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« le sacrement: In Ecclesia, nuptiarum non solum vinculum, • sed etiam sacramentum commendatur (1). >> Saint Léon le Grand appelle le mariage sacrement, mystère nuptial, sacramentum, nuptiale mysterium (2).

1012. Nous nous arrêtons; il serait trop long de citer les auteurs ecclésiastiques qui ont fleuri dans les siècles suivants. D'ailleurs, cela n'est point nécessaire; les hérétiques du seizième siècle, contre lesquels nous établissons le dogme catholique, conviennent généralement que la croyance de l'Église au sacrement de mariage remonte au moins au temps de saint Augustin. Il suffira de faire remarquer que le concile général de Latran de l'an 1179, le pape Lucius, mort en 1185, et Martin V, au concile de Constance, mettent le mariage au nombre des sacrements de la loi nouvelle.

1013. Enfin, le dogme concernant le sacrement de mariage se prouve par la croyance et la pratique générale et constante de l'Église universelle. Ainsi que nous l'avons vu dans le Traité des sacrements en général, les Latins et les Grecs sans distinction, les hérétiques eux-mêmes de l'Orient, s'accordent sur ce point; tous reconnaissent que le mariage a été élevé à la dignité de sacrement par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Or, il est impossible de rendre raison d'une croyance aussi générale sans la faire remonter à l'enseignement des apôtres (3). Donc il faut admettre que le mariage est un vrai sacrement de la loi évangélique.

CHAPITRE II.

De la matière, de la forme et du ministre du sacrement de mariage.

1014. Il est hors de doute qu'il ne peut y avoir de sacrement de mariage sans contrat; que le contrat est la base et le fondement du sacrement, et que ce contrat doit être légitime ou valide. De l'aveu de tous, le sacrement ne peut s'asseoir sur un contrat nul, car un contrat nul n'est point un contrat. On s'accorde aussi généralement à reconnaître que le contrat est la matière du sacre

(1) Liv. de la foi et des œuvres, c. vn. — (2) Lettre u, alias xcu. —(3) Voyez, ci-dessus, le n° 579, etc.

ment, ou que le sacrement trouve sa matière dans le contrat. Mais quand il s'agit de déterminer sous quel rapport ou comment le contrat est la matière du sacrement, les théologiens ne se trouvent plus d'accord. Les uns, distinguant le contrat du sacrement, regardent le contrat comme matière, et la bénédiction du prêtre comme forme sacramentelle; les autres, en beaucoup plus grand nombre, ne voyant dans la bénédiction nuptiale qu'une cérémonie nécessaire de nécessité de précepte et non de sacrement, pensent que le contrat ou l'acte renferme tout à la fois la matière et la forme du sacrement, sans cependant expliquer la chose de la même manière. Ceux-ci font reposer la matière dans la tradition du pouvoir que les deux parties se donnent mutuellement l'une envers l'autre; et la forme, dans l'acceptation qu'elles font réciproquement de ce pouvoir. Ceux-là font consister la matière et la forme dans les paroles ou les signes par lesquels les deux contractants expriment leur consentement au mariage. Ces paroles, en tant qu'elles expriment la tradition du pouvoir que les parties se donnent mutuellement, constituent la matière; et en tant qu'elles en expriment l'acceptation, elles constituent la forme sacramentelle.

1015. Quant au ministre du sacrement, il est certain que la présence du curé des parties contractantes, ou d'un autre prêtre, délégué par le curé ou par l'évêque, est nécessaire à la validité du mariage partout où le décret du concile de Trente, concernant les mariages clandestins, est en vigueur. Il est également incontestable que le mariage des fidèles a été de tout temps béni par l'Église ; mais cette bénédiction, appelée bénédiction nuptiale, est-elle nécessaire de nécessité de sacrement? Le ministère du prêtre est-il indispensable pour conférer aux époux la grâce sacramentelle ? Plusieurs théologiens, d'après Melchior Cano, pensent que le prétre est ministre du sacrement de mariage; les autres, dont le sentiment est plus commun, ne reconnaissent pas dans le mariage d'autre rit sacramentel que l'acte extérieur et sensible par lequel les parties contractantes se prennent pour époux, en se conformant aux lois de l'Église sur les empêchements dirimants. Suivant ce sentiment, Notre-Seigneur a établi le sacrement de mariage en élevant simplement à cette dignité l'union légitime de l'homme et de la femme, ou en attachant à cette union une grâce particulière qu'elle n'avait pas auparavant, la grâce qui sanctifie l'amour naturel des époux et les époux eux-mêmes Aussi est-il remarquable que le pape Eugène IV et le concile de Trente, en parlant du mariage des chrétiens, identifient réellement le sacrement avec le con

trat; qu'ils ne nous laissent pas voir d'autre élément ni d'autre ministre pour le sacrement que le contrat et les parties contractantes (1).

1016. Toutefois, il en est de cette question comme de celles qui concernent la matière et la forme de ce sacrement: l'Église l'abandonne aux discussions de l'école, et ne se prononce point. Ce silence ne peut être un sujet d'inquiétude pour les fidèles, ni un triomphe pour les ennemis du dogme catholique; car, dans chaque mariage contracté selon les formalités prescrites par l'Église, on trouve tout ce qui constitue le sacrement, c'est-à-dire une matière, une forme et un ministre qui applique l'une et l'autre, quoique nous ne puissions définir en quoi précisément consistent ces trois choses. Il suffit de savoir et chacun sait qu'il y a certainement sacrement, toutes les fois que deux personnes habiles à contracter mariage se prennent et s'acceptent mutuellement pour époux, et qu'un prêtre leur donne la bénédiction nuptiale.

CHAPITRE III.

Du sujet du sacrement de mariage.

ARTICLE I.

Des conditions requises pour le sacrement de mariage.

1017. Il n'y a pas de sacrement dans le mariage sans contrat; le contrat est la base et le fondement du sacrement. Il faut donc de toute nécessité, pour le sacrement de mariage, que les parties soient habiles à se marier, et que le contrat ou l'acte par lequel elles se marient réunisse toutes les conditions requises à la validité des contrats en général. Il est indispensable par conséquent que les parties contractantes consentent au mariage, car il n'y a pas de contrat sans consentement. Et ce consentement doit être intérieur, réel et non fictif, extérieur ou manifesté, réciproque, et donné librement de part et d'autre (2).

1018. Mais le contrat, même légitime, ne suffit pas : le bap

(1) Voyez la Théologie morale à l'usage des curés, tome 11, no 749, etc. (2) Voyez ce que nous avons dit dans la Théologie morale, tom. 1, no 746, etc.

tême étant comme la porte des autres sacrements, il n'y a que ceux qui sont baptisés qui peuvent recevoir le sacrement de mariage. Le mariage des Juifs et des païens peut bien être valide comme contrat, mais il ne peut l'être comme sacrement. Il n'est pas même probable que le fidèle qui se marie avec une infidèle, en vertu d'une dispense du souverain pontife, reçoive le sacrement; car ce n'est ni l'union du mari ni l'union de la femme, mais bien l'union de l'homme et de la femme, qui est le signe de l'union de JésusChrist et de son Église, et qui a été élevée à la dignité de sacrement. Si, lorsque les infidèles embrassent la foi, on ne leur fait point renouveler leur mariage, si on ne le bénit point, c'est parce que, suivant les uns, ce mariage devient sacrement par suite du baptême qu'ils reçoivent; ou que, selon d'autres, il n'est plus matière apte au sacrement; ou enfin, parce que la bénédiction nuptiale qu'on donnerait alors pourrait faire croire aux fidèles qu'on regarde leurs mariages comme nuls; ce qui les éloignerait de la vraie religion.

1019. Mais les hérétiques et les schismatiques, qui observent pour le mariage les règles de l'Église, contractent validement; ils reçoivent même le sacrement, de l'aveu de tous, s'ils reçoivent la bénédiction nuptiale. Ceux même d'entre eux qui ne reconnaissent pas le sacrement de mariage le reçoivent probablement, sans recevoir la bénédiction du prêtre; en se mariant, ils ont l'intention au moins implicite de le faire chrétiennement. Nous disons probablement, car il est probable que tout mariage contracté validement parmi les chrétiens est tout à la fois contrat et sacrement. Quoi qu'il en soit, l'Église n'exige point que les hérétiques ou schismatiques qui, après avoir validement contracté mariage, retournent à l'unité, se présentent devant un prêtre pour renouveler leur consentement, et recevoir la bénédiction nuptiale.

1020. Le vrai chrétien n'entre dans l'état du mariage que pour accomplir les desseins de Dieu sur lui, ne se proposant point d'autres motifs que ceux qui doivent déterminer l'union de l'homme et de la femme. « Le premier de ces motifs, dit le catéchisme du con

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cile de Trente, c'est l'instinct naturel qui porte les deux sexes à s'unir, dans l'espérance de se secourir et de s'aider mutuellement, * afin de supporter plus aisément les incommodités de la vie, infirmités et les peines de la vieillesse. Le second motif est d'avoir « des enfants, moins pour laisser des héritiers de ses biens et de ses • richesses, que pour donner à Dieu des serviteurs fidèles. Telle était

⚫ l'intention des saints patriarches de l'ancienne loi lorsqu'ils

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naient des épouses. Et c'est pourquoi l'ange Raphaël, apprenant ⚫ à Tobie le moyen de repousser les attaques du démon, lui disait: « Je vous montrerai qui sont ceux sur qui le démon a de la puis« sance; ce sont ceux qui entrent dans le mariage pour satisfaire leurs passions sans raison, éloignant Dieu de leur pensée et de • leur cœur : le démon est tout-puissant sur eux. Puis l'ange ajoute: Vous prendrez donc Sara avec la crainte du Seigneur, dans le désir d'avoir des enfants, et non de satisfaire vos pas*sions, afin que vous obteniez dans vos enfants la bénédiction « promise à la race d'Abraham (1). Et c'est là la fin véritable pour laquelle Dieu a institué le mariage dès le commencement. Aussi ceux-là commettent-ils un grand crime, qui empêchent, par quelque moyen que ce soit, la conception ou la naissance des enfants; « c'est une conspiration d'homicide contre nature: Hæc enim homicidarum impia conspiratio existimanda est. Le troisième motif « n'a lieu que depuis que le premier homme a perdu, par le péché, l'innocence dans laquelle il avait été créé, et que la concupiscence a commencé à se révolter contre la droite raison. Dès ⚫lors celui qui sent sa faiblesse, et qui ne veut point combattre les ⚫ révoltes de la chair, peut user du mariage comme d'un remède " contre la concupiscence. C'est ce qui a fait dire à saint Paul: Que « chaque mari vive avec sa femme et que chaque femme vive avec a son mari, afin d'éviter la fornication. Puis, après avoir dit qu'il • est bon de s'abstenir quelquefois de l'usage du mariage pour « vaquer à la prière, il ajoute que les époux doivent ensuite vivre « ensemble comme auparavant, de peur que le démon ne les tente « à cause de leur incontinence (2). »

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1021. « Tels sont les motifs qui doivent, l'un ou l'autre, déterminer et diriger celui qui veut contracter mariage d'une ma«nière sainte et pieuse, comme il convient aux enfants des saints. Que si quelques-uns étaient portés encore par d'autres causes à « se marier, et que dans le choix d'une épouse ils eussent pricci. palement en vue les richesses, la beauté, l'éclat de la naissance, ⚫ la ressemblance du caractère, ou l'espérance de laisser des héritiers, ils ne seraient point pour cela blåmables, puisque de telles ⚫ fins ne sont point contraires à la sainteté du mariage. Ainsi, ⚫ nous ne voyons pas dans l'Écriture que Jacob ait été coupable • pour avoir préféré Rachel à Lia, à cause de sa beauté (3). •

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(1) Liv. de Tobie, c. vi, v. 16. –

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(2) Ire lettre aux Corinthiens, c. VII, v. 2

el 5. (3) Catéchisme du concile de Trente, sur le sacrement de mariage.

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