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» querent enfuite le Royaume au dedans » & aur dehors, & il ne s'en fallut pref» que rien qu'ils ne s'en rendiffent tout» a-fait les maîtres; mais ayant été vi» goureufement repouffés, ils fe retire»rent vers les Royaumes d'occident. Ils » ont encore des vues fur le Japon, & » ils ne défefperent pas d'en faire la con» quête. Rien, ce me femble, ne les » autorise à bâtir des églifes dans toutes » les provinces de l'Empire; ils répan»dent de grandes fommes d'argent; ils » raffemblent à certains jours une infi»nité de gens de la lie du peuple pour » faire leurs cérémonies; ils examinent » nos loix & nos coutumes; ils dreffent » des cartes de nos montagnes & de » nos fleuves; ils s'efforcent de gagner » le peuple : je ne vois pas quel eft leur » deffein, ce n'eft pas à moi de le pé» nétrer; je fçai pourtant que cette

Religion a été apportée d'Europe à » Manille, que Manille a été fubjuguée » par les Européens, que les Européens » font naturellement fi barbares, que » fous le prétexte de la Religion, ils ont » fongé à s'emparer du Japon, qu'ils fe » font effectivement emparés de Manille, » qu'ils ont bâti plufieurs églises à Can»ton & ailleurs, qu'ils ont gagné une

» infinité de perfonnes. Ajoutez à cela » qu'ils font de la même Nation que » ceux qui viennent dans ces formida»bles vaiffeaux dont j'ai déjà parlé. Mais »je me repofe entiérement fur la fageffe » des auguftes Tribunaux de l'Empire, » & je m'affure qu'ils ne permettront » pas à ces viles plantes de croître & » de fe fortifier. Le péril eft grand; les plus petits ruiffeaux deviennent de grands fleuves; fi l'on n'arrache les » branches des arbres quand elles font » encore tendres, on ne peut les couper » dans la fuite qu'avec la coignée. Si » la fageffe avec laquelle notre grand » Empereur gouvernepaifiblement l'Em»pire ne devoit pas s'étendre à une » centaine de fiecles, je n'aurois jamais » eu la hardieffe d'expofer toutes ces » choses dans ma requête.

» Pour ce qui eft des fortereffes qui » défendent les côtes maritimes, c'est » à nous de les tenir en bon état. Je finis » en fuppliant très-humblement Votre » Majefté d'examiner les motifs de cette » requête, de déclarer fur cela fes in»tentions, & de les faire connoître dans >> fes provinces ».

Telle étoit la requête du Mandarin Tchin-mao. L'Empereur l'ayant examinée

la renvoya aux Tribunaux pour lui en faire le rapport. Nous en eûmes connoiffance dès les premiers jours d'avril : mais nous repofant d'un côté fur les bontés dont l'Empereur nous honore, & de l'autre fur les fauffetés manifeftes de cette accufation, qui ne pouvoient être ignorées de l'Empereur, nous ne crûmes pas en devoir faire beaucoup de cas. Cependant nous apprîmes que le feizieme du même mois d'avril il s'étoit tenu à ce fujet par ordre de l'Empereur une af femblée générale des chefs de tous les Tribunaux, où notre fainte religion. avoit été abfolument condamnée, les Miffionnaires chaffés, &c. Voici quelle étoit la fentence qu'ils porterent.

<< Au regard de la Religion chrétienne » on a trouvé dans les archives des » Tribunaux, que l'année huit de Cam»hi, l'Empereur avoit porté l'Edit fui

» vant »:

La Religion chrétienne s'étend de plus en plus dans les provinces, quoiqu'on n'en ait permis l'exercice qu'à Ferdinand Verbieft & à fes compagnons. Peut-être bâtit-on des églifes dans la province de Petcheli & dans les autres provinces, peut-être y en at-il qui embraffent cette loi. C'eft pourquoi il eft à propos de la défendre févérement,

Que cet édit foit exactement obfervé. Cet Edit fe conferve avec refpect dans les archives des Tribunaux.

« Il y a fort long-temps qu'on a dé» fendu dans toutes les provinces de » bâtir des églifes & d'embraffer la lor » chrétienne. On trouvera fans doute » des gens de la lie du peuple qui ne » font pas le cas qu'ils doivent de cette » défense. Le Mandarin Tchin-mao fou» tient dans fa requête qu'on bâtit des

églifes dans toutes les provinces, que » plusieurs perfonnes de la populace em» braffent cette religion, & qu'on ne >> doit pas permettre à ces viles plantes » de croître & de fe fortifier. Nous, » vu ce qui eft contenu dans ladite

requête, déclarons qu'on accordera » le pardon dans toutes les provinces » de l'Empire à ceux qui depuis la pu»blication de cette défenfe ont embraffé » la loi chrétienne, pourvu qu'ils fe » repentent de leur faute, & qu'ils con» tribuent à détruire entiérement les » églifes, enforte qu'il n'en refte plus nul » veftige: que ceux qui voudront per» févérer dans cette religion feront trai»tés avec la même rigueur que les » rebelles que fi les Mandarins négli gent d'en faire la recherche, ils feront

:

» punis de la même maniere que les » Mandarins peu foigneux à découvrir » les rebelles. Pour ce qui eft des Mif»fionnaires Européens, que les Mandarins d'armes & de lettres en faffent » d'exactes perquifitions, & qu'ils les » découvrent auffi-tôt aux premiers » Mandarins. Que les Mandarins Thong

tou, Fou-yven, Titou, Tfong-ping les » renvoyent à Macao, & qu'après avoir » abattu toutes leurs églifes, ils leur » ordonnent de retourner chacun dans

» leur pays. Cette fentence ne fera en

voyée dans les provinces pour y être » exécutée, qu'après qu'elle aura été »lue & approuvée de l'Empereur ».

Vous pouvez juger des fentimens de nos cœurs à cette nouvelle, par l'effet qu'elle ne manquera pas de produire fur le vôtre. Nous fongeâmes auffi-tôt à préfenter un placet à l'Empereur pour notre juftification. La difficulté étoit de le faire paffer à Sa Majesté. Nous nous adreffâmes pour cela à tous nos amis, Eunu ques & autres, qui pouvoient nous rendre ce fervice. Perfonne n'ofa s'en charger. Dans cette extrémité le Pere Parennin demanda confeil au premier Miniftre, qui eft de fes amis, & au neuvieme fils de l'Empereur, qui eft

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