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435. Saint Jérôme, que l'on peut citer comme témoin de la croyance de l'Orient et de l'Occident, s'exprime dans le même sens et avec la même précision. « Nous n'adorons, dit-il, ni les reliques « des martyrs, ni le soleil, ni la lune, ni les anges, ni les archanges, « ni les chérubins, ni les séraphins, ni toute autre dignité qu'on " puisse nommer, soit dans le siècle présent, soit dans le siècle futur, de peur de rendre à la créature le culte souverain, au lieu « de le rendre au Créateur, qui est béni dans tous les siècles; mais « nous honorons les reliques des martyrs, afin d'adorer celui dont «< ils sont martyrs. Nous honorons les serviteurs, afin que l'hon« neur que nous rendons aux serviteurs retourne au Seigneur, qui dit: Celui qui vous reçoit me reçoit (1). »

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436. L'empereur Julien reprochait aux chrétiens le culte qu'ils rendaient aux martyrs (2). Il est donc constant que vers le milieu du quatrième siècle l'Eglise honorait ceux qui sont morts pour la foi. Mais, comme le dit saint Cyrille d'Alexandrie en réfutant cet apostat, elle les honorait, sans leur rendre le culte qui n'est dû qu'à Dieu. « Nous ne disons point que les saints martyrs sont des dieux, « et nous ne les adorons point d'un culte divin, mais d'un culte « d'affection et d'honneur. Nous leur rendons de très-grands hon«neurs, parce qu'ils ont combattu courageusement pour la vérité, « et qu'ils ont conservé la sincérité de la foi jusqu'à sacrifier leur « vie pour elle (3). » Écoutez aussi ce que saint Grégoire de Na

paratum esse sentimus. Sed illos tanto devotius quanto securius post certamina superata, quanto etiam fidentiore laude prædicamus, jam in vita feliciore vietores quam in ista adhuc usque pugnantes. At illo cultu, qui græce λatpɛía dicitur, latine vero uno verbo dici non potest, cum sit proprie divinitati debita servitus, nec colimus, nec colendum docemus, nisi unum Deum. Cum autem ad hunc cultum pertineat oblatio sacrificii, unde idololatria dicitur eorum qui hoc etiam idolis exhibent, nullo modo tale aliquid offerimus aut offerendum præcipimus, vel cuiquam martyri, vel cuiquam sanctæ animæ, vel cuiquam angelo; et quisquam in hunc errorem delabitur, corripitur per sanam doctrinam, sive ut corrigatur, sive ut caveatur. Ibidem. · (1) Nos autem non martyrum reliquias, sed ne solem quidem et lunam, non angelos, non archangelos, non cherubim, non seraphim, et omne nomen quod nominatur et in præsen seculo et in futuro, colimus et adoramus: ne serviamus creaturæ potiusquam Creatori, qui est benedictus in secula. Honoramus autem reliquias martyrum, ut eum cujus sunt martyres, adoremus. Honoramus servos, ut honor servorum redundet ad Dominum. Lettre à Riparius. - (2) Saint Cyrille d'Alexandrie, liv. vi, contre Julien. (3) Sanctos martyres, neque deos esse dicimus, neque divino cultu scilicet illos adorare solemus, sed affectus et honoris : quin potius summis honoribus illos ornamus, puta quod pro veritate strenue certaverint, sincerita temque fidei eonsque servaverint ut animam ipsam contempserint. Ibidem.

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zianze disait à Julien : « Ne craignez-vous pas ces illustres athlètes • du christianisme, Jean, Pierre, Paul, Jacques, Etienne, Luc,

• André, Thècle, que nous honorons d'une manière particulière par les fêtes établies en leur mémoire (1)? » Suivant saint Basile, on célébrait ces fêtes avec beaucoup de pompe et un grand concours de peuples (2). Elles avaient pour elles une ancienne coutume, et se renouvelaient chaque année, ainsi que cela se pratique encore dans l'Église (3). Eusèbe de Césarée, qui florissait dans la première partie du quatrième siècle, atteste que c'était la coutume, de son temps, de visiter les tombeaux des martyrs, d'y faire des vœux et des prières, et de vénérer leurs âmes bienheureuses (4); ajoutant, dans un autre endroit, que les anciens chrétiens, comme ceux de son temps, ont constamment honoré les saints (5). Les Constitutions apostoliques, qui ont été rédigées au troisième ou au plus tard au quatrième siècle, nous parlent des jours consacrés à l'honneur des apôtres, de saint Étienne et des autres martyrs qui ont donné leur vie pour Jésus-Christ (6). Il est donc prouvé que, dès le commencement du quatrième siècle, le culte des saints était reçu comme dogme catholique dans toute l'Église, en Orient comme en Occident.

437. Or un dogme qui était universellement reçu au quatrième siècle, un dogme qui est parvenu jusqu'à nous sans interruption, un dogme qu'on retrouve partout, même chez les schismatiques grecs et les anciennes sectes séparées de l'Église romaine, ne peut évidemment venir que des apôtres. Pour peu qu'on connaisse l'esprit de l'Église, pour peu qu'on ait lu-son histoire, on sait qu'elle s'est constamment opposée à toute nouveauté en matière de reli

(1) Nec magnos pugiles extimuisti, Joannem illum, Petrum, Paulum, Stephanom, Lucam, Andream, Theclam.... quibus præclari honores et festa constituta sunt? Discours ш. — - (2) Indixerunt autem nobis tempus quidern conveniendi... locum vero Phargamum, locum insignem martyrum splendore ac frequentissimo conventu singulis annis ab ipsis celebrato. Lettre xcv. (3) Cum celeberrimi sint martyres Eupsychius et Damas eorumque chorus, quorum memoria quotannis ab urbe nostra et tota vicinia celebratur.... Ecclesia nostra voce adhortatur ut ANTIQUAM resumatis visitandi CONSUETUDINEM. Leltre CCLII. (4) Eorum (hominum Deo carissimorum) sepulchra celebrare et preces ibi votaque nuncupare, et beatas illorum animas venerari CONSUEVIMUS. Liv. XIII, de la préparation évangélique. —(5) Tum antiquiores, tum nostri temporis christiani, viros sanctos ob ipsorum erga Deum amorem debito semper honore venerati sunt, et hactenus venerantur. Hist. eccl., liv. vii, c. xix. — (6) In apostolorum diebus opus nou faciant.... In die Stephani, primi martyris ferientur, atque in diebus cæterorum sauctorum martyrum, qui Christum prætulerunt vitæ suæ. Constit. apost., liv. vii, c. xxxin.

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gion. D'ailleurs, si, comme l'ont tant de fois répété les protestants, le culte des saints est contraire à la loi de Dieu, comment en concilier la pratique avec les promesses que Jésus-Christ a faites à son Eglise, lorsqu'il lui a dit qu'il serait avec elle tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles? S'il n'a pas d'autre fondement que la superstition, qu'on nous dise donc comment il aura pu s'introduire partout, sans qu'il y ait eu aucune réclamation, ni de la part des papes, ni de la part des évêques? Non, ce que les chrétiens de l'Orient et de l'Occident croyaient au quatrième siècle n'est point une invention des hommes : ils le croyaient parce qu'ils le tenaient de leurs pères, parce qu'il leur avait été transmis par les traditions apostoliques.

438. Enfin, nous trouvons même dans l'Église primitive des preuves de la croyance catholique concernant le culte des saints. Saint Cyprien, mort en 258, atteste que les chrétiens offraient le sacrifice à l'honneur des martyrs toutes les fois qu'ils célébraient le jour de leur mort par une commémoraison anniversaire : Sacrificia pro eis semper, ut meministis, quoties martyrum passiones et dies anniversaria commemoratione celebramus (1). Vous remarquerez que ce saint docteur parle des fêtes à l'honneur des martyrs comme de fètes qui se renouvelaient chaque année, anniversaria commemoratione, et qui étaient connues des fidèles, ut meministis. Aussi Tertullien, qui appartient au second et au troisième siècle, fait mention de ces fètes, qu'il suppose également établies dans l'Église : Oblationes pro defunctis, pro nataliliis annua die facimus (2). On sait que par natalitia les auteurs ecclésiastiques entendent le jour de la mort des saints, parce que ce jour-là même ils sont nés pour le ciel, d'une nouvelle naissance qui leur donne la vie éternelle. Si nous remontons plus haut, nous arrivons aux temps dits apostoliques, et nous trouvons un témoignage du plus grand poids dans la lettre de l'Église de Smyrne sur le martyre de saint Polycarpe. Nous lisons dans cette lettre, qui nous a été conservée par Eusèbe, que les chrétiens, ayant pu sauver quelques ossements du corps de ce saint évêque, les mirent en dépôt dans un lieu convenable, pour s'y assembler, autant que possible, tous les ans, afin de célébrer le jour de sa mort avec une sainte allégresse: Quo etiam in loco nobis, si fieri poterit, convenientibus, concedit Deus natalem ejus martyrii diem cum hilaritate et gaudio celebrare (3).

(1) Lettre XXXIV. — (2) Livre de la Couronne, c. III.

(3) Eusèbe, Hist. eccl.,

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439. Quelque temps auparavant, saint Justin, écrivant aux empereurs païens en faveur des chrétiens, leur disait : « Nous ho« norons et nous adorons le Père, et le Fils qui vient de lui, et << l'armée des bons anges qui ont été faits à sa ressemblance et « lui sont soumis, et l'Esprit qui a parlé par les prophètes (1). » Ici revient ce que nous avons dit de l'adoration : ce terme exprime le culte suprême, ou le culte de latrie, lorsqu'il s'agit du culte de Dieu ou des personnes de la sainte Trinité; tandis qu'il ne signifie qu'un culte inférieur ou subordonné, quand on parle du culte des anges ou des saints. Il est donc prouvé que, dans les trois premiers siècles comme dans les siècles suivants, l'Église a constamment honoré d'un culte religieux les anges et les martyrs. Donc, encore une fois, ce culte vient des apôtres et de Jésus-Christ; donc on ne peut le mépriser sans mépriser Jésus-Christ lui-même.

Jusqu'ici nous n'avons parlé du culte des saints que d'une manière générale; il nous reste à faire connaître les principaux actes de ce culte, qui sont l'invocation des saints, et le respect religieux tant pour les images que pour les reliques sacrées. Ce que nous en dirons ne pourra que développer et confirmer les preuves que nous avons données du dogme catholique; puisque invoquer les saints, c'est les honorer; et qu'honorer les images et les reliques des saints, c'est les honorer eux-mêmes.

CHAPITRE X.

De l'invocation des saints.

440. Il est permis, il est bon, il est utile d'invoquer les anges et les saints, ainsi que l'enseigne l'Église catholique. Suivant le concile de Trente, les évêques et ceux qui sont chargés de l'instruction des fidèles doivent les instruire avec soin sur l'intercession des saints, en leur apprenant que «< ceux qui règnent avec « Jésus-Christ offrent des prières à Dieu pour les hommes; qu'il « est bon et utile de les invoquer, de les supplier, et de réclamer

(1) Eum (Patrem), et Filium, qui ab eo venit ac nos ista docuit, et cæterorum, qui illum assectantur eique assimilati sunt, bonorum angelorum exercitum, et Spiritum propheticum, colimus et adoramus. Apol. 1, no vi, édit. des Bénédic

«<leur assistance et leurs prières pour obtenir des grâces et des ⚫ faveurs de Dieu par son Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui « est seul notre rédempteur et notre sauveur. Ceux-là ont des sen<< timents contraires à la piété, qui nient qu'on doive invoquer les ⚫ saints qui jouissent dans le ciel d'une félicité éternelle; ou qui soutiennent que les saints ne prient pas pour les hommes; ou que « c'est une idolâtrie de les invoquer, afin qu'ils prient pour chacun « de nous en particulier; ou que c'est une chose aussi contraire à ⚫ la parole de Dieu qu'à l'honneur qu'on doit à Jésus-Christ, seul « et unique médiateur entre Dieu et les hommes; ou même que • c'est une folie de prier, de parole ou de pensée, les saints qui - règnent dans le ciel (1). »

441. Cette croyance est fondée sur la pratique générale et constante de l'Église, qui a pour elle la tradition et même l'Écriture sainte. Nous dirons donc : L'usage d'invoquer la sainte Vierge, les anges et les saints était en vigueur dans toute l'Église dès le cinquième et le quatrième siècle; or, cet usage remonte jusqu'aux temps apostoliques; donc il vient des apôtres, donc il est conforme à l'esprit de Jésus-Christ.

Premièrement, l'invocation des saints était en usage dans toute l'Église au cinquième et au quatrième siècle. On croyait alors, comme on l'a toujours cru depuis, que les saints intercèdent auprès de Dieu pour nous, qu'ils prient pour nous, qu'ils s'intéressent à notre salut; et on les invoquait comme pouvant nous obtenir les faveurs du ciel. Au concile d'Ephèse, qui eut lieu en 431, saint Cyrille d'Alexandrie, qui en était comme l'âme, portant la parole le jour de la fête de saint Jean, s'exprimait en ces termes : Quel est-il donc, je vous le demande, celui qui est entré dans « ce monde? et de quelle manière est-il entré? Ouvrez-nous ce

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(1) Mandat sancta synodus omnibus episcopis et cæteris docendi munus enramque sustinentibus, ut.... de sanctorum intercessione, invocatione, reliquiarum honore et legitimo imaginum usu, fideles diligenter instruant, docentes eos, sanctos una cum Christo regnantes, orationes suas pro hominibus Deo offerre, bonum atque utile esse suppliciter eos invocare, et ob beneficia impetranda a Deo per Filium ejus Jesum Christum, Dominum nostrum, qui solus noster redemptor et salvator est, ad eorum orationes, opem auxiliumque confugere; illos vero qui negant, sanctos æterna felicitate in cœlo fruentes, invocandos esse; aut qui asserunt, vel illos pro hominibus non orare; vel eorum, ut pro nobis etiam singulis orent, invocationem esse idololatriam; vel pugnare cum Verbo Dei, adversarique honori unius mediatoris Dei et hominum Jesu Christi; vel stultum esse in cœlo regnantibus, voce vel mente, supplicari, impie sentire. Sess. xxv, de l'invocation de saints.

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