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réclamations, surtout de la part du gouvernement français, en faveur des porteurs de titres de l'emprunt autrichien de 1865, qui a été émis en grande partie en France avec l'autorisation du gouvernement français.

“M. l'Ambassadeur de France m'a adressé à ce sujet, le 18 mars dernier, une Note dans laquelle, s'appuyant sur certaines conditions de l'émission du susdit emprunt, il revendique pour les coupons de cette valeur le droit d'être exemptés de toute charge ou retenue. Cette note a été suivie de plusieurs autres où M. le Duc de Gramont renouvelle ses observations, en me transmettant différentes réclamations individuelles envoyées de France à l'Ambassade.

"Votre Altesse m'a également fait parvenir, de son côté, des protestations relatives au même objet et, en conséquence de ces démarches, le Gouvernement Impérial et Royal n'a pas manqué de vouer la plus sérieuse attention à l'examen de cette question.

"Après la plus mûre délibération, les Ministres de Sa Majesté Impériale et Royale Apostolique ne croient pas pouvoir modifier la nature des mesures financières proposées à l'adoption du Parlement, et ils ne regardent pas comme possible de soumettre à un traitement exceptionnel les titres de l'emprunt de 1865.

"En invitant Votre Altesse de porter ce qui précède à la connaissance du gouvernement français, je résumerai ici les motifs principaux qui ont guidé les déterminations du Gouvernement Impérial et Royal.

"Nul ne doutera, je pense, de la nécessité absolue où se trouve le Gouvernement Impérial et Royal d'aviser à tout prix au moyen de rétablir l'ordre dans les finances du pays. Des efforts constants ont été faits pour atteindre ce but, sans manquer à aucun des engagements contractés

envers les créanciers de l'Etat.

Malheureusement, les

crises que l'Autriche a dû traverser dans ces dernières années et qui étaient pour la plupart le fruit de complications européennes produites en dehors d'elle, à ses dépens, ont placé le Gouvernement Impérial et Royal dans l'impossibilité de supporter en entier le fardeau de la dette dont ses finances sont accablées. Après avoir imposé aux contribuables les plus lourds sacrifices, l'Etat se voit encore obligé de faire peser sur tous ses créanciers, sans distinction d'origine, une partie des charges destinées à rétablir l'équilibre financier. Les mesures à prendre dans ce sens sont, d'ailleurs, exclusivement du ressort de la législation intérieure, et nous ne saurions reconnaître en principe à un Gouvernement étranger le droit d'exercer une ingérence sur des dispositions générales appliquées aux porteurs de titres de rente sur l'Etat. En souscrivant aux emprunts contractés par l'Etat, ou en achetant des titres de ces emprunts, les étrangers savent d'avance qu'ils s'assimilent aux régnicoles, qu'ils s'exposent aux mêmes risques, comme ils recueillent les mêmes bénéfices, et qu'ils n'ont pas à prétendre à un traitement particulier.

"Il ne me paraît donc pas possible, en thèse générale, de réclamer pour les créanciers étrangers une position. privilégiée, et je ne crois pas avoir à entrer sur ce point en discussion avec un autre Cabinet.

Si

"En ce qui concerne l'emprunt autrichien de 1865, j'admets, toutefois, qu'il se trouve placé dans les conditions particulières qui justifient les démarches du gouvernement français et appellent un sérieux examen. le Gouvernement Impérial et Royal ne pense pas qu'une exception puisse être faite en faveur de cette catégorie d'obligations, il puise surtout cette conviction dans le

sentiment de sa situation vis-à-vis des Corps Représentatifs. Depuis que les pays qui forment l'Empire d'Autriche sont entrés en pleine jouissance des institutions constitutionnelles, le Gouvernement de Sa Majesté Impériale et Royale Apostolique est tenu, particulièrement en matière de finances, à se conformer aux vues des Corps Représentatifs, et il ne peut se borner à consulter sa seule volonté, ou ses seuls désirs. Quand même le Gouvernement Impérial et Royal aurait l'intention de complaire en cette circonstance aux voeux de la France, il rencontrerait un obstacle insurmontable dans les dispositions du Reichsrath. Il ne faut pas oublier, en effet, que l'emprunt de 1865, contracté à une époque où le contrôle exercé par la Représentation du pays était suspendu, n'a pas été revêtu de la sanction légale exigée par les lois constitutionelles, et que la validité de cette opération n'est donc pas à l'abri de toute contestation.

"Plus d'une objection a déjà été élevée, par ce motif, contre les charges que cet emprunt fait peser sur l'Etat, et si le Gouvernement voulait affranchir les détenteurs de cette valeur de l'impôt prélevé sur tous les autres créanciers de l'Etat, on risquerait fort de mettre entièrement en question les droits de cette catégorie de créanciers.

"Nous recommandons cette considération à l'attention particulière du gouvernement français. Il a lui-même, ainsi que toute l'opinion publique en France, salué avec joie, comme un symptôme de progrès et de régénération, l'entrée de l'Autriche dans des voies libérales et constitutionelles.

"En acceptant les bénéfices d'un ordre de choses qui doit fortifier dans l'Autriche un allié sympathique à la France, il faut supporter en même temps les suites inévitables d'un

pareil système là où il froisse des intérêts que nous aurions aimé à ménager.

"Le projet d'impôt frappe sans doute aujourd'hui d'une manière sensible les porteurs de titres de rente. Ce n'est assurément qu'à regret et sous l'empire d'une urgente nécessité que nous avons recours à des mesures dont nous ne cherchons pas à pallier la rigueur. Mais, en se rendant un compte exact de la situation, il est impossible

de ne pas voir que des mesures radicales peuvent seules

rétablir l'ordre dans nos finances, que les mesures en question présentent toutes les conditions voulues pour atteindre ce but, et qu'enfin le rétablissement des finances de l'Autriche fournira aux créanciers de l'Etat une compensation pour la diminution de leurs revenus, en augmentant et consolidant la valeur de leur capital. Le fait que le cours des valeurs publiques est loin d'avoir subi une dépréciation depuis que les mesures projetées sont connues du public, me paraît venir à l'appui de ce que j'avance. Il est évident par là que le jugement de la Bourse n'est point défavorable au nouveau plan financier, et qu'on en attend un heureux résultat pour la situation générale des finances.

"Je puis encore remarquer ici que l'état fâcheux de nos finances contribue à entretenir le malaise et l'incertitude qui pèsent si lourdement sur toute la fortune publique de l'Europe.

"Si nous parvenons à surmonter ces embarras intérieurs qui paralysent nos forces et étendent leur influence bien au delà de nos frontières, nous aurons rendu à la prospérité générale un essor capable de dédommager nos créanciers d'une perte momentanée. Dailleurs si, comme je l'espère, une ère plus heureuse devait s'ouvrir pour les

finances de l'Autriche, et si elles redevenaient assez florissantes pour supporter des charges qui excèdent aujourd'hui ses forces, je serais très-disposé à recommander la prise en considération de mesures destinées à indemniser les porteurs de titres de l'emprunt de 1865 des pertes qu'ils auraient eu à subir.

"Veuillez soumettre ces observations à l'appréciation du gouvernement français. J'espère qu'il ne refusera pas de les juger avec l'impartialité amicale et éclairée que nous sommes habitués à trouver en lui. Qu'il soit surtout bien persuadé que nous avons tenu le plus grand compte de ses réclamations et des intérêts dont il s'est fait le représentant. Il n'a fallu rien moins que l'importance suprême de remédier à notre détresse financière et l'impossibilité d'amener la Représentation du pays à consentir à exempter une catégorie des créanciers de l'Etat des charges imposées à tous les autres pour décider le Gouvernement Impérial et Royal au maintien des mesures projetées. Il me paraît difficile de croire que les exigences de notre position ne soient pas comprises et qu'on ne sente pas que la meilleure volonté est parfois impuissante en face de la pression irrésistible des évènements.

"Recevez, etc."

Le Baron de Beust au Comte Apponyi à Londres. "Vienne, le 9 juin, 1868. "Le Gouvernement Impérial et Royal a approuvé la réponse préalable que Votre Excellence a faite à l'adresse que plusieurs banquiers de Londres Vous ont présentée dans la bonne intention de nous prémunir contre l'effet les mesures de finance dont le Reichsrath est saisi en

que

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