a omis de rapprocher ces dates, quand il a dit que cette requête était l'ouvrage des faux dévots, irrités contre lui à cause du Tartuffe. Trois actes seulement de cette comédie furent, pour la première fois, représentés à Versailles, le 12 mai 1664; c'est-à-dire six mois au moins après la requête.

(15) Voici cet acte de décès, inscrit aux registres des convois de la paroisse de Saint-Sulpice, pour l'année 1700, fo 41:

« Ledit jour, 2 décembre 1700, a été fait le con>> voi, service et enterrement de damoiselle Ar» mande - Grezinde - Claire - Élisabeth Béjart, femme » de M. François-Isaac Guérin, officier du Roi, âgée

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