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§ II. Preuve de la présence réelle, tirée de l'enseignement. des Pères, des papes et des conciles des neuf premiers siècles de l'Église.

709. Ceux qui nient le dogme de la présence réelle conviennent qu'à partir du neuvième siècle il a été constamment admis dans l'Eglise catholique. La plupart d'entre eux le font même remonter, les uns au sixième, les autres au cinquième, d'autres enfin au quatrième siècle. Il suffira donc de citer les Pères, les papes et les conciles des neuf premiers siècles de l'Église; et c'est ce que nous ferons le plus brièvement possible.

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710. Saint Ignace d'Antioche, disciple de saint Pierre, parlant des hérétiques qui niaient la réalité du corps de Notre-Seigneur, s'exprime en ces termes : « Ils s'éloignent de l'eucharistie et de la « prière, parce qu'ils ne confessent pas que l'eucharistie est la chair de Jésus-Christ, celle qui a souffert pour nos péchés, et que « le Père dans sa bonté a ressuscitée (2). » On reconnaissait donc dans l'Église, du temps de saint Ignace, évêque d'Antioche dès l'an 68, que l'eucharistie contient le corps de Jésus-Christ, le même corps qui a été livré pour nous en rémission de nos péchés.

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711. Saint Justin, mort en 167, après avoir parlé de la consécration du pain et du vin, ajoute : « Cet aliment, nous l'appelons a eucharistie. Il n'est permis à personne d'y participer, s'il ne fait « profession de croire notre doctrine, s'il n'a été purifié et régénéré par le baptême, et s'il ne vit conformément à la loi de Jésus-Christ. Au reste, nous ne le prenons pas comme un pain « commun, ni comme un breuvage ordinaire; mais comme par la parole de Dieu le Verbe s'est fait chair, et a pris la chair et le sang pour notre salut, de même nous sommes instruits que cette nourriture, qui par un changement alimente notre chair et notre « sang, étant sanctifiée par la prière et l'action de grâces du Verbe, « est la chair et le sang de ce mème Jésus incarné. Car les apôtres, « dans les évangiles qu'ils ont écrits eux-mêmes, nous ont appris « que Jésus leur avait commandé de faire ce qu'il avait fait, lorsque, ayant pris du pain et ayant rendu grâces, il dit: Faites

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(1) Ab eucharistia et oratione abstinent, eo quod non confiteantur eucharistiam carnem esse servatoris nostri Jesu Christi, quæ pro peccatis nostris passa est, quam Pater sua benignitate suscitavit. Qui ergo contradicunt huic dono Dei, altercantes moriuntur. Lettre aux fidèles de Smyrne, no VII.

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• ceci en mémoire de moi: ceci est mon corps; et que de même ayant pris le calice, il dit : Ceci est mon sang (1). » Vous voyez ici la prière de Jésus-Christ comparée à la parole de Dieu : par celleci le Verbe est incarné; par la prière de Notre-Seigneur, le pain et le vin sont ou deviennent son corps ou son sang; ce changement est aussi réel que l'incarnation.

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712. Saint Irénée, mort en 202 : « Jésus-Christ ayant pris ce qui de sa nature est du pain, le bénit, et rendit grâces, en disant: « Ceci est mon corps; et de même, ayant pris le calice, il confessa a que c'était son sang; il enseigna l'oblation nouvelle de son Testa<<ment. L'Église l'a reçue des apôtres, et l'enseigne dans tout l'uni« vers (2). » Ailleurs il réfute ainsi certains hérétiques qui niaient que Jésus-Christ fût Fils de Dieu : « Comment donc s'assureront«ils que ce pain, sur lequel les actions de grâces ont été faites, est le corps de leur Seigneur et le calice de son sang, s'ils disent « qu'il n'est point Fils du Créateur du monde (3)? » On voit que ce docteur regardait comme une chose certaine et reçue de son temps, même par ceux qu'il combattait, que le pain et le vin deviennent, par la consécration, le corps et le sang de Jésus-Christ. Il ajoute : - Comment osent-ils dire que la chair tombe dans la corruption et < ne reprend pas la vie, elle qui est nourrie du corps et du sang du Seigneur (4)? »

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(1) Hoc alimentum apud nos vocatur eucharistia, cujus nemini alii licet esse participi, nisi qui credat vera esse quæ docemus, atque illo ad remissionem peccatorum et regenerationem lavacro ablutus fuerit, et ita vivat ut Christus tradidit. Neque enim nt communem panem, neque ut communem potum ista sumimus; sed quemadmodum per Verbum Dei caro factus Jesus Christus Salvalor noster, et carnem et sanguinem habuit nostræ salutis causa; sic etiam illam, in qua per precem ipsius Verbi continentem gratiæ actæ sunt, alimoniam, ex qua sanguis et carnes nostræ per mutationem aluntur, incarnati illius Jesu et carnem et sanguinem esse edocti sumus. Nam apostoli in commentariis suis, quæ vocantur Evangelia, ita sibi mandasse Jesum tradiderunt: eum scilicet, accepto pane, cum gratias egisset, dixisse: Hoc facite in meam commemora: tionem; hoc est corpus meum; et poculo similiter accepto, actisque gratiis, dixisse: Hic est sanguis meus, ipsisque solis tradidisse. Apol. 1, no LXVI. — (2) Eum qui ex creatura panis est, accepit, et gratias egit, dicens: Hoc est meum corpus. Et calicem similiter, qui est ex ea creatura quæ est secundum nos, suum sanguinem confessus est, et Novi Testamenti novam docuit oblationem ; quam Ecclesia ab apostolis accipiens, in universo mundo offert Deo. Liv. iv, contre les hérésies, c. xvп; alias xxx11. (3) Quomodo autem constabit eis, eum panem in quo gratiæ actæ sint, corpus esse Domini sui et calicem sanguinis ejus, si non ipsum fabricatoris mundi Filium dicant? Ib., c. xvm; alias xxxiv. — (4) Quomodo autem rursus dicunt carnem in corruptionem devenire, et non percipere vitam, quæ corpore Domini et sanguine alitur?... Quemadmodum

713. Tertullien, qui écrivait sur la fin du deuxième et au commencement du troisième siècle : « Ayant pris du pain, Notre-Sei◄ gneur en a fait son corps, illum corpus suum fecit, en disant: « Ceci est mon corps (1). La chair est nourrie du corps et du « sang de Jésus-Christ, de sorte que notre âme s'engraisse de la « substance de Dieu même (2). » Ailleurs, parlant de ceux qui s'approchent indignement de l'eucharistie, il compare leur crime à celui des Juifs qui ont porté leurs mains sacriléges sur le corps de Notre-Seigneur : Semel Judi Christo manus intulerunt, isti quotidie corpus ejus lacessunt (3). Eût-il pu s'exprimer ainsi, s'il n'eût vu dans l'eucharistie qu'un simple signe, une simple figure du corps et du sang de Jésus-Christ?

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714. Origène, mort en 253: « Ne vous attachez point au sang << des animaux ; mais apprenez plutôt à connaître le sang du Verbe, « et écoutez ce qu'il dit lui-même: Ceci est mon sang. Celui qui « est imbu des mystères connaît la chair et le sang du Verbe-Dieu. N'insistons donc point sur les choses connues des initiés, et qui a ne doivent point l'être des étrangers. Tout en gardant la réserve qu'il mettait à parler des mystères à ceux qui ne les connaissaient pas, il dit à Celse que les pains offerts deviennent par la prière un certain corps sanctifiant : « Après avoir adressé au Créa«teur de toutes choses nos prières et nos actions de grâces, nous « mangeons les pains offerts, faits ou devenus, par l'invocation, « un certain corps qui, par sa sainteté, a la vertu de sanctifier ceux qui le reçoivent dignement (4). Lorsque vous recevez la sainte << nourriture et ce mets incorruptible, lorsque vous goûtez le pain et « la coupe de vie, vous mangez et vous buvez le corps et le sang « du Seigneur. Alors le Seigneur entre sous votre toit. Vous devez « donc vous humilier, et dire avec le centurion : Seigneur, je ne « suis pas digne que vous entriez dans ma maison (5). »

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enim qui est a terra panis, percipiens invocationem Dei, jam non communis panis est, sed eucharistia ex duabus rebus constans, terrena et cœlesti; sic et corpora nostra percipientia eucharistiam, jam non sunt corruptibilia, spem resurrectionis habentia. Ibidem, no° v. — (1) Liv. iv, contre Marcion, c. XL. (2) Caro corpore et sanguine Christi vescitur, ut et anima de Deo saginetur. De la résurrection de la chair, c. vII. — (3) Liv. de l'Idolâtrie, c. vII. — (4) Non hæreas in sanguine carnis, sed disce potius sanguinem Verbi, et audi ipsum tibi dicentem, quia hic sanguis meus est, qui pro vobis effundetur in remissionem peccatorum. Novit qui mysteriis imbutus est et carnem et sanguinem Verbi Dei. Non ergo immoremur in his quæ et scientibus nota sunt, et ignorantibus patere non possunt. Homél. ix, sur le Lévitique. (5) Nos, qui rerum omnium con. ditori placere studemus, cum precibus et gratiarum pro beneficiis acceptis ac

715. Saint Cyprien, évêque de Carthage, aux approches d'une nouvelle persécution, exhorte les fidèles à se préparer au combat, en songeant qu'ils boivent tous les jours le calice du sang de Jésus-Christ, afin d'être mieux disposés à verser leur sang pour la foi (1). Il blâme ceux qui, après avoir renié Jésus-Christ, s'approchaient du sacrement de l'eucharistie sans avoir fait pénitence. Ils se précipitent, dit-il, sur le corps de Jésus-Christ; c'est une • véritable violence exercée sur son corps et sur son sang; et ils pèchent plus de la bouche et des mains envers Dieu que quand « ils ont nié le Seigneur (2). Quel délit, s'écrie Firmilien dans « sa lettre à saint Cyprien, quel crime dans ceux qui, assez témé«raires pour usurper la communion avant d'avoir exposé leurs péchés et lavé leurs souillures dans le bain de l'Église, touchent le corps et le sang du Seigneur! tandis qu'il est écrit: Quicon« que mangera ce pain ou boira indignement le calice du Sei« gneur, sera coupable du corps et du sang de Jésus-Christ (3).

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716. Saint Denys, évêque d'Alexandrie, mort vers l'an 269, après avoir dit que, par le mystère ineffable de l'eucharistie, le Seigneur se donne lui-même à nous, montre, contre Paul de Samosate, que le sang vivifiant de Notre-Seigneur n'est point corruptible, parce que ce n'est pas le sang d'un homme mortel comme nous, mais le sang très-saint de Jésus, qui est un torrent de délices pour ceux qui ont le bonheur d'y participer (4).

717. Voilà pour les trois premiers siècles. Si nous n'y trouvons pas, surtout pour le premier et le deuxième siècles, un aussi grand nombre de témoignages que dans les siècles suivants, on ne doit pas en être étonné. Cela se conçoit facilement, soit parce que dans le principe il ne pouvait y avoir autant d'écrivains que lorsque

tione oblatos panes edimus, corpus jam per precationem factos sanctum quoddam et sanctificans utentes co cum sano proposito. Liv. vmII, contre Celse. (1) Gravior nunc et ferocior pugna imminet, ad quam fide incorrupta et virtute robusta parare se debent milites Christi, considerantes idcirco se quotidie calicem sanguinis Christi bibere, ut possint et ipsi propter Christum sanguinem fundere. Lettre LVIII. Viventibus communicatio a nobis danda est, ut quos excitamus et hortamur ad prælium, non inermes et nudos relinquamus, sed protectione sanguinis et corporis Christi muniamus. Lettre LVII. —(2) Vis infertur corpori ejus et sanguini : et plus modo in Dominum manibus atque ore delinquunt, quam cum Dominum negaverunt. Liv. DE Lapsis. (3) Quale delictum est vel illorum qui admittuntur, vel eorum qui admittunt, ut non ablutis per Ecclesiæ lavacrum sordibus, nec peccatis expositis, usurpata temere communicatione, contingant corpus et sanguinem Domini? Lettre de Firmilien, qui est la LXXXV parmi celles de saint Cyprien. — (4) Voyez la lettre de saint Denys, dans la collection du P. Labbe, tom. 1, col. 866.

le christianisme a été répandu et généralement admis dans différentes parties du monde; soit parce que ceux qui pouvaient écrire en ont souvent été empêchés par la persécution; soit parce que tous les écrits des anciens auteurs ecclésiastiques ne sont pas parvenus jusqu'à nous; soit enfin parce que les premiers chrétiens ne parlaient des saints mystères qu'avec la plus grande circonspection, étant retenus par la loi du secret, qui, hors le cas de nécessité, ne leur permettait pas d'en parler à ceux qui n'y étaient point initiés. Mais, malgré la réserve qui leur était imposée, ceux qui ont parlé de l'eucharistie en ont assez dit pour nous convaincre que, dans la primitive Église, on croyait au dogme de la présence réelle; il ne se trouve dans leurs écrits aucun passage où l'on ait expliqué les paroles du Seigneur, Ceci est mon corps, dans un sens figuré; aucun endroit où l'on ait prévenu les fidèles qu'en recevant l'eucharistie on ne recevait qu'un symbole, qu'un sigue, qu'une figure du corps et du sang de Jésus-Christ. D'ailleurs, comme nous l'avons prouvé en parlant de la tradition (1), la loi du secret sur les mystères de la religion remonte au temps des apôtres; elle s'observait, spécialement pour ce qui regarde l'eucharistie, dans les premiers siècles. La raison de cette discipline était de ménager la faiblesse des Juifs et des païens, et de re point exposer les dogmes de la religion aux railleries de ceux qui, n'ayant pas la foi, n'étaient point capables de les entendre. Or, nous le demandons, à quoi bon ces ménagements de la part de l'Église, si elle eût pensé comme Zwingle et Calvin, si elle n'eût rien vu de mystérieux dans la consécration, si le pain et le vin eucharistique n'eussent été pour elle que de simples figures du corps et du sang de Jésus-Christ? Un symbole sans la réalité, un simple rit n'aurait pu ni blesser ni éloigner les infidèles du christianisme, puisqu'ils avaient eux-mêmes des symboles et des rites qui faisaient partie de leur culte. Enfin, au rapport de saint Justin, de Tertullien, d'Athénagore et 'de Minutius Félix, les païens accusaient les chrétiens des premiers siècles de tuer un enfant dans leur assemblée, et de le manger après l'avoir enveloppé de farine. Or, cette accusation fait évidemment allusion au dogme de la présence réelle, dont les gentils n'avaient qu'une notion confuse; elle suppose que ce dogme était reçu dans l'Église dès le commencement du christianisme. Et que firent les chrétiens pour se disculper du crime qu'on leur imputait? Ils répétèrent constamment,

(1) Voyez le tom. 1, no 388, etc.

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