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Premièrement. Ils en excluent beaucoup plus de monde dans l'état actuel des choses; car ils damnent tous les catholiques, et il faut bien qu'ils nous damnent s'ils ne veulent être les plus inconséquens de tous les hommes, puisqu'ils ne cessent de nous accuser d'idolâtrie. Or, dans l'Europe seulement, on compte 117 millions de catholiques. En faisant monter le nombre des protestans, de quelque communion qu'ils soient, aussi haut qu'il plaît au ministre, uous n'en aurons jamais que 50 millions. Comparez les deux nombres, et vous aurez dès à présent la démonstration mathématique que je vous ai promise.

Ce n'est pas assez il faut mettre encore hors la voie du salut, pour la même cause, toutes les églises de l'Orient qui sont séparées de l'Eglise romaine. Si nous sommes idolâtres, si nous adorons le Sacrement, ainsi que vos docteurs le prétendent, elles sont idolâtres, elles adorent le Sacrement comme nous; elles célèbrent les fêtes des Saints, honorent leurs images, révèrent leurs reliques, recourent à leur intercession de la même manière que nous. Il est vrai que nous les considérons aussi comme hors de l'Eglise à raison de leur schisme; mais ici la différence, entre la doctrine de vos ministres et la doctrine catholique sur le salut des peuples attachés à ces communions, est immense. Suivant vos ministres, tous ces peuples étant idolâtres, leurs enfans même ne peuvent être compris dans l'alliance de Dieu avec leurs parens qui en sont exclus. Ces enfans sont impurs et ne peuvent être sauvés par la foi de ceux qui leur ont donné le jour. Ils ne le peuvent pas davantage en vertu du baptême, qui ne sauve pas. Vos ministres damnent donc, dans toutes les communions de l'Orient, non-seulement les personnes qui ont l'usage de la raison, mais encore tous les enfans. Il en est tout autrement dans les principes catholiques. Nous sauvons, sans aucun doute, dans ces églises orientales, non-seulement tous les enfans qui ont reçu le baptême, mais encore tous les adultes qui croient les principaux mystères de la religion, ignorent invinciblement quelle est la vraie Eglise, et meurent exempts de toute faute capable d'exclure du royaume de Dieu. Nous en disons autant de toutes les autres communions chrétiennes séparées de l'Eglise catholique. Appréciez maintenant, M. F., le nombre infini, de chrétiens que nous sauvons et que vos ministres dam

nent.

» En second lieu, je dis que, dans les principes de vos ministres, tout le monde, pendant un grand nombre de siècles, a été exclu du royaume de Dieu.

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Quand Luther parut, tous les peuples chrétiens, à l'exception des schismatiques d'Orient, étoient soumis au souverain pontife, successeur de Pierre. L'Angleterre, la Suède, le Danemarck, l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Espagne, et enfin tout l'Occident reconnoissoit son autorité et professoit la même doctrine

que professe encore aujourd'hui l'Eglise romaine; tous ces peuples étoient par conséquent, suivant vos docteurs, coupables d'idolâtrie, sous la tyrannie de l'Antéchrist, et par-là même hors de la voie du salut. Les schismatiques d'Orient ne se sauvoient pas davantage, étant dès-lors dans le même état de damnation qu'ils sont aujourd'hui; de manière qu'à cette époque l'église universelle toute entière étoit réprouvée.

Dans un autre article, nous parlerons du second volume, qui est la continuation de la troisième lettre, et nous montrerons que le prélat y presse son adversaire avec une vigueur, une méthode, et en même temps avec une modération et une sagesse qui devroient porter la lumière dans tous les esprits droits.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Le bruit couroit depuis quelque temps que l'abbé Châtel, en louant le bazar de la rue Saint-Honoré, avoit traité à forfait avec un entrepreneur qui s'étoit chargé de tous les frais. C'étoit là une spéculation tout comme une autre; mais elle a amené des discussions d'intérêt qui ont été portées le 11 juillet au tribunal de commerce. Là, on a appris les détails, fort plaisans, du traité conclu en janvier dernier entre M. Dufour, propriétaire, et l'abbé Châtel, évéque primat par élection du peuple et du clergé, ce qui, par parenthèse, n'est pas vrai. Par cet acte, M. Dufour déclaroit reconnoître l'abbé Châtel pour seul et unique chef quant au spirituel de toutes les églises catholiques françaises établies ou à établir. Ainsi, ceux qui prétendent que M. Châtel n'a point de mission out bien tort, puisque voilà un spéculateur qui le proclame chef suprême de toutes les églises présentes et futures. De son côté, Châtel, qui ne voulut pas se montrer moins généreux, reconnut M. Dufour comme seul administrateur de ces mêmes églises. La fortune de l'un se trouvoit donc aussi assurée que la primauté de l'autre. M. Dufour s'engagea par le traité à fournir tous les fonds nécessaires pour propager la réforme, à acquitter toutes les dépenses du culte, et à payer tous les ans 6,000 francs d'honoraires à M. le primat. Il devoit, de plus, payer un vicaire primatial, un vicaire-général, un autre prêtre, quatre enfans de choeur, un huissier, etc. En conséquence, Châtel cédoit son Eucologe et sa Profession de foi, et renonçoit aux recettes de l'église et des chaises. It paroît que le sacrifice n'étoit pas grand, et que les recettes n'ont pas répondu à l'attente des contractans. M. Dufour a fait beaucoup de dépenses pour mettre le bazar en état, il a souscrit des billets qui ont été protestés. Le 7 juin, il y eut un premier jugement par défaut contre lui. Il a formé opposition, et c'est

là-dessus qu'on a plaidé jeudi dernier. L'agréé de M. Dufour soutenoit qu'il ne s'agissoit point ici de commerce, ct vouloit faire renvoyer la cause devant les tribunaux civils. Il a d'ailleurs parlé avec beaucoup de respect de l'église française qu'il a mise sur le même pied que l'église catholique. L'agréé de la partie adverse a prouvé que M. Dufour étoit commerçant, puisque le billet souscrit par lui portoit valeur reçue en marchandises. Le tribunal de commerce a donc retenu la cause et ordonné de plaider au fond. M. Dufour a encore fait défaut au fond; mais l'affaire ne peut manquer de revenir au tribunal de commerce et de présenter des détails amusans sur l'entreprise de Châtel et Dufour.

refus

- Le clergé de Paris a perdu dernièrement un curé qui avoit eu sa part de la persécution révolutionnaire. M. Jean-François Girard étoit né en 1763 à Vauvillers, diocèse de Besançon. Ördonné prêtre en 1787, il exerçoit les fonctions de vicaire à Fontenoy-la-Ville, lorsqu'il fut condamné à la déportation pour de serment. Une indisposition grave l'empêcha de faire usage de son passeport, sur lequel on lui avoit assigné quinze jours pour sortir de France; il se cacha chez une tante à Fontenoy-le-Château, mais il y fut arrêté et conduit en prison, puis dans la maison de réclusion d'Epinal, où se trouvoient déjà les prêtres non assermentés, infirmes et sexagénaires. Après environ dix-huit mois de séjour dans ce lieu, on le fit partir avec ses coufrères pour la déportation, et on les conduisit par étapes à Rochefort, les faisant toujours coucher en prison, et les ayant peu à peu dépouillés de tout ce qu'ils possédoient. On les enibarqua au nombre de 200 à bord du Washington, en rade de l'île d'Aix, et le projet étoit de les déporter à la Guyanne, ainsi qu'environ 600 autres prêtres et séculiers renfermés dans deux autres bâtimens, le Bonhomme Richard et les Deux Associés. Mais la guerre ayant empêché cette translation, les détenus restèrent entassés sur ces poutons pendant onze mois, exposés aux plus barbares traitemens, à la misère, à la mauvaise nourriture, au scorbut, etc. Une épidémie en enleva près des deux tiers. La mort de Robespierre ne les délivra pas immédiatement; il fallat de longues réclamations pour attirer l'attention sur leur situation horrible (1). Des commissaires, envoyés

(1) Voyez, sur les déportés de Rochefort, la Relation de M. l'abbé Labiche de Reignefort, chanoine de Limoges; Paris, 1796 et 1802, in-8°; le Récit abrégé des souffrances.... par un curé du diocèse de Paris, in - 8o de 32 pages, ei le Journal de déportation des ecclésiastiques de la Meurthe (par M. Michel, curé de la cathédrale de Nancy); in-8° de 116 pages. Nous possédons une liste de tous ces déportés, qui nous a été communiquée obligeemment par M. l'abbé d'Aligre, ancien chauoine de Metz, aujourd'hui chanoine de Notre Dame, qui a été lui-même un des déportés.

de Rochefort pour visiter les bâtimens, furent épouvantés de l'air infect qui y regnoit, et quelque temps après arriva l'ordre de débarquer les prisonniers. On les fit remonter la Charente, et ils arrivèrent à Saintes, où ils furent mis dans une maison de réclusion. Les habitans leur prodiguèrent toute sorte de soins, et les fournirent de vêtemens et de vivres. M. Girard avoit été malade comme tous ses confrères, mais sa jeunesse l'avoit sauvé. Après son rétablissement, il se consacra au soulagement de ses confrères comme infirmier, et il en remplit les fonctions sur la chaloupe qui servoit d'hôpital, sous les tentes de l'île Madame, et à Saintes. Au mois d'avril 1795, on mit tous les prêtres en liberté, et M. Girard put retourner à Vauvillers, son pays natal. Les bons habitaus de ce lieu le prièrent de leur accorder les secours de la religion, à quoi il consentit. Mais le 13 vendémiaire ayant ramené les mesures de rigueur, M. Girard, qui n'avoit fait aucun serment, n'exerça plus le ministère qu'en secret. Il fut arrêté au moment où il venoit de célébrer la messe dans une maison particulière. Ses compatriotes se mirent en devoir de le délivrer de vive force, et le commissaire fut obligé de céder; mais M. Girard. lui promit tout bas de se remettre le lendemain à sa disposition, ce qu'il fit. On le conduisit dans les prisons de Vesoul, et il y trouva le père Grégoire de Saint-Loup, capucin, qui fut condamné à mort comme réfractaire, et exécuté le 15 janvier 1796 (1). M. Girard, compagnon de prison de ce bon religieux, fit imprimer l'année suivante, en Suisse, une relation de sa mort édifiante. Traduit à son tour devant le tribunal criminel de Vesoul, M. Girard, d'après le conseil de son avocat, fit le récit de tout ce qu'il avoit souffert en prison, en voyage et sur les vaisseaux. Ses juges eu furent touchés, et, considérant qu'il n'auroit pas dû être mis sur la liste de déportation, puisqu'il n'avoit pu passer en Suisse dans le délai exigé; que, mis en liberté par arrêté du comité de sûreté générale en avril 1795, il avoit pu exercer ses fonctions à Vauvillers, où il s'étoit conduit en homme paisible et prudent, et qu'on pouvoit le regarder comme étant encore au moment de son premier passeport de déportation, ils ordonnoient en conséquence de le conduire à la municipalité de Vesoul, où on lui donneroit un passeport pour la Suisse, con

(1) Voyez, sur la vie et la mort du père Grégoire on Cornibert, les Confesseurs de la foi, de l'abbé Carron, tome 111, pag. 346. M. Guillon a denné aussi place au pieux capucia dans ses Martyrs de la foi, tome 11, pag. 473. Il prétend y redresser l'abbé Carron, qui avoit assigné la mort du père Grégoire au 15 janvier 1796. Mais c'est M. Guillon lui-même qui se trompe icí, puisqu'il reconnoit que le religieux mourut le 25 nivôse an IV. Or, le 25 nivôse an IV ne répond pas, comme il le croit, au 15 janvier 1795, mais au 15 janvier 1796. La présente notice de M. l'abbé Girard confirme cette date; car, puisqu'il connut le pere Grégoire dans les prisons de Vesoul, ce ne put être en janvier 1795, époque à laquelle il étoit alors sur les pontons de l'ile d'Aix.

formément à ses désirs, et suivant la loi du 26 août 1792. Ce jugement fut rendu le 22 pluviôse an IV, 1er février 1796: sept jours après, M. Girard partit et se rendit en Suisse par Besançon et Morteaux. Son frère, M. Girard le jeune, alors chapelain dans les bailliages suisses italiens, vint le chercher, et l'emmena avec lui dans ce pays. Mais, les armées françaises y ayant pénétré, M. Girard l'aîné se réfugia à Mesocco, chez les Grisons, où il fit l'éducation du fils de M. Amarca, chef de cette vallée. En 1802, il rentra en France, et se réunit à son frère, qui étoit curé de Jézonville dans les Vosges; lui-même fut nommé en 1803 desservant de Vicménil. L'art de la médecine, qu'il avoit continué de cultiver en pays étranger, le mit en état de rendre service aux pauvres du lieu et des environs. En 1814, M. l'évêque de Nancy, de qui le département des Vosges dépendoit alors, le nomma à la cure cantonnale de Darnay, où son zèle et sa charité furent très'utiles dans des années de misère. Des raisons de santé l'engagèrent ensuite à donner sa démission; il vint à Paris en 1820, et y fut d'abord directeur de la maîtrise des enfans de choeur de NotreDame; en 1822, chapelain des Invalides, et, en 1829, curé de cette paroisse. Attaqué d'une maladie longue et douloureuse, il manda sa famille à Paris, reçut en sa présence les sacremens avec de grandes marques de piété, et mourut le 1er mai dans de vifs sentimens de foi et de résignation. Bon prêtre, pasteur zélé, parent affectueux, ami sincère, il laisse sous ces différens rapports des regrets bien mérités.

La piété est en honneur à Laval, et le culte de la sainte Vierge y est populaire. Grand nombre de maisons sont ornées eu dehors d'une statue de la mère du Sauveur, et quelques-unes offrent de petites niches qu'on orne de fleurs les jours de fêtes et où on fait brûler des cierges. Ces marques de piété déplaisent à certains libéraux, qui entendent singulièrement la liberté des cultes. Il y a bientôt trois ans, des vainqueurs de juillet passant à Laval formèrent le projet de faire disparoître ces signes de dévotion sur la paroisse Notre-Dame, où ils frappent particulièrement les yeux. Déjà ils s'apprêtoient à escalader les murs. A la première nouvelle toute la population fut sur pied; les femmes n'étoient pas les moins ardentes. Armées de tout ce qu'elles trouvoient sous leurs mains, elles poursuivirent les briseurs d'images et les forcèrent de renoncer à leur projet. Mais ce que ceux-ci n'avoient pu faire en plein jour, des inconnus viennent de l'exécuter dans les ténèbres. Dans la nuit du 2 au 3 juillet, quatorze statues de la sainte Vierge ont été brisées ou mutilées dans différens quartiers de la ville; d'autres auroient subi le même sort, si une femme qui entendit du bruit n'avoit pas ouvert sa fenêtre. Elle aperçut trois hommes qui s'enfuyoient après avoir brisé une image de la sainte Vierge. Le lendemain matin, quand

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