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mière (1); ce qui ne peut être vrai qu'autant que Marie a été préservée de tout péché, ménie originel. Saint Epiphane, mort en 403, ne pensait point autrement. « La brebis sans tache, dit-il, qui enfanta l'Agneau qui fut le Christ, était supérieure à tout, Dieu « seul excepté, plus belle en sa nature que les chérubins, les sé«raphins, et que toute l'armée des anges (2). » Saint Ambroise regarde la sainte Vierge comme ayant été, par l'effet de la gráce, pure de toute souillure du péché (3). Saint Amphiloque, évêque d'Icone en 344, dit qu'elle a été formée sans tache et sans péché (4).

478. Arrivés au troisième siècle, nous trouvons dans Origène un témoin de la croyance de son temps touchant l'immaculée conception. Voici comment il s'exprime : « Comme l'ange salue Marie « d'un terme nouveau que je n'ai pu trouver dans toute l'Écriture, il faut que j'en dise quelque chose. Cette parole qu'il lui a adressée, Je vous salue, pleine de gráce, en grec xeαpitwμévη, je ne « me rappelle point l'avoir lue dans aucun endroit des Écritures. . D'ailleurs, ces mots, Je vous salue, pleine de gráce, ne s'adres* sent point à un homme; c'est une salutation qui ne convient qu'à Marie seule. Car si elle avait su que tout autre eût été salué ■ d'une parole semblable, elle qui avait la science de la loi avec le ⚫ don de la sainteté, et qui, par une méditation journalière, avait ⚫ pénétré les oracles des prophètes, elle ne s'en fùt jamais effrayée ⚫ comme d'une salutation étrange (5). » Le mot grec signifie nonseulement pleine de grâce, comme le traduit la Vulgate, mais il signifie encore formée en gráce. Et c'est précisément le sens qui lui est attribué par Origène, comme on le voit par un autre pas

(1) Certe nubem levem debemus sanctam Mariam accipere nullo semine humano prægravatam.... Nubes illa non fuit in tenebris, sed semper in luce. Sut le psaume LXXVп, au verset: Et deduxit eos in nube diei. (2) Solo Deo excepto, cunctis superior extitit, natura formosior est ipsis cherubim, seraphim et omni exercitu angelorum.... ovis immaculata quæ peperit agnum Christum. Des louanges de Marie. (3) Virgo per gratiam ab omni integra labe peccati. Sur le psaume cxvII. (4) Sine macula et sine peccato. Discours iv, sur la sainte Vierge mère de Dieu. — (5) Quia vero angelus novo sermone Mariam salutavit, quem in omni Scriptura invenire non potui, et de hoc pauca dicenda sunt. Id enim quod ait, Ave, gratia plena, quod græce dicitur xexapitwμévn, ubi in Scripturis alibi legerim non recordor; sed neque ad virum istiusmodi sermo est, Salve, gratia plena. Soli Mariæ hæc salutatio servatur. Si enim scivisset Maria et ad alium quempiam similem factum esse sermonem, habebat quippe legis scientiam, et erat sancta, et prophetarum vaticinia quotidiana meditatione cognoverat ; nunquam quasi peregrina eam salutatio terruisset. Homélie vi, sur saint Luc.

sage où le même docteur, en parlant de Marie, dit qu'elle n'a point été infectée par le souffle du serpent venimeux (1).

479. Nous avons une nouvelle preuve de l'immaculée conception dans la liturgie de l'Eglise grecque, liturgie qui est beaucoup plus ancienne que saint Jean Chrysostome, dont elle porte le nom. On y lit, en effet, que Marie est sans faute à tous égards, omni ex parte inculpata, ce qui indique assez que cette Église la croyait conçue sans le péché originel. Aussi le jésuite Wanguereck, dans son ouvrage intitulé la Piété des Grecs envers Marie, a recueilli plusieurs passages de leurs anciens ménologues, où il est dit que la sainte Vierge est pure de toute tache, omni nævo intacta (2).

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480. Enfin, depuis le douzième siècle, l'Église célèbre la fête de la Conception de la sainte Vierge. Or, il est constant que les fidèles célèbrent cette fète, non-seulement en mémoire de la conception de Marie, mais en mémoire et à l'honneur de son imma culée conception. C'est dans cet esprit que la fête s'est établie dans l'Église de Lyon, comme on le voit par la lettre de saint Bernard à cette même Église; c'est dans cet esprit qu'elle s'est répandue dans toute la chrétienté, comme le dit le pape Alexandre VII (3). Le pape Sixte IV approuva même, comme faisant partie de l'office, l'oraison suivante Seigneur, qui, par l'immaculée conception de la sainte Vierge, avez préparé à votre Fils une demeure digne de lui, accordez, nous vous en prions, que comme « vous l'avez préservée de toute tache, en prévision de la mort ⚫ de son Fils, nous puissions aussi, étant purifiés nous-mêmes, « parvenir, par son intercession, jusqu'à vous (4). » Et le pape saint Pie V permit à l'ordre des franciscains de conserver et de réciter cette oraison, que nous trouvons aussi dans le Bréviaire de Besançon, publié par le cardinal de Choiseul en 1761, et réimprimé, en 1824, par l'ordre de M. de Villefrancon, archevêque de la même ville. Nous ajouterons que le saint-siége, qui a toujours favorisé la dévotion pour la sainte Vierge pure et sans tache, a permis dans ces derniers temps, par l'organe de la congrégation des rites, aux Églises d'Italie, d'Espagne, de France, d'Angleterre, 'Allemagne et de l'Amérique, qui en ont fait la demande, d'ajou

(1) Nec serpentis venenosi afflatibus infecta est. Homélie 1, sur le même évangéliste. — (2) Pietas Mariana Græcorum, imprimé à Munich en 1647. — (3) Voyez, ci-dessus, le n° 472. -— (4) Deus, qui per immaculatam Virginis conceptionem dignum Filio tuo habitaculum præparasti, concede, quæsumus, ut, sicut ex morte ejusdem Filii tui prævisa, eam ab omni labe præservasti, ita nos quoque mundos, ejus intercessione, ad te pervenire concedas.

ter, dans la préface pour la fête du 8 décembre, le mot immaculala au mot conceptione, comme cela se pratique dans l'ordre de Saint-François.

481. On voit, par ce qui vient d'être dit, que l'immaculée conception est la croyance générale de l'Église, et que cette pieuse croyance est fondée sur l'enseignement des saints Pères, qui s'appuient eux-mêmes, et sur ces paroles de l'ange à la sainte Vierge, Je vous salue, Marie, pleine de grâce, et sur la considération que celle qui était destinée à concevoir dans son sein le Verbe incarné, le Saint des saints, devait être ellemême éminemment sainte, et par conséquent préservée, non-seulement de tout péché actuel, mais encore du péché originel. Il ne convenait pas que celle qui, en devenant mère de Dieu, brisait la tête du serpent, eût été un seul instant infectée de son souffle, ou esclave du démon, dont elle venait détruire l'empire par son divin Fils. Il ne faut pas croire, dit saint Bernardin de Sienne, que le « Fils de Dieu eût voulu naître de la Vierge, ni se revêtir de sa chair, si elle eût été souillée du péché originel (1). »

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Aussi, par sa constitution apostolique du 8 décembre 1854, l'immortel Pie IX a défini et proclamé solennellement comme dogme de foi l'immaculée conception de la glorieuse Vierge Marie, mère de Dieu, de sorte qu'on ne peut plus révoquer ce dogme en doute sans faire naufrage dans la foi.

482. Une autre prérogative de Marie est son assomption corporelle dans le ciel. On croit encore généralement, dans l'Eglise, que la sainte Vierge est ressuscitée immédiatement après sa mort, et qu'elle est en corps et en ȧme dans le séjour de la gloire. Cette pieuse croyance est fondée sur la tradition (2), et sur les sentiments de piété que nous devons avoir pour la mère de Dieu. On conçoit difficilement que ce corps, qui n'a jamais participé à la contagion commune, et dont s'est formé, par l'opération du Saint-Esprit, le corps mème du Fils de Dieu fait homme, ait éprouvé la corruption du tombeau. Aussi l'Église a-t-elle inséré dans l'office de l'As

(1) Non enim credendum est quod ipse Filius Dei voluerit nasci ex Virgine, et sumere ejus carnem quæ esset maculata aliquo originali peccato. Serm. XLIX. − (2) Voyez saint Germain, patriarche de Constantinople, Discours 1, sur la mort de la mère de Dieu; André de Crète, Discours u, sur les louanges de la Vierge, elc.; saint Jean Damascène, Discours u, sur la mort de Marie; saint Idephonse, Serm vi, sur l'Assomption; saint Grégoire de Tours, liv. IV, de la Gloire des martyrs, c. iv. Vovez aussi l'ancien Missel gallıcan ou gothique, publié par Tomasi et par Mabillon; Benoît XIV, des Fêtes de NotreSeigneur et de sa mère, part. 1, c. cxn, etc

somption ce que saint Jean Damascène et saint Bernard ont dit de la mort, de la résurrection et de l'entrée triomphante de Marie dans le ciel (1).

Néanmoins, il n'existe aucune décision qui en fasse un article de foi. Après avoir parlé de l'incarnation du Verbe, du culte de JésusChrist, de ses Saints, et des prérogatives de celle qu'il a eue pour mère quant à l'humanité, il est nécessaire, suivant l'ordre des dogmes catholiques, de parler de la grâce qu'il nous a méritée en mourant pour notre salut et pour le salut du monde entier (2).

(1) Voyez le Bréviaire romain, fête de l'Assomption.

(2) Ce chapitre a été rédigé en 1848. L'Immaculée Conception de la glorieuse vierge Marie, Mère de Dieu, n'avait pas encore été proclamée par le Chef de l'Église comme article de foi; ce n'est que le 8 décembre 1854 que l'immortel Pie IX a décrété et défini solennellement, comme dogme révélé de Dieu, que Marie a été conçue sans péché; que, par un privilége spécial et en vue des mérites de Jésus-Christ, elle a été exemptée de la tache originelle. Voyez la bulle Ineffabilis Deus; voyez aussi l'ouvrage que nous avons publié sous ce titre Croyance générale et constante de l'Église sur l'Immaculée Conception de la glorieuse vierge Marie. Paris, 1855, chez Lecoffre et Comp.

TRAITE

DE LA

GRACE ET DE LA JUSTIFICATION.

483. La nature de la grâce, qui est le principe de la justification, la manière dont elle opère sur la volonté de l'homme, ses rapports avec le libre arbitre, sont autant de mystères pour nous. « Il est si difficile, dit saint Augustin, de discerner la vérité quand il s'agit de la liberté de l'homme et de la grâce de Dieu, que, « lorsqu'on défend le libre arbitre, il semble que l'on nie la grâce, « et que, lorsqu'on défend la grâce, il semble que l'on nie le libre << arbitre (1). » Comme on ne s'est pas toujours tenu suffisamment en garde contre cet écueil, on est tombé dans de graves erreurs. D'un côté, les pélagiens, les semi-pélagiens et les sociniens, sous prétexte de défendre le libre arbitre de l'homme, ont nié la nécessité de la grâce. De l'autre, les prédestinatiens du cinquième et du neuvième siècles, dont les erreurs ont été renouvelées, d'une manière plus ou moins expresse, par Wiclef, Luther, Calvin, Baïus, Jansenius et Quesnel, en voulant exalter l'opération et la puissance de la grâce, ont méconnu la liberté de l'homme. Pour éviter ces deux extrêmes, nous suivrons en tout l'enseignement de l'Église, qui se guide elle-même par l'Écriture et la tradition.

CHAPITRE PREMIER.

Notion de la grâce.

484. Ici le mot grâce exprime les dons que Dieu fait gratuitement aux hommes, principalement dans l'ordre du salut. Sous ce

(1) Ista quæstio, ubi de arbitrio voluntatis et Dei gratia disputatur, ita est ad

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