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qu'il y avoit à craindre, & il en a fait auffi-tôt fon rapport à l'Empereur; mais qu'y a-t-il de plus aifé que de fçavoir fi ce qu'il a vu, & ce qu'il a rapporté eft vrai ou faux? Les vaiffeaux d'Europe viennent tous les ans à Quang-toung, à Fo-kien, & à Tfe-kiang, il eft libre de compter ce qu'ils portent d'hommes & le nombre qu'ils ont de pieces de canon. En trouvera-t-on un pareil nombre dans aucun de ces vaiffeaux? Tchin-mao prétend qu'il y a dans chaque vaiffeau plus de cent pieces de canon; & tous ceux qui font à Quang-toung & à Fo-kien fçavent que rien n'eft plus faux. Or fi notre accufateur dans une affaire fi connue, a bien ofé tromper la redoutable majefté de l'Empereur, avec combien plus d'audace l'aura-t-il trompé, lorfqu'il lui a parlé du Japon, de Manille, des Indes, & de l'Europe?

Pour reprendre donc en peu de mots ce qui a été dit jufqu'ici, notre accufateur ne dit rien de vraisemblable dans fa requête, ni qui mérite la moindre créance, Il parle avec une hardieffe furprenante des peuples qui font au-delà des mers, de l'état & des affaires de divers royaumes, & ce qu'il en dit est plein de menfonges & de contradictions

il ne connoît ni Manille, ni le Japon, ni les Indes, ni l'Europe, ni les peuples qu'il appelle Hong-mao; il ne fçait pas même ce que c'eft que Macao, & il n'a nulle connoiffance des vaiffeaux d'Europe. C'est une honte pour un grand Mandarin de Kie-ke d'ignorer toutes ces chofes mais les ignorant, comme il fait, c'eft un crime puniffable d'ofer en parler à l'Empereur dans une requête.

Tchin-mao dit: cette religion des Européens eft venue d'Europe, & s'eft étendue peu à peu jufqu'à Manille, &c. Réponse. Voici une belle parole de Confucius; c'est être fçavant que de dire que vous fçavez ce que vous fçavez effectivement, & d'avouer que vous ignorez ce que vous ne fçavez pas. Tchin-mao fait le contraire. La fainte religion de Dieu eft la loi générale de tout l'univers. Comment a-t-il donc le front de dire qu'elle n'eft venue que d'Europe, & que peu à peu elle s'eft étendue jufqu'à Manille. L'orient & l'occident, le feptentrion & le midi; les empires où les fciences & les loix fleuriffent, comme les pays incultes & barbaręs, toutes les Nations, en un mot, ont été dociles aux enfeignemens de la vraie religion; elle a touché les cœurs

des peuples, mais elle n'a pas changé les loix des empires; chaque royaume a fon Roi, & chacun s'y fait un devoir de lui être fidelle: on y honore du culte fuprême le fouverain Seigneur du ciel, on y pratique la vertu, & l'on tâche de fe former un cœur droit. C'eft-là le devoir effentiel de tous les peuples qui font entre les quatre mers. Et Tchin-mao n'a pas honte de dire que cette fainte loi fait femblant de vouloir convertir le cœur des peuples, tandis que par des voies fecrettes elle tâche d'envahir leur royaumes. Peut-on inventer une calomnie plus atroce & plus ridicule?

Tchin-mao dit: du temps de la famille précédente, les Marchands de Manille venoient au Japon pour leur commerce; & pendant plufieurs années ils fe fervirent de cette loi pour attirer à eux les peuples. Enfuite ayant raffemblé une infinité de monde qu'ils avoient gagné, ils attaquerent le Japon au-dedans & audehors; & il s'en fallut peu que cet empire ne fût abfolument détruit; mais enfin ils en furent chaffés, & la haine qui eft depuis ce temps-là entre les deux Nations fubfifte encore aujourd'hui.

Réponse. Ce difcours de notre accufateur eft d'autant plus faux qu'il eft plus

artificieux. On diroit à l'entendre, qu'il ne dit rien que de très-certain, tandis qu'il avance les plus impudens menfonges. On voit bien qu'il ne cherche qu'à empoifonner l'efprit de ceux qui ne font pas fur leurs gardes. Qu'il nous dise en quelle année le Japon a pensé être détruit par les Européens; qu'il nous dife quel jour s'eft donné le combat où les Européens furent mis en fuite. Il y a bien de l'artifice & de la malignité à répandre de femblables difcours pour en impofer au public. Lorfque les Miffionnaires entrerent autrefois dans le Japon, & qu'ils y prêcherent la fainte loi, une grande multitude de peuples & de perfonnes diftinguées par leur naiffance crurent à l'Evangile. Les adorateurs des Idoles en concurent du dépit; ils réfo lurent de perdre les Miffionnaires & d'a néantir la doctrine qu'ils prêchoient; ils inventerent d'affreux fupplices pour tourmenter les Pafteurs & le troupeau, le fer & le feu furent employés pour les forcer à renoncer au vrai Dieu. Les Miffionnaires Européens fouffrirent tous ces tourmens, non-feulement avec conftance, mais encore avec joie. Pendant l'efpace de cinquante ans plufieurs milliers de Docteurs Européens & de Japo

nois Chrétiens fouffrirent le martyre; ils trouvoient de la douceur dans les plus cruels fupplices, & rien ne leur étoit plus agréable que de mourir en témoignage de leur foi. Et Tchin-mao ofe dire qu'ayant raffemblé une multitude de peuples, ils ont attaqué le Japon au dehors & au dedans. Par ceux du dehors i entend les Marchands d'Europe, & par ceux du dedans, il parle des Miffionnaires. On n'a jamais oui dire qu'il y ait eu combat entre les Japonois & les Européens. Il eft vrai que les Miffionnaires & les Chrétiens ont été mis à mort par les Japonois; mais il n'eft pas vrai qu'ils aient repouffé la force par la force, ni qu'ils aient pris la fuite.

Tchin-mao dit: ils bâtiffent des églifes dans toutes les Provinces, ils font leurs cérémonies à certains temps marqués; je ne fçai quelles peuvent être leurs vues,

&c.

Réponse. Le Seigneur du ciel eft le principe de tous les êtres, & le Pere commun de tous les peuples; les Saints de tous les fiecles lui ont rendu tous les refpects & toutes les adorations dont ils étoient capables. Les Miffionnaires Européens tâchent de le fervir avec un amour & une piété vraiment filiale; ils

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