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core le plus souvent à expier, et que la satisfaction est nécessaire de droit divin. Outre la tradition divine, il se trouve dans les saintes Écritures un grand nombre d'exemples qui confirment cette vérité. Le Seigneur avait pardonné à David; Nathan le lui avait déclaré en son nom; cependant il fut sévèrement puni de Dieu. Moyse et Aaron, dont la foi avait chancelé dans le désert, rentrèrent en grâce avec Dieu; néanmoins, en punition de leur faute, ils furent exclus de la terre promise. Le genre humain tout entier rend lui-même au dogme catholique le plus éclatant témoignage: les misères et les douleurs de cette vie, la mort même, comme le dit l'Apôtre, sont la solde du péché : Stipendia peccati mors (1). « Et certes, ajoutent les Pères du concile de Trente, la justice de Dieu semble exiger qu'il reçoive différemment en « grâce ceux qui avant le baptème ont péché par ignorance, et « ceux qui, après avoir été une fois délivrés de la servitude du péché et du démon, et avoir reçu le don du Saint-Esprit, n'ont pas craint de violer, de propos délibéré, le temple de Dieu, et de contrister l'Esprit-Saint. Il est convenable même à la clé« mence divine que nos péchés ne nous soient pas ainsi remis sans « aucune satisfaction, de peur que nous ne prenions occasion par « là de les regarder comme des fautes légères, et que, par une in« gratitude injurieuse au Saint-Esprit, nous ne nous laissions aller « à des péchés plus énormes, amassant sur nos têtes des trésors de colère au jour de la vengeance. Car il est certain que les peines satisfactoires nous éloignent du péché; elles retiennent les pénitents comme par un frein; elles les rendent plus circonspects « et plus vigilants à l'avenir, guérissent les restes du péché, et détruisent, par la pratique des vertus contraires, les mauvaises habitudes qu'on a contractées par la pratique du vice (2). »

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932. 3o Il est de foi que l'on peut, en vertu des mérites de Jésus-Christ, satisfaire à la justice divine pour ses péchés quant à la peine temporelle, et par les œuvres que le confesseur nous prescrit, et par celles que nous nous imposons nous-mêmes, et par les afflictions que Dieu nous envoie, si nous les recevons en esprit de pénitence.

933. 4° Il est de foi que le pouvoir des clefs, dont les prêtres sont dépositaires, est non-seulement pour délier, mais encore pour lier, eu égard à la qualité des crimes et à l'état des pénitents. Aussi, loin d'aller contre l'institution de Jésus-Christ en

1) Epitre aux Romains, c. vi, v. 23.

(2) Sess xx, eh vr

imposant des peines à ceux qui se confessent, les confesseurs doivent, suivant les règles de la prudence, et autant que l'EspritSaint le leur suggérera, enjoindre des satisfactions salutaires et convenables à tous ceux qui s'adressent à leur tribunal (1). Et qu'on ne dise point que la satisfaction, soit sacramentelle, soit purem'ent volontaire, que nous offrons à Dieu en expiation de nos péch és, obscurcit le bienfait de la mort de Jésus-Christ, ou diminue le prix de sa passion, de la satisfaction qu'il a offerte lui-même a Dieu son Père pour le salut du monde; car notre satisfaction n'est agréable à Dieu qu'autant qu'elle se fait et s'accomplit par Jésus-Christ. De nous-mêmes nous ne pouvons rien, mais nous pouvons tout en celui qui nous fortifie. Aussi, tout le sujet de notre gloire est en Jésus-Christ, en qui et par qui et avec qui nous vivons, nous méritons et nous satisfaisons; faisant de vrais fruits de pénitence qui tiennent de lui leur force et leur mérite ; qui sont offerts par lui au Père, et agréés du Père par son entremise (2). Il en est de la satisfaction sacramentelle comme du sacrement de baptême, de la pénitence que nous faisons spontanément comme des autres œuvres de piété; ce ne sont que des moyens par lesquels notre divin Sauveur veut bien, selon l'ordre établi de Dieu, nous appliquer, d'une manière ineffable, le prix de sa passion.

934. Cette doctrine n'est point nouvelle: ainsi que nous l'avons vu dans le premier chapitre de ce traité (3), les livres saints établissent la nécessité pour les pécheurs de satisfaire à la justice divine par la pénitence. D'ailleurs, les Pères répètent en mille endroits que nous devons racheter par la pénitence les peines dues à nos péchés. Saint Augustin, s'adressant à Dieu, lui dit : « Vous « n'avez pas même laissé impunis les péchés de ceux à qui vous « pardonnez. Vous pardonnez à celui qui confesse son péché; mais a vous ne lui pardonnez qu'autant qu'il se punit lui-même. Ainsi << la miséricorde et la justice sont satisfaites la miséricorde, parce que l'homme est délivré de son péché; la justice, parce que le « péché est puni (4). » Nous pourrions citer saint Grégoire le

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(1) Concile de Trente, ibidem. Voyez, pour la pratique, la Théologie morale, tom. II, no 450, etc. (2) Concile de Trente, sess. XIV, ch. vII. (3) Voyez, ci-dessus, le n° 842. —(4) Impunita peccata, etiam eorum quibus ignoscis, non reliquisti.... Sic prærogasti misericordiam, ut servares et veritatem. Ignoscis confitenti, sed seipsum punienti: servatur misericordia et veritas. Sur le psaume L.

Grand (1), saint Césaire d'Arles (2), saint Léon (3), saint Jérôme (4), saint Jean Chrysostome (5), saint Ambroise (6), saint Cyprien (7), Origène (8) et Tertullien (9). Ils s'expriment tous dans le même sens que saint Augustin. C'est aussi l'enseignement des papes et des anciens conciles, et la pratique générale et constante des différentes Églises de l'Orient et de l'Occident, comme on peut s'en convaincre par la lecture des canons sur la pénitence, et des pénitentiels de toutes les parties du monde chrétien.

ARTICLE IV.

De l'absolution.

935. L'absolution sacramentelle est une sentence par laquelle le ministre du sacrement de pénitence remet les péchés. Le confesseur ne déclare pas seulement que les péchés sont remis; la sentence qu'il porte est un jugement, un acte d'autorité qui absout le coupable, en opérant de lui-même, ex opere operato, la rémission des péchés. Que la forme soit indicative ou déprécatoire, le prêtre qui la prononce remet les péchés. « Quoique l'ab« solution du prêtre, dit le concile de Trente, soit une dispensa<«<tion du bienfait d'autrui, toutefois ce n'est pas seulement un « simple ministère, ou une simple commission d'annoncer l'Évangile, ou de déclarer que les péchés sont remis, mais un acte judiciaire, par lequel le prêtre, comme juge, prononce la sen«tence (10). » Anatheme donc à celui qui dit « que l'absolution « sacramentelle du prêtre n'est pas un acte judiciaire, mais un simple ministère, consistant à prononcer et à déclarer que les péchés sont remis à celui qui se confesse (11). » En effet, NotreSeigneur n'a pas dit à ses apôtres : « Les péchés seront remis à « ceux à qui vous les déclarerez remis, et ils seront retenus à « ceux à qui vous les déclarerez retenus; mais bien : Les péchés « seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront rete« nus à ceux à qui vous les retiendrez. » Aussi, la forme du sacre

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(1) Liv. Ix, Moral., c. xxvi.

(4) Sur Joël

Luc.

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(2) Sermon 1, sur l'Aumône. —(3) Lettre acı. - (5) Homélie XLII, sur saint Matthien. —(6) Liv. VII, sur saint

(7) Lettre LV.

(8) Homélie ш, sur le liv. des Juges. (9) Liv. de la Pénitence, c. vi. — (10) Session XIV, ch. vi. —(11) Si quis dixerit, absolutionem sacramentalem sacerdotis non esse actum judicialem, sed nudum ministerium pronuntiandi et declarandi remissa esse peccata confitenti....; anathema sit Ibidem, can. IX

ment de pénitence, pour les Latins, consiste dans ces paroles: Je vous absous, etc.; paroles qui expriment parfaitement et le pouvoir du prêtre et l'effet du sacrement.

CHAPITRE III.

Des effets du sacrement de pénitence.

936. Le principal effet du sacrement de pénitence est de réconcilier le pécheur avec Dieu. Il n'est aucun pécheur, eût-il commis tous les crimes dont un homme est capable, qui ne puisse en obtenir l'absolution. Suivant le concile de Trente, le sacrement de pénitence est établi afin que ceux qui se sont souillés de quelque crime comparaissent comme coupables devant le tribunal sacré, et qu'ils puissent être délivrés de leurs péchés, non pas une fois, mais toutes les fois qu'ils s'y présenteront avec des sentiments de contrition (1); ce qui est conforme à ces paroles de JésusChrist: « Tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans « le ciel : Quæcumque solveritis (2).» TOUT, sans distinction entre les fautes légères et les fautes graves. Dieu promet le pardon aux pécheurs qui font pénitence : « Que si l'impie, dit le Seigneur, fait pénitence de tous les péchés qu'il a commis, s'il garde tous a mes préceptes et s'il agit selon l'équité et la justice, il vivra «< certainement, et il ne mourra point. Je ne me souviendrai plus << de toutes les iniquités dont il s'est rendu coupable (3). - Je le

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« jure par moi-même, je ne veux point la mort de l'impie, mais • qu'il se convertisse en quittant sa voie, et qu'il vive (4). » Que l'impie revienne donc au Seigneur, et qu'il espère en celui qui se plaît à manifester sa miséricorde à l'égard des plus grands pé

(1) Nam hos (domesticos fidei), si se postea crimine aliquo contaminaverint, non jam repetito baptismo ablui, cum id in Ecclesia catholica nulla ratione li Beat, sed ante hoc tribunal, tanquam reos, sisti voluit; ut per sacerdotum sententiam non semel, sed quoties ab admissis peccatis ad ipsum pœnitentes confugerint, possent liberari. Sess. xiv, ch. 11. — (2) Saint Matthieu, c. xvm, v. 18. — (3) Si autem impius egerit pœnitentiam ab omnibus peccatis suis, quæ ope. ratus est, et custodierit omnia præcepta mea, et fecerit judicium et justitiam, vita vivet, et non morietur. Omnium iniquitatum ejus, quas operatus est, non recordabor in justitia sua, quam operatus est, vivet. Ézéchiel, c. xvm, v. 21 et 22. —(4) Vivo ego, dicit Dominus Deus : nolo mortem impii, sed ut convertatur impius a via sua, et vivat. Ibidem, c. xxxIII, v. 11.

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cheurs; qu'il mette sa confiance en celui qui est mort pour le salut de tous les hommes, et qui est la victime de propitiation, nonseulement pour nos péchés, mais encore pour les péchés du monde entier (1).

937. Il est vrai que les livres saints paraissent, en certains endroits, favorables à ceux qui ont prétendu que les péchés les plus graves étaient irrémissibles. Mais quand il est dit dans l'Ecriture qu'il n'y a pas de pardon pour tél pécheur, pas de rémission pour tel péché, par exemple, pour le blasphème contre le Saint-Esprit, cela doit s'entendre relativement, et non d'une manière absolue. Il est constant que les auteurs sacrés se servent quelquefois du mot impossible pour exprimer qu'une chose est très-difficile, et qu'ils disent qu'une chose n'arrivera pas quand elle n'arrive que très-' rarement Cette manière de parler n'est point particulière aux Orientaux ; on la retrouve chez tous les peuples. D'ailleurs, c'est ainsi que l'ont entendu les Pères de l'Église et l'Église elle-même, qui prie pour la conversion de tous les pécheurs, et n'inflige des peines aux plus coupables que dans l'intérêt de leur salut éternel : Ut spiritus salvus sit in die Domini, comme le dit saint Paul en parlant de l'incestueux de Corinthe (2).

938. Toutefois, en remettant la coulpe et la peine éternelle du péché mortel, le sacrement de pénitence re remet pas toujours en même temps toute la peine temporelle. De là, comme nous l'avons dit plus haut, la nécessité de repasser ses années dans l'amertume de son âme, de se purifier de plus en plus par les larmes de la pénitence, et de satisfaire entièrement à la justice divine en ce monde ou en l'autre. Ce n'est qu'après avoir offert une pleine satisfaction, que le pécheur aura droit à la récompense que Dieu a promise à ceux qui sont vraiment pénitents.

La rémission des péchés s'opère, dans le sacrement, par la grâce sanctifiante, qui réconcilie le pécheur avec Dieu, ou le purifie de plus en plus, s'il la reçoit après avoir déjà obtenu le pardon de ses péchés.

939. La réconciliation qui se fait avec Dieu par le sacrement de pénitence est ordinairement suivie, dans les personnes pieuses qui reçoivent le sacrement avec dévotion, de la paix et du repos de la conscience, et d'une abondante consolation de l'âme (3).

(1) Ire épître de saint Jean, c. n, v. 2. v. 5. (3) Concile de Trente, sess. xiv,

- (2) Epitre aux Corinthiens, c. v. ch. m.

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