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core les avis de perfonnes d'un rang beaucoup inférieur. Si fa fageffe n'étoit » pas fort fupérieure à celle de Yao & » de Xun (1), jouirions nous d'une paix » fi profonde ? Qui feroit affez hardi » pour entretenir l'Empereur de ce qui » fe paffe dans les Royaumes étrangers, » s'il ne s'en eft pas inftruit par lui» même ? Pour moi, dès ma plus tendre » jeuneffe, j'ai été engagé dans le com» merce, & j'ai traversé plusieurs mers; » j'ai voyagé au Japon, au Royaume » de Siam, à la Cochinchine, au Ton» king, à Batavie, à Manille, &c. Je » connois les moeurs de ces peuples, » leurs coutumes, & la politique de » leur gouvernement, & c'eft ce qui » me donne la hardieffe d'en parler à » mon grand Empereur.

» Vers l'orient de la Chine, il n'y a » de Royaume confidérable que le Ja

pon; les autres font fort peu de chofe, » & le feul Royaume de Liou kieou mé» rite quelque attention. Tous les fleu

ves de ces Royaumes ont leur cours » vers l'orient; & à dire vrai, on ne

(1) Deux anciens Empereurs de la Chine, regardés des Chinois comme des modeles que doivent imiter les Princes qui veulent gouverner fagement.

» trouve nul autre Royaume jufqu'à la »province de Fou-kien, de laquelle » dépend l'ifle de Formofe.

» A l'occident font les Royaumes de » Siam, de la Cochinchine & du Ton»king, qui confine avec Kium-tcheou» fou qui eft à l'extrémité de notre >> Empire.

>> On découvre au midi plufieurs » Royaumes de barbares, tels que font » Johor, Malaca, Achem, &c. Bien que »ces Royaumes ne foient pas d'une » grande étendue, ils ont cependant > leurs loix particulieres auxquelles ils fe conforment. Mais ils n'oferoient » jamais porter leurs vues ambitieufes fur les terres des autres Princes. Ainfi l'édit de Votre Majefté, que je viens » de rapporter, ne regarde que les ports » de Batavie & de Manille qui appar

tiennent aux Européens. Ils y vinrent » d'abord fimplement pour commercer, » & enfuite, fous prétexte du com»merce, ils fubjuguerent tout le pays.

» Moi votre sujet, lorfque je confidere » tous les Royaumes barbares qui font » au-delà des mers, il me femble que → le Royaume du Japon furpaffe tous les » autres Royaumes en force & en puif» fance. Sous la dynastie des Ming, il

» s'éleva une grande révolte, excitée » par quelques fcélérats de notre Em» pire; cependant les peuples du Japon » ont toujours fait paifiblement leur » commerce avec nous. Le Royaume » de Lieou-kieou tient de nous les loix, » felon lefquelles il fe gouverne depuis

plufieurs fiecles; Pifle de Formofe » nous eft foumife: les Royaumes de » Siam, du Tonking & les autres, nous » payent tous les ans un tribut, & ils » n'ont nulle mauvaife intention. On » n'a donc à craindre que des Européens, les plus méchans & les plus » intraitables de tous les hommes.

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» Hong-mao eft un nom commun à "tous les barbares qui habitent les terres » fituées entre le feptentrion & l'orient, » fçavoir Ya-koueli (1), Yutfe Laholanfi, » & Holan (2). Ces Royaumes font ou » d'Europe ou des Indes; mais bien » qu'ils foient différens les uns des au» tres, les peuples en font également » barbares. Les Laholanfi le font encore

(1) Noms qui nous font inconnus, peut-être au lieu de Yakoueli, a-t-il voulu mettre Ynkeli, nom que les Chinois donnent aux Anglois.

(2) Laholanfi & Holan font deux noms qu'on donne indifféremment aux Hollandois. L'accufateur en fait deux Royaumes.

» davantage; femblables à des tygres & » à des loups féroces, ils jettent la conf»ternation & l'effroi dans tous les vaif» seaux, foit des Marchands, foit des » barbares, & il n'y en a aucun qui » puiffe tenir contre leurs efforts. S'ils » abordent à quelque terre, ils exami» nent d'abord par quel moyen ils pour»ront s'en rendre les maîtres: les vaif»feaux qu'ils montent font à l'épreuve » des vents les plus furieux & des plus » fortes tempêtes; chacun de ces vaif

feaux eft au moins de cent groffes pie» ces de canon; rien ne peut leur réfif»ter. Nous l'éprouvâmes l'année der» niere dans le port d'Emoui (1) ; quelle » frayeur ne caufa pas l'entreprise d'un

feul de ces vaiffeaux ? & que ne doit» on pas appréhender de plus de dix de » ces mêmes vaiffeaux qui ont abordé » cette année à Canton? Ce font les » mêmes gens qui demeurent à Macao, »ils tirent leur origine du même pays, » ils parlent la même langue, leurs » coutumes font les mêmes; de plus,

(1) Il y a environ deux ans qu'un marchand Chinois, après avoir reçu l'argent d'un Anglois, refufa de lui donner fa marchandise. Celui-ci se fit juftice lui-même, en s'emparant d'une barque qui appartenoit au marchand Chinois.

» ils ont ensemble les plus étroites liai» fons. Il ne fera plus temps de remédier » au mal, fi on ne l'arrête dans fa four»ce. C'est pourquoi j'efpére que Votre » Majefté donnera ordre aux principaux » Mandarins des Provinces de prendre » les mesures propres à le prévenir; » comme par exemple, d'obliger tous » les Capitaines de ces vaiffeaux d'en » tirer tout le canon, & de n'entrer » dans le port que défarmés; ou bien » de les tenir renfermés dans une forte»reffe tout le temps qu'ils feront à faire » leur commerce; ou du moins de ne » leur pas permettre de venir un fi grand » nombre à-la-fois, mais les uns après » les autres, jufqu'à ce qu'ils fe foient » entiérement défaits de leurs manieres » féroces & barbares. Ce fera le moyen » de nous maintenir dans cette paix » dont nous jouiffons.

» Il y a un autre article qui concerne » la Religion Chrétienne. Cette Religion » a été apportée d'Europe à Manille. » Sous la dynastie précédente des Ming, » ceux de Manille faifoient leur com» merce avec les Japonois: les Européens fe fervirent de leurReligion pour changer le cœur des Japonois, ils en > gagnerent un grand nombre, ils atta

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