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СНАР 1 T RE I X.
Maniere de penfer d'Ariftote.

'EMBARRAS d'Ariftote paroît visiblement quand il traite de la monarchie (1). Il en établit cinq efpeces: il ne les diftingue pas par la forme de la conftitution, mais par des chofes d'accident, comme les vertus ou les vices du prince; ou par des chofes étrangeres, comme l'ufurpation de la tyrannie ou la fucceffion à la tyrannie.

Ariftote met au rang des monarchies, & l'empire des Perfes & le royaume de Lacédémone⚫ Mais qui ne voit que l'un étoit un état defpotique, & l'autre une république ?

Les anciens qui ne connoiffoient pas la distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d'un feul, ne pouvoient fe faire une idée jufte de la monarchie.

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Maniere de penser des autres politiques.

POUR tempérer le gouvernement d'un feul,

Arribas (2), roi d'Epire, n'imagina qu'une république. Les Moloffes, ne fachant comment borner le même pouvoir, firent deux rois ) 3 ) : par-là on affoibliffoit l'état plus que le commandement, on vouloit des rivaux, & on avoit des ennemis.

(1) Politiq. Liv. III. Chap. XIV.

(2) Voyez Juftin, Liv. XVII.

(3) Ariftote, Politiq. Liv. V. Chap. IX.

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Deux rois n'étoient tolérables qu'à Lacédémone; ils n'y formoient pas la conflitution, mais ils étoient une partie de la conftitution.

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Des rois des temps héroïques chez les Grecs.

Grecs, dans les temps héroïques, il

Cs'établit une efpece de monarchie qui ne fub

fifta pas (4). Ceux qui avoient inventé des arts, fait la guerre pour le peuple, affemblé des hommes difperfés, ou qui leur avoient donné des terres, obtenoient le royaume pour eux, & le tranfmettoient à leurs enfans. Ils étoient rois, prêtres & juges. C'eft une des cinq efpeces de monarchies dont nous parle Ariftote (5); & c'est la feule qui puiffe réveiller l'idée de la conftitution monarchique. Mais le plan de cette constitution eft oppofé à celui de nos monarchies d'aujourd'hui.

Les trois pouvoirs y étoient distribués de maniere que le peuple y avoit la puiffance législative (6), & le roi, la puiffance exécutrice avec la puiffance de juger au lieu que dans les monarchies que nous connoiffons, le prince a la puiffance exécutrice & la légiflative, ou du moins une partie de la légiflative; mais il ne juge pas.

Dans le gouvernement des rois des temps hé

(4) Ariftote, Politique, Liv. III, Chap. XIV. •(5) Ibid.

(6) Voyez ce que dit Plutarque, vie de Théfée. Voyez auffi Thucidide, Liv. I.

roïques, les trois pouvoirs étoient mal distribués. Ces monarchies ne pouvoient fubfifter; car, dès que le peuple avoit la législation, il pouvoit au moindre caprice anéantir la royauté, comme il fit par-tout.

Chez un peuple libre, & qui avoit le pouvoir législatif; chez un peuple renfermé dans une ville, où tout ce qu'il y a d'odieux devient plus odieux encore, le chef-d'œuvre de la législation. eft de favoir bien placer la puiffance de juger. Mais elle ne pouvoit être plus mal que dans les mains de celui qui avoit déja la puiffance exécutrice. Dès. ce moment le monarque devenoit terrible. Mais en même-temps, comme il n'avoit pas la légifla tion, il ne pouvoit pas fe défendre contre la législation, il avoit trop de pouvoir, & il n'en avoit pas affez.

On n'avoit pas encore découvert que la vraie fonction du prince étoit d'établir des juges, & non pas de juger lui-même. La politique contraire rendit le gouvernement d'un feul infupportable. Tous ces rois furent chaffés. Les Grecs n'imaginerent point la vraie diftribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d'un feul; ils ne l'imaginerent que dans le gouvernement de plufieurs, & ils appellerent cette forte de conftitution police (1).

(1) Voyez Ariftote, Politique, Liv. IV. Ch. VIII.

(2) Denys d'Halicarnaffe, Liv. II. pag. 129. & Liv. IV. pag. 242 & 243.

CHAPITRE XI I.

Du gouvernement des rois de Rome, & comment les trois pouvoirs y furent diftribués.

L

E gouvernement des rois de Rome avoit quelque rapport à celui des rois des temps héroïques chez les Grecs. Il tomba comme les autres. par fon vice général; quoiqu'en lui-même, & dans fa nature particuliere, il fût très-bon.

Pour faire connoître ce gouvernement, je diftinguerai celui des cinq premiers rois, celui de Servius Tullius, & celui de Tarquin.

La couronne étoit élective: & fous les cinq premiers rois le fénat eut la plus grande part à l'élection.

Après la mort du Roi, le fénat examinoit fi l'on garderoit la forme du gouvernement qui étoit établie. S'il jugeoit à propos de la garder, il nommoit un magiftrat (2), tiré de fon corps, qui élifoit un roi le fénat devoit approuver l'élection; le peuple, la confirmer; les aufpices, la garantir. Si une de ces trois conditions manquoit, il falloit faire une autre élection.

La conftitution étoit monarchique, ariftocratique & populaire; & telle fut l'harmonie du pouvoir, qu'on ne vit ni jaloufie ni dispute dans les premiers regnes. Le roi commandoit les armées, & avoit l'intendance des facrifices; il avoit la puiffance de juger les affaires civiles (3) & cri

(3) Voyez le difcours de Tanaquil, dans Tite-Live Liv. I. décade I. & le réglement de Servius Tullius dans Denys d'Halicarnaffe, Liv. IV. pag. 229.

minelles (1); il convoquoit le fénat ; il affembloit le peuple; il lui portoit de certaines affaires, & régloit les autres avec le fénat (2).

Le fénat avoit une grande autorité. Les rois prenoient fouvent des fénateurs pour juger avec eux; ils ne portoient point d'affaires au peuple, qu'elles n'euffent été délibérées (3) dans le fénat.

Le peuple avoit le droit d'élire (4) les magiftrats, de confentir aux nouvelles loix; & lorsque le roi le permettoit, celui de déclarer la guerre & de faire la paix. Il n'avoit point la puissance de juger. Quand Tullus Hoftilius renvoya le jugement d'Horace au peuple, il eut des raifons particulieres, que l'on trouve dans Denys d'Halicarnaffe (5).

La constitution changea fous (6) Servius Tullius. Le fénat n'eut point de part à son élection : il fe fit proclamer par le peuple. Il fe dépouilla des jugemens (7) civils, & ne fe réserva que les criminels; il porta directement au peuple toutes les affaires : il le foulagea des taxes, & en mit tout le fardeau sur les patriciens. Ainsi, à mesure qu'il affoiblifsoit la puissance royale & l'autorité du fénat, il augmentoit le pouvoir du peuple (8).

Tarquin ne fe fit élire ni par le fénat ni par le peuple; il regarda Servius Tullius comme un

(1) Voyez Denys d'Halicarnaffe, Liv. II. pag. 118. & Liv. III. pag. 171.

(2) Ce fut par un fenatus-confulte que Tullus Hoftilius envoya détruire Albe. Denys d'Halicarnasse, Liv. III. p. 167 & 172.

(3) Ibid. Liv. IV. pag. 276.

(4) Ibid. Liv. II. Il falloit pourtant qu'il ne nommåt pas à toutes les charges, puifque Valérius Publicola fit a fameufe loi qui défendoit à tout citoyen d'exercer au

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