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LUCILE.

Eh bien, bien! qu'il s'en vante et rie à nos dépens,
Il n'aura pas sujet d'en triompher longtemps;
Et je lui ferai voir qu'en une âme bien faite
Le mépris suit de près la faveur qu'on rejette.

MARINETTE.

Au moins, en pareil cas, est-ce un bonheur bien doux
Quand on sait qu'on n'a point d'avantage sur vous.
Marinette eut bon nez, quoi qu'on en puisse dire,
De ne permettre rien un soir qu'on voulait rire.
Quelque autre, sous espoir du matrimonion,
Aurait ouvert l'oreille à la tentation;

Mais moi, nescio vos.

LUCILE.

Que tu dis de folies,

Et choisis mal ton temps pour de telles saillies!
Enfin je suis touchée au cœur sensiblement;
Et si jamais celui de ce perfide amant,

Par un coup de bonheur dont j'aurais tort, je pense,
De vouloir à présent concevoir l'espérance
(Car le ciel a trop pris plaisir à m'affliger,
Pour me donner celui de me pouvoir venger );
Quand, dis-je, par un sort à mes désirs propice,
Il reviendrait m'offrir sa vie en sacrifice,
Détester à mes pieds l'action d'aujourd'hui,
Je te défends surtout de me parler pour lui.
Au contraire, je veux que ton zèle s'exprime

A me bien mettre aux yeux la grandeur de son crime;
Et même si mon cœur était pour lui tenté
De descendre jamais à quelque lâcheté,
Que ton affection me soit alors sévère,

Et tienne comme il faut la main à ma colère.

MARINETTE.

Vraiment n'ayez point peur, et laissez faire à nous;
J'ai pour le moins autant de colère que vous;
Et je serais plutôt fille toute ma vie,
Que mon gros traître aussi me redonnât envie.
S'il vient...

SCÈNE V.

ALBERT, LUCILE, MARINETTE.

ALBERT.

Rentrez, Lucile, et me faites venir Le précepteur; je veux un peu l'entretenir, Et m'informer de lui, qui me gouverne Ascagne, S'il sait point quel ennui depuis peu l'accompagne.

SCÈNE VI.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

En quel gouffre de soins et de perplexité Nous jette une action faite sans équité! D'un enfant supposé par mon trop d'avarice

Mon cœur depuis longtemps souffre bien le supplice;
Et quand je vois les maux où je me suis plongé,
Je voudrais à ce bien n'avoir jamais songé.
Tantôt je crains de voir, par la fourbe éventée,
Ma famille en opprobre et misère jetée;
Tantôt pour ce fils-là, qu'il me faut conserver,
Je crains cent accidents qui peuvent arriver.
S'il advient que dehors quelque affaire m'appelle,
J'appréhende au retour cette triste nouvelle :
Las! vous ne savez pas? vous l'a-t-on annoncé?
Votre fils a la fièvre, ou jambe, ou bras cassé.
Enfin, à tous moments, sur quoi que je m'arrête,
Cent sortes de chagrins me roulent par la tête.
Ah!...

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Maître, en discourant ensemble, Ce jargon n'est pas fort nécessaire, me semble. Je vous crois grand latin et grand docteur juré; Je m'en rapporte à ceux qui m'en ont assuré : Mais dans un entretien qu'avec vous je destine, N'allez point déployer toute votre doctrine, Faire le pédagogue, et cent mots me cracher, Comme si vous étiez en chaire pour prêcher. Mon père, quoiqu'il eût la tête des meilleures, Ne m'a jamais rien fait apprendre que mes heures, Qui, depuis cinquante ans dites journellement,

Je me hâte d'obéir à votre commandement.

⚫ A un fils on ne saurait préférer qu'un fils.

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Que les poules dans peu dévorent les renards,
Que les jeunes enfants remontrent aux vieillards;
Qu'à poursuivre les loups les agnelets s'ébattent;
Qu'un fou fasse les lois ; que les femmes combattent;
Que par les criminels les juges soient jugés,
Et par les écoliers les maîtres fustigés;
Que le malade au sain présente le remède;
Que le lièvre craintif...

SCÈNE IX.

ALBERT, MÉTAPHRASTE.

(Albert sonne aux oreilles de Métaphraste une cloche de mulet, qui le fait fuir. )

MÉTAPHRASTE, fuyant.

Miséricorde! à l'aide!

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

MASCARILLE.

Le ciel parfois seconde un dessein téméraire,
Et l'on sort comme on peut d'une méchante affaire.
Pour moi, qu'une imprudence a trop fait discourir,
Le remède plus prompt où j'ai su recourir,
C'est de pousser ma pointe, et dire en diligence
A notre vieux patron toute la manigance.
Son fils, qui m'embarrasse, est un évaporé :
L'autre, diable! disant ce que j'ai déclaré,
Gare une irruption sur notre friperie!

Au moins, avant qu'on puisse échauffer sa furie
Quelque chose de bon nous pourra succéder,
Et les vieillards entre eux se pourront accorder.
C'est ce qu'on va tenter ; et de la part du nôtre,
Sans perdre un seul moment, je m'en vais trouver l'au-
(Il frappe à la porte d'Albert.) [tre.

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ALBERT.

Ah! vraiment tu prends beaucoup de peine:

De tout mon cœur, bonjour.

(Il s'en va.)

MASCARILLE.

Quel homme brusque!

Monsieur.

SCÈNE III.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ.

O juste ciel ! je tremble:

La réplique est soudaine. Car enfin nous avons peu de commerce ensemble.
Quelque tempête va renverser mes desseins,

ALBERT.
Encor?

(Il heurte.)

MASCARILLE.

ALBERT.

Et ce secret, sans doute, est celui que je crains.
L'espoir de l'intérêt m'a fait quelque infidèle,
Et voilà sur ma vie une tache éternelle.

Ma fourbe est découverte. Oh ! que la vérité

Vous n'avez pas ouï, Se peut cacher longtemps avec difficulté !

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Et qu'il eût mieux valu pour moi, pour mon estime’,
Suivre les mouvements d'une peur légitime,
Par qui je me suis vu tenté plus de vingt fois
De rendre à Polidore un bien que je lui dois,
De prévenir l'éclat où ce coup-ci m' expose,
Et faire qu'en douceur passât toute la chose!
Mais, hélas! c'en est fait, il n'est plus de saison;
Et ce bien, par la fraude entré dans ma maison,
N'en sera point tiré, que dans cette sortie
Il n'entraîne du mien la meilleure partie.

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Hélas! oui.

ALBERT.

POLIDORE.

De tous ces intérêts je vous ferai le maître;
Et je suis trop content si vous le pouvez être.

ALBERT.

La nouvelle a droit de vous surprendre, Ah! quel homme de Dieu! Quel excès de douceur !

Et je n'eusse pas cru ce que je viens d'apprendre.

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Quelle douceur, vous-même, après un tel malheur !

POLIDORE.

ALBERT.

Que puissiez-vous avoir toutes choses prospères !

POLIDORE.

Le bon Dieu vous maintienne.

ALBERT.

Embrassons-nous en frères;

POLIDORE.

J'y consens de grand cœur, et me réjouis fort
Que tout soit terminé par un heureux accord.

ALBERT.

J'en rends grâces au ciel.

POLIDORE.

Il ne vous faut rien feindre,

Votre ressentiment me donnait lieu de craindre;
Et Lucile tombée en faute avec mon fils,

Comme on vous voit puissant et de biens et d'amis...

ALBERT.

Eh! que parlez-vous là de faute et de Lucile?

POLIDORE.

Soit, ne commençons point un discours inutile.
Je veux bien que mon fils y trempe grandement :
Même, si cela fait à votre allégement,
J'avoûrai qu'à lui seul en est toute la faute;
Que votre fille avait une vertu trop haute
Pour avoir jamais fait ce pas contre l'honneur,
Sans l'incitation d'un méchant suborneur;
Que le traître a séduit sa pudeur innocente,
Et de votre conduite ainsi détruit l'attente.
Puisque la chose est faite, et que, selon mes vœux,
Un esprit de douceur nous met d'accord tous deux,
Ne ramentevons rien, et réparons l'offense
Par la solennité d'une heureuse alliance.

ALBERT, à part.

O Dieu! quelle méprise! et qu'est-ce qu'il m'apprend?
Je rentre ici d'un trouble en un autre aussi grand.
Dans ces divers transports je ne sais que répondre,
Et, si je dis un mot, j'ai peur de me confondre.

POLIDORE.

A quoi pensez-vous là, seigneur Albert?

ALBERT.

A rien.

Remettons, je vous prie, à tantôt l'entretien.
Un mal subit me prend, qui veut que je vous laisse.

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