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SAMEDI 20 JUILLET 1833.

(N° 2130.)

Sur un Bref du Pape.

Nous avions connoissance depuis quelques jours du bref adressé par le saint Père à M. l'archevêque de Toulouse; mais nous n'avions pas cru devoir en faire usage dans le journal avant d'en avoir reçu l'autorisation formelle. Aujourd'hui, deux journaux ayant publié le bref, il n'y a plus, de notre part, de reproche d'indiscrétion à craindre. Le bref est en réponse à la lettre écrite au pape par plusieurs évêques du midi, le 22 avril de l'année dernière : nous en avons parlé, il y a un an, N° 1977. Cette lettre précédoit une censure de cinquante-six propositions tirées des deux derniers volumes de l'Essai sur l'Indifference, des Doctrines philosophiques sur la certitude, du Catéchisme du Sens commun et de l'Avenir. Les signataires étoient, à ce qu'il paroit, MM. les archevêques de Toulouse et d'Albi, et MM. les évêques de Montauban, de Carcassonne, de Périgueux, d'Aire, de Bayonne, de Perpignan, de Nîmes, de Montpellier, de Rodez, de Cahors et de Limoges. Depuis, plus de quarante évêques avoient adhéré à la censure. L'affaire a été examinée à Rome avec cette maturité qu'on a coutume d'apporter à toutes les causes importantes. C'est à ce sujet que le souverain pontife publia son encyclique du 15 août dernier. Quelques-uns avoient répandu il y a peu de temps que le pape étoit mécontent de la censure des évêques, et leur avoit fait dire qu'il n'y seroit donné aucune suite, et des journaux ont accueilli complaisamment ce bruit. Les termes honorables dans lesquels le saint Père parle de la démarche des évêques sont un démenti donné à ces vaines rumeurs dont il est aisé de deviner la source. S. S. a trouvé dans la lettre des prélats une preuve nouvelle et éclatante de leur zèle, de leur foi et de leur attachement respectueux pour le saint Siége; elle est loin de s'étonner que des évêques aient cru pouvoir s'occuper d'un fort triste sujet. Il paroit aussi que le saint Père avoit espéré que les auteurs et fauteurs des opinions réprouvées par l'encyclique lui donneroient par la suite des témoignages plus expressifs de leur soumission pleine, sincère et sans équi

Tome LXXVI. L'Ami de la Religion.

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roques, et rien ne nous montre que le pontife ait eu cette satisfaction. Enfin, on voit que S. S. est douloureusement affectée de bruits fâcheux qui circulent. Mais donnons d'abord le texte du bref en latin et la traduction en français :

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Gregorius PP. XVI.

Venerabilis Frater, salutem et apostolicam benedictionem.

Litteras quas una cum nonnullis ex venerabilibus Fratribus istius regni episcopis die 22 aprilis anno superiori dedisti, ac per venerabilem Fratrem nostrum Emmanuelem cardinalem episcopum Tusculanum pœnitentiarium majorem nobis adferendas curasti, animo perlegimus benevolo. Novum quippe ibidem et illustre testimonium nacti sumus pastoralis zeli, et fidei atque observantiæ in hanc apostolicam sedem, quibus te, collegasque tuos mirifice affectos apprime jam noveramus. Ille porro traditæ fuerunt nobis in eam curam cogitationemque jamdiu incumbentibus, ut ex more institutoque sanctæ hujus sedis, illo habito, juxta Zosimi pontificis verba, pondere examinis, quod ipsa rei natura desiderabat, omnes Ecclesiæ filios opportune edoceremus, quidnam de tristissimo illo argumento, de quo et in eadem epistola agebatur, sit ex sacrarum scripturarum, sanctiorisque traditionis disciplina prædicandum. Memores enim ex prædecessoris nostri Leonis Magni monitu, tenuitatem nostram Ecclesiæ præsidere sub illius nomine, cujus fides errores quoslibet impugnat, probe intelligimus, in nobis speciatim .commissum esse, ut omnes conatus nostros causis impendamus in quibus universalis Ecclesiæ salus possit infestari. Id nos, Deo bene juvante, atque auspice in primis Virgine sanctissima fidenter peregimus, datis sollemni Assumptionis ipsius die ad catholici orbis autistites encyclicis litteris, quibus sanam, et quam sequi unice fas sit, doctrinam pro nostri officii munere protulimus. Dedit voci nostræ vocem virtutis Pater luminum, in quem spem omnem conjeceramus easque alacriter, religiosè, studiosèque ubique receptas fuisse, gratulabundi testati sunt et sacrorum antistites, et viri ex universis ordinibus commendatiores. Imo auctores ipsi fautoresque consiliorum, de quibus præcipue querebamur, ad quos mittendas eas litteras curavimus, publiée denuntiarunt, se ab incoeptis illico cessasse, ne voluntati nostræ obsisterent. Quæ quidem declaratio eam illico nobis spem indidit, sincere ipsos, plene, absolute, omuique depulsa ambiguitate judicio nostro paruisse, idque luculentioribus quoque monumentis fore in posterum testaturos ea fide, qua se erga Christi vicarium incensos toties disertissime professi sunt. Hæc sane perjucunda spes animum nostrum in summa temporum difficultate pro rei sacræ incolumitate solicitum erexerat: at dolorem adhuc injiciunt, quæ etiam nunc perferuntur in vulgus. Humilibus proinde precibus oculos manusque

ad auctorem et consummatorem fidei Jesum attollimus, ut præbente ipso omnibus cor docile, ortos in Ecclesia strepitus, ut ver bis S. Caelestini pontificis utamur, compressos tandem pacatissima ratione fuisse gratulemur. Commuuia in tantum finem vota, consilia, et studia ingeminet cum aliis istius regni spectatissimis religionis zelo episcopis, quos singulari benevolentia affectu complectimur, fraternitas tua, cui dum hanc rescribimus epistolam nostræ in te voluntatis testem, coelestia quæque dona adprecamur, atque apostolicam benedictionem peramanter impertimur.

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Datum Romæ apud sanctum Petrum, die 8 maii anri 1833, pontificatus nostri anno III. GREGORIUS PP. XVI. »

Et in dorso erat inscriptio : Venerabili fratri Paulo Theresia Davidi årchiepiscopo Tolvsano.

Concordat cum originali :

Tolvsam.

P. T. D., archiepiscopus Tolosanus.

Grégoire XVI, pape.

Vénérable Frère, salut et bénédiction apostolique.

» Nous avons lu avec des sentimens de bienveillance la lettre que vous nous écrivites, le 22 avril de l'année dernière, de concert avec plusieurs de nos vénérables Frères les évêques de France, et que vous avez pris soin de nous faire remettre par notre vénérable Frère Emmanuel, cardinal, évêque de Tusculum, grand pénitencier. Cette lettre nous a offert une nouvelle et éclatante preuve du zèle pastoral, de la foi, et du respectueux attachement pour ce siége apostolique, dont nous savions parfaitement que vous et vos collègues vous êtes profondément pénétrés. Au moment où votre lettre nous est parvenue, nous donnions depuis long-temps nos soins et toute notre application à ce que, conformément à l'usage et à la pratique du saint Siége, après avoir mûrement pesé, selon l'expression du pape Zezime, ce que requiéroit la nature méme de la chose, nous puissions instruire à propos tous les enfans de 'Eglise du jugement qu'il faut porter, d'après la doctrine des lettres sacrées et de la sainte tradition, touchant ces malheureuses questions, qui font aussi le sujet de votre lettre. Avertis par ces paroles de saint Léon-le-Grand, notre prédécesseur, que notre foiblesse gouverne l'Eglise au nom de celui dont la foi combat toutes les erreurs, nous comprenons bien que notre charge spéciale est de consacrer tous nos efforts aux affaires où le salut de l'Eglise universelle se trouve compromis. C'est ce que nous avons fait avec confiance, aidé du secours d'en haut, et particulièrement sous les auspices de la très-sainte Vierge, en adressant, le jour solennel de son Assomption, aux évêques de l'univers catholique, la lettre en

cyclique dans laquelle nous avons exposé, suivant le devoir de notre charge, la saine doctrine, la seule qu'il soit permis de suivre. Le Père des lumières, en qui nous avions mis toute notre espérance, a rendu notre voix une voix forte et puissante: notre encyclique a été reçue partont avec joie, avec empressement, avec des sentimens religieux, comme nous l'ont attesté, avec actions de grâces, et les évêques et les personnages les plus recommandables dans tous les ordres de la société. Bien plus, les auteurs eux-mêmes et les partisans des projets qui faisoient surtout l'objet de nos plaintes, et auxquels nous avions eu soin d'envoyer l'encyclique, ont déclaré publiquement qu'ils se désistoient à l'heure même de leurs entreprises, pour ne pas s'opposer à notre volonté.

Cette déclaration nous inspira d'abord la confiance qu'ils avoient obtempéré à notre jugement avec sincérité, pleinement, absolument, sans aucune sorte d'ambiguité, et que dans la suite ils en donneroient des témoignages plus convaincans, avec les sentimens de foi dont ils ont dit souvent, et dans des termes les plus expressifs, qu'ils étoient animés pour le vicaire de JésusChrist. Cet espoir si doux avoit relevé notre ame, alarmée du péril de la religion, dans l'extrême difficulté des temps; mais ce qu'on répand encore aujourd'hui dans le public nous jette de nouveau dans la douleur. Nous levons donc avec d'humbles prières nos yeux et nos mains vers Jésus-Christ, l'auteur et le consommateur de la foi, afin que, donnant lui-même à tous un cœur docile, nous puissions nous féliciter, selon l'expression du pape saint Célestin, de ce que les bruits qui se sont élevés dans l'Eglise ont été calmés de la manière la plus paisible. Pour atteindre un but si important, redoublez, avec les autres évêques du royaume, que distingue éminemment leur zèle pour la religion, et que nous embrassons dans les sentimens d'une singulière affection; redoublez, mettez en commun vos vœux, vos conseils, vos soins, vénérable Frère, qui nous adressons cette lettre comme un témoignage de nos sentimens particuliers, en demandant à Dieu pour vous tous les dons d'en haut, et en vous donnant, dans l'effusion de notre cœur, notre bénédiction apostolique.

à

» Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 8 mai 1833, le troisième de notre pontificat. GRÉGOIRE XVI. »

Ceux qui ont voulu douter que l'encyclique fût dirigée contre la doctrine de l'Avenir trouveroient ici la réfutation de cette idée, d'ailleurs insoutenable; car il est clair par le bref que les doctrines qui ont excité l'attention des évêques sont les mêmes que celles que l'encyclique signale et réprouve. Or, c'est incontestablement contre les doctrines de l'Avenir et de ses par

tisans que sont dirigées la lettre et lá censure dès évêques. Donc ce sont les mêmes doctrines que l'encyclique a voulu condamner. Le bref du 8 mai est donc une sorte de confirmation de l'encyclique, et on ne sauroit échapper aux conséquences qui en découlent contre les opinions nouvelles que le pape et les évêques ont eu également en vue. Il faut s'attendre néanmoins que l'on cherchera à atténuer l'effet du bref, comme on avoit cherché à atténuer l'effet de l'encyclique. Déjà un journal vient de dire qu'il a confiance que les bruits qui ont excité la douleur du saint Père n'ont point de fondement, c'est-à-dire apparemment que S. S. s'en sera rapportée à des personnes prévenues. Quel dommage qu'elle n'ait pas consulté le journaliste, qui, étant naturellement mieux informé, et étant d'ailleurs parfaitement exempt de préventions, auroit dissipé ses alarmes et calmé sa douleur! Il ajoute que ce qu'il dit, il le croit vrai ; qu'il n'est mû que par l'amour de la paix, et qu'il n'a aucune intention d'infirmer l'autorité de la parole du pontife. Soit, mais est-il bien respectueux, lorsque le pape parle, d'aimer mieux croire qu'il se trompe que d'avouer les torts de ses amis?

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le vendredi 28 juin, veille de la fête des apôtres Pierre et Paul, le saint Père entonna les premières vêpres dans l'église Saint-Pierre. Le lendemain S. S. célébra pontificalement la messe dans la même basilique; elle étoit assistée des cardinaux Galeffi, Mattei, Rivarola et Riario-Sforza. Après la messe, les chanoines, du Vatican offrirent au saint Père le presbyterium d'usage. La chambre apostolique a reçu les redevances dues à l'église romaine, et a protesté contre celles qui avoient été omises. La veille et le jour la façade et la coupole de l'église Saint-Pierre ont été richement illuminées.

Le 2 juillet, le saint Père a changé de résidence, et s'est rendu du Vatican au palais Quirinal pour y passer l'été.

PARIS. M. l'Archevêque a adressé, sous la date du 18 juillet, la circulaire suivante à MM. les curés de son diocèse :

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Monsieur lé curé, par sa lettre close, en date du 13 de ce mois, à l'occasion' de l'anniversaire des 27, 28 et 29 juillet, le Roi réclame, comme en 1831, les suffrages que l'Eglise accorde à tous les chrétiens morts dans son sein, faveur de ceux qui ont péri pendant les combats de ces trois journées. Déjǎ

en

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