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petit la Violete, que vous fçavez prefenter à boire

à propos.

Pendant qu'un laquais donne à boire à Sganarelle,

l'autre laquais ofte encore fon affiette.

D. JUAN.

Qui peut fraper de cette forte?

SGANARELLE.

Qui diable nous vient troubler dans noftre repas?

D. JUAN.

Je veux fouper en repos au moins, & qu'on ne laiffe entrer perfonne.

SGANARELLE.

Laiffez-moy faire, je m'y en vais moy-mefme.

Ꭰ . JUAN.

Qu'eft-ce donc ? qu'y a-t-il ?

SGANARELLE baiffant la tefte comme a fait la Statuë. Le.. qui eft là !

D. JUAN.

Allons voir, & montrons que rien ne me fçauroit ébranler.

SGANARELLE.

Ah, pauvre Sganarelle, où te cacheras-tu ?

SCENE VIII.

D. JUAN, LA STATUE du Commandeur qui vient Je mettre à table, SGANARELLE, SUITE.

D. JUAN.

Une chaife & un couvert, vifte donc. A Sganarelle. Allons, mets-toy à table.

111.

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SGANARELLE.

Monfieur, je n'ay plus faim.

D. JUAN.

Mets-toy là te dis-je. A boire. A la fanté du Commandeur, je te la porte, Sganarelle. Qu'on luy donne du vin.

SGANARELLE.

Monfieur, je n'ay pas foif.

D. JUAN.

Bois & chante ta chanfon pour regaler le Commandeur.

SGANARELLE.

Je fuis enrumé, Monfieur.

D. JUAN.

Il n'importe, allons. Vous autres, venez, accompagnez fa voix.

LA STATUE.

D. Juan, c'eft affez, je vous invite à venir demain fouper avec moy, en aurez-vous le courage?

D. JUAN.

Oüy, j'iray accompagné du feul Sganarelle.

SGANARELLE.

Je vous rends grace, il est demain jeufne pour moy.

D. JUAN à Sganarelle.

Prends ce flambeau..

LA STATUE.

On n'a pas befoin de lumiere, quand on eft con

duit par le Ciel.

Fin du quatrième A&e.

ACTE V.

SCENE PREMIERE.

D. LOUIS, D. JUAN, SGANARELLE.

D. LOUIS.

Quoy, mon fils, feroit-il poffible que la bonté du Ciel euft exaucé mes vœux? Ce que vous me dites eft-il bien vray? ne m'abusez-vous point d'un faux efpoir, & puis-je prendre quelque affurance fur la nouveauté furprenante d'une telle conversion?

D. JUAN faifant l'hipocrite.

Oüy, vous me voyez revenu de toutes mes erreurs, je ne fuis plus le mefme d'hier au foir, & le Ciel tout d'un coup a fait en moy un changement qui va furprendre tout le monde. Il a touché mon ame, & deffillé mes yeux, & je regarde avec horreur le long aveuglement où j'ay efté, & les defordres criminels de la vie que j'ay menée. J'en repaffe dans mon efprit toutes les abominations, & m'estonne comme le Ciel les a pû souffrir fi long-temps, & n'a pas vingt fois fur ma teste laiffé tomber les coups de fa Juftice redoutable. Je voy les graces que fa bonté m'a faites en ne me puniffant point de mes crimes, & je pretends en

profiter comme je doy, faire éclater aux yeux du monde un foudain changement de vie, reparer par là le fcandale de mes actions paffées, & m'efforcer d'en obtenir du Ciel une pleine remiffion. C'est à quoy je vais travailler, & je vous prie, Monfieur, de vouloir bien contribuer à ce deffein, & de m'aider vous mefme à faire choix d'une perfonne qui me ferve de guide, & fous la conduite de qui je puiffe marcher feurement dans le chemin où je m'en vais entrer.

D. LOUIS.

Ah, mon fils, que la tendreffe d'un pere eft aifément rappellée, & que les offences d'un fils s'évanouiffent vifte au moindre mot de repentir! Je ne me souviens plus déja de tous les déplaifirs que vous m'avez donnez, & tout eft effacé par les paroles que vous venez de me faire entendre. Je ne me fens pas, je l'avoüe, je jette des larmes de joye, tous mes vœux font fatisfaits, & je n'ay plus rien deformais à demander au Ciel. Embraffez-moy, mon fils, & perfiftez, je vous conjure, dans cette loüable pensée. Pour moy, j'en vais tout de ce pas porter l'heureuse nouvelle à voftre mere, partager avec elle les doux transports du raviffement où je fuis, & rendre grace au Ciel des faintes refolutions qu'il a daigné vous inspirer.

SCENE II.

D. JUAN, SGANARELLE.

SGANARELLE.

Ah, Monfieur, que j'ay de joye de vous voir converty! il y a long-temps que j'attendois cela, & voila, grace au Ciel, tous mes fouhaits accomplis.

Ꭰ. JUAN.

La pefte, le benest.

SGANARELLE.

Comment, le benest?

D. JUAN.

Quoy? tu prends pour de bon argent ce que je viens de dire, & tu crois que ma bouche eftoit d'accord avec mon cœur ?

SGANARELLE.

Quoy, ce n'eft pas... vous ne... voftre... Oh quel homme! quel homme! quel homme!

D. JUAN.

Non, non, je ne fuis point changé, & mes fentimens font toûjours les mefmes.

SGANARELLE.

Vous ne vous rendez pas à la furprenante merveille de cette Statuë mouvante & parlante?

D. JUAN.

Il y a bien quelque chofe là-dedans que je ne comprends pas, mais quoy que ce puiffe eftre, cela

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