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Le général Cafarelli lui rendit ce bon office. Le duc vit approcher la mort avec courage; il bénit ses enfans, et dit dans ses derniers momens des choses touchantes. Il mourut le même jour à huit heures du soir, laissant à sa famille et à ses amis un exemple du pouvoir de la religion sur ceux qui paroissoient l'avoir le plus négligée au milieu du tumulte des camps et du tourbillon des affaires.

Tout ce qui tient à la liberté des cultes doit exciter l'intérêt de tous ceux qui sont sincèrement attachés à leur religion. M. Grand, chantre de l'église de Maizières, près Brienne-leChâteau, diocèse de Troyes, s'est pourvu en cassation contre deux jugemens rendus le même jour, 24 février dernier, par le conseil de discipline du bataillon de la garde nationale de Brienne. Par le premier de ces jugemens, il est condamné à l'amende de six journées de travail; par le second, le conseil se déclare incompétent, et renvoie le sieur Grand en police correctionnelle à Barsur-Aube, pour y être jugé en exécution de l'art. 32 de la loi du 22 mars 1831. M. Gossin, avocat en la cour royalede Paris, a rédigé un mémoire pour M. Grand. Ce mémoire, en 16 pag. in-4o, traite la question à fond. L'habile jurisconsulte expose trois moyens de cassation contre le premier jugement du 24 février; ces moyens sont la violation de l'art. 5 de la Charte, l'excès de pouvoir, et la violation des art. 83 et 84 de la loi du 21 mars 1831. L'auteur insiste surtout sur le premier moyen, et le développe avec beaucoup de force et de solidité, comme nous le montrerons par quelques

extraits:

« Par quel motif le sieur Grand a-t-il été frappé de trois condamnations? Chautre et catholique, il a voulu à ces deux titres se rendre à l'église pour y remplir son office de choriste et son devoir de fidèle. Voilà son crime. Et quel motif de le retenir sous les armes, dans les rangs de la garde nationale, après que l'heure de l'office avoit sonné? S'agissoit-il d'un service d'ordre et de sûreté? Etoit-il ques. tion de comprimer une émeute, de protéger la sûreté publique menacée ? Falloitil au moins monter la garde? Devoit-il un de ces services qui n'admettent ni retards ni excuses, et pour lesquels la religion, si éminemment raisonnnable dans tous ses préceptes, même en apparence les plus absolus, ordonne une obéissance prompte et saus réplique? Non. Seulement il avoit plu à M. le commandant du bataillon d'indiquer précisément l'heure des vêpres pour faire faire des évolutions à la garde nationale du capton (1). Il est doue vrai qu'en dépit de la Charte et de

(1) L'auteur de ce mémoire n'entend incriminer les intentions de personne. Il doit les mettre et les met entièrement en dehors du procès; il n'est ni dans sa volonté, ni dans ses principes d'offenser des individus qui ne sont point en cause. Les raisonnemens sur lesquels s'appuie la défense du sieur Grand et les diverse. hypothèses qui les accompagnent ne sont donc que des généralités destinées sca

ses promesses il dépend du caprice d'un commandant de la garde nationale d'interdire à un Français l'exercice de son culte pendant une partie de l'année, puisque le dimanche est choisi partout pour les revues et les parades? Ce Français sera privé d'entendre la messe et le prône, si le commandant, pour jouir de la fraîcheur des matinées d'été, prend l'heure de la grand'messe pour commander des manœuvres à la milice, citoyenne il est vrai, mais catholique avant

tout.

» Il est manifeste qu'un garde national convoqué pour une parade, pour une revue, ou pour toute autre réunion, en un mot, que celle qui a pour objet un service d'ordre et de sûreté, a le droit, quand il entend sonner l'office de sout culte, de quitter à l'instant les rangs pour aller où sa foi et les besoins de son ame l'appellent. S'il dépend de son caporal ou de son capitaine de l'emprisonner dans les rangs, ou de ne le laisser aller qu'à la charge d'un procès suivi d'amende ou de prison (1), ne dites donc plus qu'en France chacun professe ́sa religion avec une égale liberté, et que chacun obtient pour son culte la même protection. Quoi! ce Français ne pourroit pas résister impunément à la violation flagrante qu'on veut faire de son droit? Cette résistance légale, licite, vertueuse même, seroit traitée de délit et punie comme telle, et vous voudriez me persuader que l'exercice de la religion catholique seroit libre en France ? Non, il ne le seroit pas, en dépit de la Charte de 1830 et de la promesse plus vaniteuse peut-être que prophétique qui a précédé sa publication (2)! Dira-t-on que le garde national devoit tout au moins solliciter la permission de sortir des rangs? Grand l'a demandée. dans toutes les occasions. Il a supplié, conjuré ses chefs de le laisser remplir son devoir de chrétien et son office de chantre; toujours il a été refusé. Poussé à bout, Grand a pris la Charte au sérieux, et s'est rendu à l'office en exécution de las Charte. Où est son crime? Mais d'ailleurs à quoi bon une permission? Graud avoit celle de la Charte; celle-là ne suffisoit-elle pas? Si la tolérance de l'officier ou du sous-officier devoit être invoquée, un seul individu demeure donc le maître d'ac

lement à prouver le droit. Le sieur Grand n'en fait l'application à personne; it désavoue d'avance et de la manière la plus expresse toute induction contraire à la. présente déclaration.

(1) Ce n'a été que par un excès de pouvoir évident que le conseil a, par une décision précédente, applique la peine de l'amende au fait de n'avoir pas assisté à un exercice de revue: la loi ne prononce qu'une simple réprimande. Mais la gravité de la peine n'est ici d'aucune importance. Si le droit d'assister aux offices. publics du culte est acquis aux gardes nationaux nonobstant l'indication d'un service de revue et d'exercice, il est clair qu'il y a la même violation de principes dans une simple réprimande que dans une peine d'amende ou de prison. Si je n'ai fait qu'user de mon droit en me rendant à l'office un jour de dimanche, je puis m'indigner tout autant d'une simple réprimande que d'une peine plus rigoureuse.

(2) La Charte sera désormais une vérité. (Proclamation du lieutenantgénéral du royaume aussitôt après la révolution de juillet.)

corder ou de refuser à søn gré la jouissance d'un des droits publics consacrés par la loi fondamentale au profit de tous?

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M. Gossin s'étonne qu'il y ait des lieux où on affecte d'indiquer l'heure des offices du dimanche pour les revues et les parades. C'est une remarque que nous avions déjà faite dans ce journal. Y auroitil donc de prétendus patriotes qui, dans leur ignorance de ce qui constitue la véritable liberté, trouvent piquant de mettre des chrétiens dans l'alternative ou d'aller en prison, ou de manquer la messe? Hélas! il n'y en a que trop, grâces à l'exagération des opinions et à l'esprit de parti qui dominent aujourd'hui chez tant de libéraux! Nous recommandons à l'attention de nos lecteurs le Mémoire pour le sieur Grand; l'estimable avocat y a en quelque sorte épuisé la question, et y a prouvé et les droits des catholiques, et l'injustice qui tend à les en priver.

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La cour royale de Paris a jugé le 23 mai une question de propriété littéraire, à l'occasion du Petit Manuel de piété ou Règles de conduite pour un séminariste. On a vu, no 2058, qu'il y avoit eu procès entre deux libraires au sujet de ce livre. Un jugement du tribunal avoit déclaré, le 29 janvier dernier, qu'an des libraires, M. Méquignon, n'ayant pas fait le dépôt à la bibliothèque, prescrit par la loi du 19 juillet 1793, n'étoit point apte à faire reconnoître sa propriété en justice. Mais la cour royale a persisté dans la jurisprudence qu'elle avoit adoptée. Son arrêt porte que, depuis le décret du 5 février 1810, le dépôt ordonné par ce décret supplée à celui de 1793, et que les imprimeurs et éditeurs n'en font pas d'autre. En conséquence Montarsolo a été déclaré coupable de contrefaçon, et condamné à l'amende et aux dépens.

Les libéraux applaudissent de toutes leurs forces à un arrêté de la mairie de Reims, qui interdit l'exercice de tout culte hors des églises. C'est là, disent-ils, bien comprendre la liberté des cultes. En effet il est lair que la liberté des cultes veut qu'on entrave le plus possible le culte catholique. La liberté des cultes veut que les voeux des catholiques soient comptés pour rien. 11 ne faut point, dit-on, blesser les dissidens; mais en quoi des cérémonies auxquelles ils ne sont point obligés de prendre part les blesseroient-elles? Ont-ils donc tant de haine pour la religion que la vue seule d'une procession les indigne et les irrite? Faut-il pour eux priver toute une ville de cérémonies chères aux catholiques? Belle liberté que celle-là! Enfin il y avoit moins de prétexte à Reims qu'ailleurs de prendre la mesure dont nous venons de parler. Il n'y a presque point de protestans dans cette ville; ils n'y ont point de temple. L'arrêté auroit-il été provoqué par les. troubles qui ont eu lieu doruièrement à Reims à l'occasion de

l'enterrement d'un protestant? Mais un journal qui n'est point suspect, le Protestant, prend soin lui-même de justifier le clergé de la ville, qu'un calomniateur avoit accusé d'intolérance. Faut-il, pour un fait particulier, prendre une mesure géné rale et absolue, et contrarier toute une population? Notez que dans ce moment même les processions reprennent dans plusieurs endroits. Des populations qui en avoient été privées les redemandent, et les autorités se montrent disposées à les leur accorder. Elles commencent à sentir qu'il n'est ni juste ni politique de priver le peuple de ces pompes extérieures auxquelles il est accoutumé, et de l'en priver pour le bon plaisir de quelques esprits intolérans et jaloux. Mais, dit-on, il y aura du trouble. Il n'y a eu de trouble aux processions que lorsque l'autorité étoit foible ou complice; il n'y en aura point si l'autorité ne le veut pas. Voyez ce qui vient de se passer à Toulouse le jour de la Pentecôte, où la procession des corps saints ou des reliques a été aussi paisible que pompeuse. Les châsses étoient portées en grand appareil, les maisons étoient tendues et le peuple n'a donné partout que des marques de piété ou de respect. Dire que la liberté des cultes n'existe pas à Toulouse, parce qu'on y fait des processions et qu'elle règne pleinement à Reims depuis le dernier arrêté, c'est une absurdité et une moquerie.

-On sait qu'une mosquée d'Alger avoit été convertie en église chrétienne; les catholiques se félicitoient de cette mesure, qui permettoit à un plus grand nombre d'assister aux offices de l'église. Mais quelques réparations étoient nécessaires pour approprier entièrement l'édifice à sa nouvelle destination. Ces réparations, l'intendant, M. Genty de Bussy, a imaginé de les faire le dimanche. Le peuple étoit déjà réuni dans l'église, le dimanche 12 mai, quand arrivèrent des ouvriers armés de leurs outils. Les fidèles furent obligés de se retirer sans avoir pu satisfaire leur piété. On dit qu'une réclamation a été adressée de leur part au gouvernement. Ne pouvoit-on remettre les travaux au lundi? Ne devroient-ils pas être naturellement suspendus le jour consacré aux exercices de la religion? Cette question n'en seroit pas une en Angleterre et aux Etats-Unis, où l'observation du dimanche est dans les habitudes nationales, et est maintenue sévèrement par l'autorité civile.

- MM. Charrier et Maubant, missionnaires, qui étoient partis de France le 25 mars de l'année dernière, sont arrivés à Manille, après une assez pénible traversée. Ils y ont reçu un accueil bien propre à les remettre de leurs fatigues. M. l'archevêque de Manille a voulu qu'ils logeassent chez lui, et à mis à leur disposition tout ce qui étoit dans son palais. Un de ses ecclésiastiques étoit chargé de les accompagner au dehors. Les missionnaires ont visité les

divers couvens de la ville, et ont reçu partout des marques d'intérêt et de respect. M. l'archevêque ne manquoit aucun jour de s'entretenir avec eux, et les a prévenus lui-même pour les adieux. Le prélat leur a procuré un bâtiment pour les conduire à Macao, où ils sont arrivés le 10 septembre, Tout sur ce bâtiment offroit une image de l'esprit de religion qui règne à Manille. Car, dans cette ville et dans les Philippines, la foi a conservé sa bienfaisante influence; la piété y est en honneur, et, depuis le gouverneur jusqu'aux plus modestes habitans, tous se font un devoir d'être et de paroître chrétiens. La bienveillance dont nous venons de parler envers les deux missionnaires ne leur est point particulière, tous les missionnaires qui passent par Manille éprouvent le même accueil. Le 1er octobre dernier, M. Bruguière, évêque de Capse, et vicaire apostolique de la Corée, arriva à Manille, où il fut reçu également à bras ouverts. Le prélat se flattoit de pouvoir entrer prochainement en Corée, où un prêtre chinois, M. Pacifique Yu, devoit le précéder. Ou ne sait pas encore s'ils auront pu réaliser ce projet.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Comme nous, les Anglais ont une opposition de tribune et de journaux. Mais ils ont aussi une colonie de Botany-Bay pour les écrivains qui osent porter la moindre atteinte à la religion établie; et il n'est pas un jury chez eux qui pe s'euflamme de zèle à la vue d'un mot où le respect de la loi divine ne paroît pas exactement maintenu. Quant à l'opposition parlementaire, elle a également làdessus des règles dont elle ne s'écarte jamais. Dans ge moment, elle pourroit abuser de ce que l'Angleterre est travaillée par l'esprit révolutionnaire, pour se livre à quelques écarts de licence en cette matière. C'est ce qui n'arrive point. Au contraire, on remarque de la part des orateurs une attention particulière à șe défendre de toute pensée d'innovation dont on pourroit les soupçonner à l'égard des affaires de la religion. Ils ont soin de commencer par déclarer qu'ils entendent soutenir l'établissement de l'Eglise. C'est le premier principe qu'ils mettent en avant, et auquel ils attachent la conservation de leur popularité; tant ils sont convaincus qu'on ne se heurte pas impunément dans un pays contre la religion de la majorité. En France, notre opposition 'est plus hardie. Tout en reconnoissant que l'Eglise catholique, à peu d'exceptions près, est celle de la nation entière, et qu'il est impossible de lui rien substituer qui soit de nature à satisfaire les cœurs et les esprits, cette opposition ne cesse de travailler à la subversion et à la ruine de notre établissement religieux. C'est là qu'elle cherche sa vie et sa popularité, sans faire réflexion qu'il s'agit ici pour elle d'une vie et d'une popularité purement révolutionnaires, dont la durée naturelle ne peut être que celle des tempètes.

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M. Dupin n'est heureux et puissant par la parole que quand il s'agit d'entreprises révolutionnaires. Oh! alors on n'a rien à lui refuser; la chambre des

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