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le 5 juin, avec beaucoup de pompe. Cette église étoit depuis longtemps en construction, et étoit destinée à remplacer la cathédrale, abattue pendant la révolution. C'est M. l'évêque qui a fait la cérémonie. Suivant le rit du pontifical, le prélat étoit assisté d'un nombreux clergé. Quand l'église put être ouverte au public, une foule immense la remplit en un instant.

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Que sous la restauration on criât contre l'influence et la prépondérance du clergé, c'étoit illusion chez les uns et ruse et malice chez les autres; mais on avoit du moins quelques prétextes à mettre en avant, la piété du prince, l'éclat de quelques cérémonies religieuses, les traitemens assez élevés de quelques membres du clergé, le zèle et le succès de quelques missionnaires. Tout cela ne constituoit pas assurément un grave sujet de reproche et d'accusation; mais tout cela portoit ombrage à des esprits prévenus qui grossissoient à plaisir les inconvéniens et les abus d'un état de choses où ils étoient fâchés de ne pas dominer. Je m'explique donc jusqu'à un certain point, les plaintes et les railleries du parti irréligieux à l'époque dont nous parlons. Mais qu'aujourd'hui, quand le prince ne fait aucun acte public de religion, quand on a ravi Sainte-Geneviève au culte, quand on a dévasté Saint-Germain-l'Auxerrois et qu'on refuse de le rendre aux paroissiens, quand on a démoli l'archevêché, quand on a supprimé tous les gros traitemens du clergé et qu'on fait tous les jours des réformes dans cette partie, quand les prêtres sont tenus conme sous le joug, chargés d'entraves, frappés de dénonciations, exposés à des poursuites, mâtés enfin de toutes manières; que dans cet état de choses on se plaigne encore de l'influence du clergé, c'est une folie insigne, ou une dérision cruelle. Toutefois M. de Montlosier vient encore de reproduire ses vieilles doléances dans une lettre à M. Dupin, qui a été imprimée et distribuée aux chambres. Là, l'infatigable ennemi du parti-prêtre dit que le parti ecclésiastique domine le gouvernement, que le gouvernement se reporte à l'égard du clergé dans les voies politico-religieuses de la restauration, qu'il a été ouvert avec Rome et avec M. l'archevêque de Paris des négociations où il a été doucement convenu, on peut en étre sûr, de redonner au clergé la prépondérance dans les affaires temporelles. Ceci est-il sérieux? La prépondérance du clergé actuel dans les affaires temporelles' Quand il n'y a pas un seul membre du clergé ni dans le ministère ni dans les chambres, quand on ne le consulte en rien, quand on lui supprime 30 évêchés par un amendement improvisé en un quart d'heure, quand on lui refuse à Paris une église nécessaire et en province des séminaires indispensables! Quelle terrible influence! quel immense crédit! Mais pourquoi essayer de combattre de telles chimères ! Que voulez-vous? M. de Montlosier a rêvé pendant quinze ans le parti-prêtre, et il ne peut se détacher de cette rêverie. C'est une

idée fixe qui l'obsède et qui revient sans cesse dans ses discours. Ses amis eux-mêmes rient un peu de son obstination à poursuivre son fantôme. Déjà dans la dernière session on prit la liberté de se moquer des plaidoyers de l'orateur en faveur de la féodalité et de: l'esclavage; on lui reprocha d'avoir parlé à la chambre des pairs contre les gens de couleur. Les journaux se permirent à cette occasion de le traiter fort incivilement; il y en eut même qui s'oublièrent jusqu'à qualifier de radotage ses théories illibérales. L'un d'eux l'appela le don Quichotte de la féodalite, et avoua qu'on l'avoit étourdiment compté dans les rangs de la liberté. C'est, je crois, le Constitutionnel qui s'est rendu coupable de cette espèce de blasphème. Après s'être moqué du don Quichotte de la féodalité, il auroit mauvaise grâce à nous vanter aujourd'hui le don Quichotte du parti anti-prétre. La lettre de M. de Montlosier à M. Dupin a paru fort inconvenante et même passablement ridicule à la chambre des pairs; il y a toute apparence que le public en portera le même jugement.

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- Nou, la foi n'est point éteinte dans tous les cœurs, et, si chez plusieurs elle paroît sommeiller, elle se réveille dans l'occa-sion et se montre même avec éclat. On vient d'en avoir un exemple à Avranches. Dans la nuit du 20 au 21 mai, des voleurs s'étant introduits dans l'église Notre-Dame-des-Champs à Avranches, emportèrent les vases sacrés et profanèrent les saintes hosties. A peine cet attentat eut-il été connu, qu'un cri d'horreur retentit dans toute la ville. Ceux même qui ne donnoient guère de signes de religion se sont étonnés qu'on eût osé porter la main sur nos tabernacles. Si quelques-uns ont été insensibles à ce sacrilége, ils ont été en si petit nombre, qu'ils n'ont osé manifester leur sentiment. Le dimanche suivant, une amende honorable a eu lieu; l'église étoit pleine de monde. La douleur éclatoit, non pas seulement par des pleurs, mais par des sanglots. Une quête fut faite dans la paroisse; en trois jours on a trouvé plus qu'il ne falloit pour réparer la perte. Riches et pauvres, tous rivalisoient de générosité; tous ont voulu avoir part à cette boune œuvre. Des gens chez lesquels on n'avoit pas osé se présenter pour ne pas humilier, sont venus apporter leur offrande. M. le curé, qui faisoit la quête, a été plus d'une fois obligé de réduire des dons qui étoient hors de proportion avec la position des personnes. Des habitans d'autres paroisses, soit de la ville, soit de la campagne, ont voulu contribuer. Ainsi un grand sacrilége a fait éclater une foi vive et une véritable générosité. N'est-ce pas là une chose consolante au milieu de toutes les douleurs de la religion?

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En novembre 1832, un détachement d'infanterie, sous les ordres du lieutenant Bertrand, arriva à Plorin, près Vannes, el, on ne sait pourquoi, l'officier s'adressa au curé pour faire le loge

ment de sa troupe. Le curé, M. Portz, s'y refusa, en disant justement que la chose n'étoit pas dans ses attributions. Il ne voulut même pas ouvrir sa porte à l'officier auquel il parla par le guichet. Le maire, étant arrivé, désigna le presbytère pour le logement de l'officier. Or le curé, qui avoit eu des désagrémens avec quelques militaires, s'étoit arrangé pour loger dans le village ceux qu'on lui envoyoit. L'officier fut donc conduit dans une maison; mais quoiqu'elle fût fort convenable, il refusa d'y rester, et voulut être conduit au presbytère avec deux militaires, dont, dit-il, il ne se séparoit jamais. Le curé représenta qu'il avoit pris le parti de ne plus loger au presbytère depuis que des espions, revêtus d'uniformes militaires, avoient voulu abuser de l'hospitalité qu'il leur donnoit, pour lui nuire. L'officier rédigea une plainte, motivée sur ce que M. Portz ne lui avoit parlé qu'à travers un guichet, l'avoit traité d'espion, et n'avoit pas voulu le loger; tel est du moins le récit du Rénovateur de Nantes, du 7 juin. M. le curé a été traduit le 3 juin en police correctionnelle à Vannes, et, d'après les dépositions de l'officier et des soldats, il a été condamné à 100 fr. d'amende. On a été un peu surpris de ce jugement; on demandoit pourquoi le ministère public avoit été si long-temps sans donner suite à la plainte. Mais le clergé dans ce pays est livré à l'arbitraire; plusieurs de ses membres ont été privés de leurs traitemens sans motif valable, et on se décide difficilement à réparer cette injustice.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Rien n'est plus tonchant que les récits qu'on attribue à M. de Châteaubriand, au sujet des nobles résignations qu'il a remarquées à Prague chez les princes de l'ancienne famille royale. Les sentimens chrétiens ont porté l'héroïsme au plus baut degré dans ces ames brisées par les épreuves de l'adversité. Elles ont oublié les grandeurs con:me les injures, et il semble qu'elles n'aient pas un sujet de plainte à former. M. le Dauphin en particulier est admirable de résignation. Détaché de toute pensée d'intérêt politique, deux soins occupent uniquement sa vie : l'un est d'adoucir et de consoler les vieux jours de son auguste père; l'autre, de mériter, par la pratique des vertus chrétiennes, de retrouver dans un meilleur monde bien au-delà de ce qu'il a perdu dans celui-ci. Sa conduite comme fils a quelque chose de pieux et de touchant qui rappellera les beaux exemples des temps anciens. Son père est pour lui l'objet d'un culte de tous les jours et de tous les instans. Il lui prodigue les soins les plus minutieux; toutes ses solli citudes sont pour l'auguste vieillard. Sa vie est, pour ainsi dire, partagée entre Dieu et lui. De leur côté, Charles X et madame la Dauphine sont des modèles de patience et de courage chrétien. Là où fant d'autres ne trouveroient que des souvenirs amers et des sujets d'irritation, ils ne trouvent que des pensées d'indu!gence pour l'ingratitude, et des paroles de charité pour tout le monde.

La cause des pensionnaires de l'ancienne liste civile a été reproduite dans une des dernières séances de la chambre des députés. Elle n'a rencontré, cette fois comme les autres, que des cœurs durs ou indifférens, et on l'a remise à huitaine. Tout le mal vient pour les pensionnaires de l'ancienne liste civile, de ce qu'ils ne se présentent point comme révolutionnaires polonais, italiens ou portugais. S'ils avoient une conspiration à faire valoir, une médaille de carbonari à montrer, oh! alors toutes les portes leur seroient ouvertes; on les écouteroit favorablement, et l'argent des contribuables ne tiendroit à rien. Ils seroient introduits dans le budget sans aucune difficulté; tous les préfets et tous les receveurs généraux des départemens auroient ordre de les choyer et d'avoir grand soin d'eux. On ne leur imposeroit pas même la condition de respecter les lois du pays et de l'hospitalité, et il leur seroit permis de porter le trouble partout où ils voudroient, saus que cela pût tirer à conséquence pour leurs subsides. Mais telle · n'est point la position des pensionnaires de l'ancienne liste civile. Ils ont le malheur d'étre Français, et qui pis est soupçonnés de reconnoissance et d'attachement pour les généreux maîtres qui les nourrissoient. Ceux-ci, en partant pour l'exil, leur avoient laissé plusieurs millions de valeurs qui étoient le gage et le prix de services rendus. D'autres se sont emparés de ces millions; et maintenant on se renvoie les pensionnaires de porte en porte comme des mendians. Après avoir dépouillé le maître, on dépouille les serviteurs, et c'est à qui les traitera le plus durement. Pauvres pensionnaires, tâchez de vous faire naturaliser Italien ou Polonais. Sinon prenez du service dans les bandes constitutionnelles de don Pédro; et alors vous verrez si la chambre des députés aura quelque chose à vousrefuser.

Décidément la révolution de juillet est sans pouvoir, et se démouétise de plus en plus. Il avoit été question de lui faire l'honneur d'attacher une nouvelle espérance d'amnistie au troisième anniversaire des glorieuses journées. Mais il paroit que cette idée a été rigoureusement repoussée comine étant propre à rendre une sorte de consistance et d'orgueil aux héros des barricades. On veut que les pauvres gens apprennent que le trône de juillet ne leur doit rien, et qu'il n'a point d'influence à recevoir de leur part. En cela, il ne fait que les traiter comme ils le méritent, et personne ne les plaindra. Quand on fait des révolutions pour renverser de bons gouvernemens, il est juste qu'on reçoive les leçons et le salaire qu'on a cherchés.

· La chambre des pairs a continué, le mardi 11, en comité secret, la discussion sur la proposition relative à la révision de son règlement.

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M. Félix Girod (de l'Ain), frère du vice-président du conseil d'étal, a étè

élu député à Nantua, en remplacement de M. Laguette-Mornay.

MM. Villemain, Ad. de Jussieu et Hyp. Royer-Collard, sont chargés de reeevoir, au nom du gouvernement, les ouvrages qui composoient la bibliothèque de G. Cuvier; et M. Silvestre de Sacy, Ch. Lenormant, et H, Royer-Collard, les notes, manuscrits et dessins de Champollion jeune.

La cour de cassation a annulle une sentence du conseil de discipline de la garde nationale de Péronne, qui avoit cordamné à 24 heures de prison des citoyens refusant de se pourvoir d'uniforme.

Sur les huit hussards arrêtés dans le soulèvement qui a eu lieu dernièrement à Rambouillet, six viennent d'être condamnés par le conseil de guerre de Paris, pour insubordination, à un an de prison, et à ne plus servir dans les armées françaises. Les deux autres ont été acquittés.

Le gouvernement n'y mettant plus d'opposition, l'établissement des télégraphes de nuit, de Rouen à Paris, pour les besoins du commerce, achève de s'organiser. La ligne de communication sera prolongée jusqu'au Havre.

Il résulte d'un relevé officiel des poursuites exercées pour délits de la presse que le nombre de ces affaires a été de 138 en 1827, de 116 en 1828, de 149 en 1829, de 171 en 1830, dont 34 après la révolution, et en 1831 de 131, dont 81 contre 37 journaux. Dans cette dernière année, il y a eu, sur 201 prévenus, 131 acquittés. Le nombre des acquittemens est bien plus considérable actuellement.

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M. Castaing, employé au ministère de la guerre, qui a été arrêté en octobre dernier comme ayant communiqué des renseignemens aux Vendéens, n'a pas été encore mis en jugement. Voilà bientôt neuf mois de détention préventive qu'il subit.

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La société géologique de France, qui compte près de 300 membres, a décidé que les réunions extraordinaires qu'elle tient tous les ans sur l'un des points de la France qui lui paroît offrir le plus d'intérêt, auront lieu cette année en Auvergne. Le rendez-vous est fixé au 25 août, à Clermont, chez M. Lecoq, professeur d'histoire naturelle.

– Il existe dans les colléges royaux de Paris 2,059 internes et 3,226 exterues, total 5,285 élèves. Le nombre des élèves dans les colléges royaux de province est de 4,149 internes et de 5,526 externes, total 9.775 élèves. Le nombre général pour la France se trouve ainsi être de 15,060 pour les colléges royaux.

Le général Bugeaud ayant refusé de recevoir l'indemnité que le gouvernement lui accordoit pour la mission dé Blaye, on donnera, suivant son vœu, 20,000 fr. à la commune d'Excideuil et 5,000 fr. à celle de Lanouaille pour coustruction de fontaine.

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Le Rénovateur, de Nantes, cite un meurtre à ajouter à ceux dont M. de Brézé a entretenu la chambre des pairs. Un jeune homme, qui n'avoit pas encore tiré au recrutement et qui par conséquent n'étoit pas réfractaire, fut trouvé il y a quelques jours par une colonne mobile chez son oncle, dans une ferme près de Remouillé. Ce jeune homme étoit d'ailleurs sans armes. Comme on vouloit l'arrêter, il prit la fuite. A l'instant même les militaires firent feu sur lui, et il tomba atteint de plusieurs balles. Les soldats le jetèrent alors dans une charDette pour le conduire à Aigrefeuille, mais il expira dans le trajet. Encore un

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