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LIVRES D'ART

RECUEIL DE TOUTES LES PIÈCES CONNUES JUSQU'A CE JOUR DE LA FAÏENCE FRANÇAISE, DITE Faïence de HenRI II ET DE DIANE DE POITIERS, dessinées par M. Carle Delange. 11 à 12 livraisons de ↳ planches in-folio. Chez l'auteur, quai Voltaire, 5. — Paris, 1861.

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Quarante-huit pièces environ de cette faïence sont connues et disséminées dans les musées et les cabinets de France et d'Angleterre. C'est là que M. Carle Delange est allé les dessiner avec une fidélité scrupuleuse pour les reproduire toutes de grandeur naturelle, deux exceptées, dans le recueil que nous annonçons. Les planches sont des lithographies à deux teintes, noir et rouge, avec applications à l'aquarelle pour le vert, le jaune et le bleu, ce qui donne à ces couleurs une fraîcheur que la chromolithographie ne peut atteindre. Du reste, le tirage n'étant fait qu'à cent cinquante exemplaires seulement, ce mode est le plus économique, en même temps qu'il donne les meilleurs résultats, puisque c'est M. Carle Delange qui retouche lui-même ses planches. De plus, l'impression a été faite sur du papier vergé, fort et résistant, qui donne à la lithographie quelque chose de plus piquant que ne peut faire ce mauvais papier de coton, mou sous les doigts, déplaisant à l'œil, et qui se déchire et se pique. La première livraison contient trois pièces du musée céramique de Sèvres et le magnifique chandelier de M. de Rothschild. Les autres livraisons suivront régulièrement, pendant que M. Carle Delange achèvera de dessiner dans le cabinet de M. Andrew Fontaine, à Londres, les quelques pièces manquant à sa collection, qui s'augmentera de tout ce qu'on pourrait découvrir pendant et après la publication.

Un texte, accompagnant les planches, comprendra tous les renseignements donnés sur cette faïence, par M. André Pottier, qui en a parlé le premier dans l'ouvrage de Willemin, par M. L. Clément de Ris dans la Gazette des Beaux-Arts, et par M. A. Tainturier dans sa Notice sur les faïences du XVIe siècle, dites de Henri II.

Si de nouveaux documents ne sont point apportés aux amateurs, ceux-ci du moins connaitront, par la reproduction exacte des pièces, tout ce qui existe d'un art charmant et original qui montre, réunies à un si haut degré, ces qualités toutes françaises de l'élégance et de la grâce.

HISTOIRE DE LA GRAVURE EN FRANCE, par Georges Duplessis.
Paris, Rapilly, 1861.

L'un des buts les plus difficiles qu'un iconographe puisse se proposer d'atteindre est certainement celui d'écrire l'histoire générale de la gravure, et parmi les obstacles sans nombre qui se présentent à lui, le premier et le plus grand est la forme même à

donner à cet ouvrage. La gravure n'est pas, en effet, un art qui procède entièrement de lui-même, mais un art qu'on pourrait appeler complexe, et qui tient trop à la peinture pour pouvoir en être complétement séparé. Grouper les graveurs autour des peintres qu'ils ont interprétés est loin de résoudre la question; car, si l'on fait intervenir le peintre, il faut prendre garde que celui-ci ne diminue trop la part de gloire afférente au graveur, et surtout craindre qu'une certaine confusion ne sorte d'une semblable méthode. Souvent nous voyons des maîtres extrêmement habiles se complaire à retracer sur le cuivre des compositions appartenant à des écoles rivales et des chefsd'œuvre d'artistes morts depuis longtemps. Il faut donc, on le comprend de reste, à l'historien qui aborde un semblable sujet, une grande puissance de concentration pour saisir les traits caractéristiques d'une époque, et pour négliger les faits simplement accidentels.

M. Georges Duplessis, dans son Histoire de la Gravure en France, n'a pas toujours vaincu toutes les difficultés presque insurmontables que nous avons signalées, mais il a rempli honorablement la tâche qu'il s'était imposée. Son livre, qui va de l'origine de la gravure en France jusqu'aux gravures de Prud'hon inclusivement, est plein d'aperçus heureux, de faits nouveaux. La manière de chaque maître y est discutée avec soin, et l'auteur a fait preuve de goût dans le choix des pièces qu'il a signalées comme caractérisant bien le style de l'artiste. Aussi cet ouvrage sera-t-il lu avec utilité par l'amateur, encore inexpérimenté, qui veut connaître l'ensemble de l'histoire de notre gravure, et consulté avec fruit par l'homme versé en ces matières et pour lequel M. Georges Duplessis a dressé, à la fin de son volume, une table détaillée qui facilite les recherches. Enfin, nous dirons que ce livre, bien qu'il ne répondit point entièrement au cadre tracé par l'Académie des beaux-arts, a été jugé digne d'être couronné. E. G.

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GRAMMAIRE

HISTORIQUE

DES ARTS DU DESSIN

ARCHITECTURE, SCULPTURE, PEINTURE

ORIGINE ET CARACTÈRE DES ARTS DU DESSIN'.

Il y a trois arts principaux du dessin l'architecture, la sculpture, la peinture. Avant de formuler les lois qui régissent chacun de ces trois arts, il importe d'indiquer à grands traits leur origine et leur caractère, en commençant par l'architecture, celui des trois qui est le générateur des deux autres.

L'œuvre d'art par excellence est la Création, dont l'éternel artiste est Dieu. Ainsi, antérieurement à la venue du genre humain sur la terre, l'idéal suprême s'était manifesté et il remplissait l'univers. Le grand architecte avait bâti son temple.

Lorsque l'homme parut à son tour, cette architecture divine fut son premier spectacle et son premier étonnement... Mais elle était sans bornes, et il ne pouvait l'embrasser de ses regards; elle paraissait dans un désordre immense, et son esprit en demeurait accablé; elle était

4. Il est indispensable, pour l'intelligence de ce travail, que le lecteur se reporte aux premiers chapitres de notre ouvrage, publiés dans la Gazette des Beaux-Arts des 1er avril, 4er mai, 45 juin et 45 août 1860, sous les titres: Principes. I. Du Sublime et du Beau. II. De la Nature et de l'Art. III. Grandeur et mission de l'Art. - IV. De l'Imitation et du Style. V. Du Dessin et de la Couleur. — VI. De la Figure humaine. - VII. Des Proportions du corps humain.

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sublime, et il n'apportait en lui que les éléments du beau, l'ordre, la proportion, la symétrie.

Au milieu d'une nature aveugle, souvent hostile, et terrible parce qu'elle était inconnue, l'homme arrivait avec sa volonté libre et son intelligence. La loi même de son développement lui avait créé des obstacles et suscité des ennemis, de sorte qu'en attendant qu'il admirât les grandes scènes de la nature, il était forcé de la combattre et de la vaincre. Qu'il ait commencé à se créer un abri contre l'inclémence de l'air, et qu'il ait inventé dès le principe les grossiers rudiments d'une cabane, cela est certain; mais ces humbles commencements ne sont pas l'origine de l'architecture. Le besoin qui fit fermer l'entrée des cavernes, ou construire des huttes de terre et de feuillage, n'engendra qu'une industrie, et n'a rien à voir avec le plus grand des arts qui font ici l'objet de nos études... Les premières tribus du genre humain sont errantes; elles se dispersent pour la chasse ou se déplacent continuellement pour chercher des pâturages nouveaux. Elles passent donc par l'état de chasseur et par la vie pastorale, avant d'arriver à l'agriculture, qui suppose les hommes fixés, et à l'architecture, qui les suppose réunis.

Après Nemrod, qui fut « un puissant chasseur devant l'Éternel, » dit la Genèse, vint Assur qui bâtit Ninive et les rues de la ville. Mais des villes ont pu exister avant qu'il s'élevât aucun de ces monuments qui attestent l'invention d'une véritable architecture. Tant que les hommes ne sont pas liés entre eux par une croyance commune, ils ne forment pas encore un peuple, car l'intérêt, qui a pu les rassembler hier, demain peut-être les divisera. La société n'est bien constituée que du jour où l'idée de Dieu, énoncée par un prophète ou formulée par la poésie, réunit les hommes dans une sphère supérieure en leur inspirant un même sentiment de terreur ou d'adoration pour l'Etre mystérieux qui les a jetés dans l'histoire. C'est alors seulement que s'élèvent les premiers ouvrages de l'architecture, et ces ouvrages n'ont aucun rapport avec l'habitation de l'homme. Ce sont de purs symboles qui expriment une haute pensée religieuse ou qui serviront à consacrer un grand souvenir. « Venez, bâtissons-nous une ville, se disent les descendants de Noé, et une tour dont le sommet soit jusqu'aux cieux, et acquérons-nous de la renommée, de peur que nous ne soyons dispersés sur toute la terre. » Ainsi, dans la crainte d'un nouveau déluge ou de quelque autre catastrophe, les Noachides élèvent la tour de Babel, soit comme un point de ralliement, soit pour transmettre aux générations futures, avec un témoignage de la puissance humaine, le souvenir du cataclysme où toute l'humanité avait failli

périr. L'architecture est donc symbolique et religieuse au commencement des sociétés. Lorsque le langage est encore dans l'enfance, les peuples s'expriment par des signes plus que par des mots. Ils n'écrivent pas leurs idées, ils les montrent.

Le sentiment du beau, avons-nous dit, est inné dans l'homme; mais il y est à l'état de réminiscence obscure, comme s'il l'eût apporté d'un monde antérieur où il aurait jadis vécu. Ce sentiment dut être réveillé par la contemplation de l'univers, dès que l'homme, déjà plus puissant que la nature, eut assez de loisir pour la contempler. Ainsi naquirent les premiers arts. Une certaine imitation en fut sans doute le principe, mais une imitation éloignée, une pure analogie. L'homme, voulant reproduire à sa manière la Création qui l'étonne, cherche tout d'abord à se former un monde artificiel. Or, tout le spectacle de la Création est renfermé dans l'espace, et il se continue dans le temps. Mais l'homme, ne pouvant embrasser l'espace sans bornes ni le temps sans limites, les définit, les proportionne à lui-même et les mesure. En mesurant l'étendue, il découvre la géométrie; en mesurant la durée, il trouve les nombres, et ces deux inventions de son esprit, dès que le sentiment les anime, deviennent deux grands arts, qui sont l'Architecture et la Musique.

Ces deux arts primaires, universels, pères de tous les autres, naissent en même temps : ils sont jumeaux, et ils sont l'un et l'autre ce que l'esprit est au corps. On a appelé l'architecture la musique de l'étendue: on pourrait considérer la musique comme l'architecture des sons. C'est à la fraternité des deux arts que se rapportent la gracieuse fable d'Amphion bâtissant les murs de Thèbes aux accords de sa lyre, et ce trait de la vie de Pythagore raconté par Nicomaque : Ayant écouté attentivement le bruit cadencé et alternatif de trois marteaux sur une enclume, Pythagore, charmé des sons inégaux de l'airain retentissant, fit peser les marteaux et trouva dans les proportions mêmes du poids les proportions du son, tirant ainsi des lois de la gravité les secrets d'une harmonie musicale.

Au commencement des sociétés, l'architecture est conçue comme une création qui doit entrer en concurrence avec la nature, et en reproduire les aspects les plus imposants, les plus terribles. Le mystère est donc la condition de son éloquence. Aussi n'accuse-t-elle aucun but final, aucune intention précise. Elle symbolise la pensée obscure de tout un peuple, et non la claire volonté de tel individu, de telle classe. Dans la civilisation. compliquée des temps modernes, l'architecture se spécialise, chaque édifice affecte un caractère déterminé, et c'est même un honneur pour l'architecte que d'avoir marqué avec évidence le but de son œuvre...

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