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392. Nous n'avons point à examiner si Notre-Seigneur se distinguait par la beauté du corps; c'est une question qui n'intéresse selon ni la foi ni la piété des fidèles. Il était bien certainement, l'expression d'un prophète, d'une beauté remarquable parmi les enfants des hommes: Speciosus forma præ filiis hominum (1); mais on ignore si ces paroles ne s'appliquent pas plutôt à la beauté de l'âme qu'à la beauté du corps de Jésus-Christ.

393. Le corps du Sauveur a été formé, par l'opération du SaintEsprit, dans le sein de la sainte Vierge. L'ange Gabriel dit à Marie : « Ne craignez point, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. et « Vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, « vous le nommerez Jésus... Alors Marie dit à l'ange: Je ne con« nais point d'homme. L'ange lui répondit: Le Saint-Esprit des«< cendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son -« ombre : c'est pourquoi ce qui naîtra de vous est saint, et sera « appelé (reconnu) Fils de Dieu (2). » Ainsi Marie a conçu par l'opération du Saint-Esprit, contrairement à l'ordre de la nature. Cette conception est évidemment miraculeuse; mais le miracle de la formation du corps de Jésus-Christ dans le sein d'une vierge, sans le concours de l'homme, n'est pas plus grand que celui de la formation du corps de nos premiers parents, que Dieu lui-même a formé, antérieurement à la loi de la génération.

394. Marie, en devenant miraculeusement mère de Dieu, est demeurée vierge; elle a toujours été vierge vierge avant l'enfantement, vierge dans l'enfantement, vierge après l'enfantement. Ecce virgo concipiet, et pariet filium (3); c'est-àdire, comme l'expliquent les Pères, que Marie a conçu étant vierge, qu'elle a enfanté étant vierge, et qu'elle n'a point cessé d'être vierge: Maria virgo concepit, virgo peperit, post partum illibata permansit, dit saint Augustin (4). C'est aussi la doctrine de saint Irénée, de saint Grégoire de Nysse, de saint Basile, de saint Ambroise, de saint Jérôme, de saint Léon, de saint Cyrille d'Alexandrie, et généralement de tous les docteurs qui ont parlé des prérogatives de la mère de Dieu. C'est la croyance des Pères du concile d'Ephèse (5) et du concile de Chalcédoine (6), du concile de Nicée de 325 et de celui de Constantinople de 381, dont les symboles répètent, d'après celui des apôtres, que Jésus-Christ a

(1) Psaume XLIV. (2) Saint Luc, c. 1, v. 34 et 35.

(3) Isaïe, c. vii, v. 14. - (4) Sermon xvIII. — (5) Labbe, tom. ш, col. 408 et 583.—(6) Ibidem, tom. I▼, col. 824.

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été conçu du Saint-Esprit, et qu'il est né de la Vierge Marie; de Marie demeurant vierge et après la conception et après la naissance de Notre-Seigneur; de Marie toujours vierge: Conceptus est de Spiritu Sancto; natus ex Maria Virgine. Aussi l'Église chante-telle que Marie est demeurée vierge après l'enfantement: Post partum Virgo inviolata permansisti.

ARTICLE II.

De l'entendement de Jésus-Christ comme homme.

395. Jésus-Christ n'a pas seulement pris un corps comme le nôtre, il l'a pris conjointement avec une âme raisonnable, l'âme humaine. L'Évangile rapporte que Jésus, étant à Gethsemani, commença à s'attrister; qu'il fut saisi de frayeur et accablé d'ennui, et qu'il dit à ses disciples : « Mon âme est triste jusqu'à la mort: Tris« tis est anima mea usque ad mortem (1). » On distingue donc l'entendement, la volonté, la liberté et la sainteté de Jésus-Christ comme homme, de l'entendement, de la volonté, de la liberté et de la sainteté de Jésus-Christ comme Dieu. Nous dirons done ici un mot de l'entendement et de la science de Notre-Seigneur comme homme, nous réservant de parler de sa volonté, de sa liberté et de sa sainteté dans les articles suivants.

396. L'intelligence de Jésus-Christ comme homme est aussi parfaite que peut l'être une intelligence créée. Avant même d'entrer en gloire, il connaissait tout, le passé, le présent et l'avenir; et cette connaissance lui venait de l'union hypostatique de la nature du Verbe avec la nature humaine; elle remonte, par conséquent, jusqu'au premier instant de sa conception. Saint Jean dit que le Verbe s'est fait chair, et qu'il a habité parmi nous; que « nous avons vu sa gloire, qui est la gloire du Fils unique de Dieu; qu'il est plein de grâce et de vérité, et que nous recevons tous * de sa plénitude (2). » Suivant le même évangéliste, « celui que « Dieu a envoyé ne dit que des paroles de Dieu; car ce n'est pas « avec mesure que Dieu lui donne le Saint-Esprit (3); » qui est la source de toute vérité. L'apôtre saint Pierre confesse que Jésus

«

(1) Saint Matthieu, c. xxvi, v. 38. —(2) Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis: et vidimus gloriam ejus, gloriam quasi unigeniti a Patre, plenum gratiæ et veritatis.... Et de plenitudine ejus nos omnes accepimus. Saint Jean, c. 1, v. 14 et 16. — (3) Quem misit Deus, verba Dei loquitur: non enim ad masuram dat Deus Spiritum. Ibidem, c. 111, v. 34.

Christ connaît toutes choses (1); et saint Paul nous apprend que tous les trésors de la sagesse et de la science sont renfermés en lui (2). Aussi les Peres proclament d'une voix unanime la toutescience de Jésus-Christ. Nous pourrions citer, entre autres, saint Justin, Origène, Eusèbe de Césarée, sait Basile, saint Ambroise, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme, saint Augustin, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Léon, saint Fulgence, saint Grégoire le Grand, saint Jean Damascène et saint Bernard. Ils ne permettent pas de supposer l'ignorance de quoi que ce soit dans le Sauveur du monde.

397. Il est encore généralement reçu dans l'Église que JésusChrist jouissait de la vision intuitive, tandis qu'il était sur la terre. Ce sentiment, qui approche de la foi, est fondé sur les passages de l'Écriture que nous venons de rapporter, sur le langage des Pères, ainsi que sur l'union hypostatique de la nature humaine avec le Verbe, qui est la vraie lumière. Néanmoins, quoique la science de Notre-Seigneur, comme homme, soit parfaite, quoiqu'elle exclue tout doute, elle n'est point infinie; l'âme humaine, quelque privilégiée de Dieu qu'on la suppose, étant créée, et par là même essentiellement bornée, ne peut connaître l'infini que d'une manière finie; Dieu seul, étant infini, se connaît infiniment.

398. La vision intuitive en Jésus-Christ n'empêchait pas qu'il n'éprouvât, à mesure qu'il croissait, des choses qu'il n'éprouvait point auparavant, quoiqu'il les eût toujours connues parfaitement. Ainsi, quand il est dit dans l'Évangile qu'il croissait en sagesse, en áge et en grâce devant Dieu et devant les hommes (3), cela doit s'entendre des apparences extérieures, puisque le Verbe s'étant fait chair a toujours été plein de grâce et de vérité (4). En s'incarnant, il a pris la forme d'esclave, et s'est montré comme homme en tout, hormis le péché, ne manifestant qu'avec le temps les trésors de sagesse et de science qui étaient cachés en lui (5). Quant à ce que Notre-Seigneur dit lui-même que personne ne sait le jour ou l'heure du jugement, ni les anges qui sont dans le ciel, ni le Fils, si ce n'est le Père (6), on n'en peut conclure qu'il

(1) Domine, tu omnia nosti: tu scis quia amo te. Ibidem, c. xxi, v. 17. (2) In quo (Christo) sunt omnes thesauri sapientiæ et scientiæ absconditi. Éptt. aux Colossiens, c. 11, v. 3. — (3) Et Jesus proficiebat sapientia, et ætate, ct gratia apud Deum et homines. Saint Luc, c. 1, v. 52. - (4) Saint Jean, c. 1, v 14.-(5) Epitre aux Colossiens, c. 11, v. 3. - (6) De die autem illo vel hora nemo scit, neque angeli in cœlo, neque Filius. nisi Pater. S. Marc, c. xiii, v. 32.

ignorait le jour de son second avénement, puisqu'il a annoncé luimême le jugement dernier, en en faisant connaître l'objet et les principales circonstances. Il a seulement voulu faire entendre à ses disciples que leur question était indiscrète; que la connaissance du jour et de l'heure de son dernier avénement n'appartenait en propre et originairement qu'au Père; que, quoiqu'il eût cette connaissance comme homme, il ne la tenait point de la nature humaine, mais de la nature divine, du Verbe de Dieu, qui n'est qu'une seule et même substance avec le Père: In natura quidem humanitatis novit diem judicii; sed tamen hunc non ex natura humanitatis novit, dit saint Grégoire le Grand (1).

ARTICLE III.

De la volonté de Jésus-Christ comme homme.

399. Il y a deux natures en Jésus-Christ, la nature divine et la nature humaine. Il y a donc aussi deux volontés et deux opérations en Jésus-Christ, la volonté divine et la volonté humaine. Cette proposition est de foi; le troisième concile général de Constantinople, qui est de l'an 680, a frappé d'anathème les monothélites, ainsi appelés parce qu'ils n'admettaient qu'une seule volonté dans Notre-Seigneur, la volonté divine. Après avoir déclaré qu'il adhère aux cinq premiers conciles œcuméniques, le sixième concile, également général, définit qu'on doit confesser un seul et même Jésus-Christ, Notre-Seigneur, parfait en divinité et parfait en humanité, vraiment Dieu et vraiment homme, consubstantiel au Père selon la divinité, et consubstantiel à nous selon l'humanité; un seul et même Christ, Fils unique de Dieu en deux natures unies entre elles, sans que leur union leur ôte la différence qui les distingue essentiellement l'une de l'autre, toutes les deux conservant les propriétés propres à chacune d'elles. Il définit en même temps que l'on doit, conformément à la doctrine des saints Pères, reconnaître en Jésus-Christ deux volontés et deux opérations naturelles, sans division, sans mélange, sans séparation, sans confusion (2).

(1) Liv. x, lettre xxxix. (2) Assecuti quoque sancta quinque universalia concilia, et sanctos atque probabiles Patres, consonanterque confiteri definientes Dominum nostrum Jesum Christum, verum Deum nostrum... perfectum in deitate et perfectum eumdem in humanitate, Deum vere et hominem vere.... Unum eumdemque Christum Filium Dei unigenituin, in duabus naturis incon

400. En effet, on pourrait citer, en faveur de cette décision, non-seulement saint Maxime, abbé, qui a réfuté les erreurs du monothélisme, mais encore saint Fulgence, saint Gelase, saint Léon, Théodoret, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Augustin, saint Jean Chrysostome, saint Epiphane, saint Ambroise, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, saint Cyrille de Jérusalem, saint Basile, saint Athanase, saint Hippolyte de Porto, Tertullien, saint Irénée, saint Justin, et saint Ignace d'Antioche, disciple des apôtres. Ils s'accordent tous à distinguer en JésusChrist, d'une manière plus ou moins expresse, ia volonté humaine de la volonté divine, tout en reconnaissant que la première est soumise en tout à la volonté du Verbe. On remarque qu'ils s'appuient sur l'Écriture, notamment sur ces paroles de Notre Seigneur: « Mon Père, faites que ce calice s'éloigne de moi; cependant « que votre volonté se fasse, et non la mienne (1); je suis descendu « du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de « Celui qui m'a envoyé (2); je ne cherche pas ma volonté, mais la « volonté de mon Père (3). » On voit ici bien clairement en JésusChrist une volonté distincte de celle du Père, autre que celle du Père. Or, cette volonté de Jésus-Christ, qui est distincte de la volonté du Père, ne peut être que la volonté humaine, puisque la volonté divine est la même dans le Père et le Fils: Ego et Paler unum sumus (4).

491. On ne peut nous objecter les lettres du pape Honorius sur la question des deux volontés en Jésus Christ; soit parce que ces lettres ne sont point dogmatiques: elles ne contiennent que des réponses particulières à ceux qui lui avaient écrit touchant cette question; soit parce qu'on peut leur donner un sens orthodoxe, le pape ne parlant que de Jésus-Christ comme homme, d'où il

fuse, inconvertibiliter, inseparabiliter, indivise, cognoscendum.... Et duas naturales voluntates in eo, et duas naturales operationes indivise, inconvertibi liter, inseparabiliter, inconfuse secundum sanctorum Patrum doctrinam adæque prædicamus; et duas naturales voluntates non contrarias, absit, juxta quod impii asseruerunt hæretici, sed sequentem ejus humanam voluntatem, et non resistentem vel reluctantem, sed potius et subjectam divinæ ejus atque omnipotenti voluntati. Labbe, tom. vi, col. 1025. —(1) Pater, si vis, transfer calicem istum a me: verumtamen non mea voluntas, sed tua fiat. Saint Lue, C. XXII, v. 42. Non sicut ego volo, sed sicut tu. Saint Matthieu, c. XXVI, v. 39. (2) Descendi de celo, non ut faciam voluntatem meam, sed voluntatem ejus qui misit me. Saint Jean, c. vi, v. 38. — (3) Non quæro voluntatem meam, sed voluntatem ejus qui misit me. Ibidem, c. v, v. 30. -- (4) Ibidem, C., Y. 30.

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