Images de page
PDF
ePub

projet de rétablir les bénédictins; ils publièrent même une espèce de prospectus où l'on donnoit de justes éloges à la congrégation de Saint-Maur, et où l'on paroissoit vouloir faire revivre ce corps savant. On ouvroit à cet effet une souscription, et on citoit avec complaisance une lettre de M. de Chateaubriand qui applaudissoit à l'entreprise, et prenoit le titre de bénédictin honoraire è neo congregatione Sancti Mauri. Ce nouveau genre d'affiliation parut assez singulier, et bien des gens crurent y trouver quelque chose de peu conforme à la simplicité et à la gravité des habitudes monastiques. En effet, nous n'avions jamais oui parler de bénédictins honoraires, ni de laïcs agrégés à la congrégation de Saint-Maur. Quoi qu'il en soit, on annonçoit que de jeunes ecclésiastiques avoient acheté l'ancien prieuré de Solesme, près Sablé, dans le Maine. Ils devoient se réunir le 11 juillet, jour où se célèbre généralement en France la fête de saint Benoit. La maison devoit être composée de six religieux de chœur et de quatre Frères convers. Le principal auteur du projet paroissoit être M. l'abbé Guéranger, chanoine honoraire du Mans, auteur d'un Traité de l'élection des évêques, dont nous avons rendu compte dans ce journal, et de quelques articles qui ont paru autrefois dans le Mémorial catholique sur la lithurgie. Lui et ses associés passoient pour être attachés aux opinions des auteurs de l'Avenir.

On s'attendoit que ces messieurs auroient cherché à s'adjoindre quelque ancien bénédictin. Il existe encore en France plusieurs membres respectables de la congrégation de SaintMaur, dont le concours paroissoit nécessaire aux nouveaux associés pour leur faire bien connoitre l'esprit de la règle, et leur inculquer les traditions de l'ordre de Saint-Benoit. Cette adjonction étoit d'autant plus naturelle que les futurs bénédictins étant tous assez jeunes, l'expérience de quelque ancien religieux devoit leur être à la fois agréable et utile. Toutefois ils n'ont point cru avoir besoin de ces conseils et de cet appui, et ont commencé seuls leur entreprise. Ils n'ont même pas dissimulé, dit-on, qu'ils ne souhaitoient avoir avec eux aucun bénédictia de Saint-Maur, parce que la congrégation étant entachée de jansénisme et de gallicanisme, ils auroient craint de perpétuer cet esprit parmi eux. Ce jugement seroit sévère et injuste. Il y avoit des jansenistes dans la congrégation de Saintlly Maur; mais, dans les derniers temps surtout, ils étoient bien

moins nombreux. Leur gallicanisme n'avoit rien de plus dangereux que celui de tant de prêtres contre lesquels on avoit lancé cette accusation dans le Mémorial ou dans l'Avenir, et qui n'en ont pas moins donné d'éclatantes preuves de leur dévouement au saint Siége.

Nous nous étonnons, à dire le vrai, que des hommes qui veulent se faire bénédictins repoussent toute liaison avec les bénédictins qui restent en France. Ils avoient annoncé dans leur prospectus qu'ils aspiroient à faire sortir de ses ruines cette antique congrégation de Saint-Maur; et puis ils la mettent entièrement à l'écart, ils évitent tout rapport avec elle, ils s'isolent de ces grands noms des Mabillon et des Monfaucon qu'ils avoient invoqués d'abord, et qui les auroient protégés de leur renommée. A quoi se rattache donc la nouvelle association? Qu'est-ce que des bénédictiús qui ne passeront point par les épreuves accoutumées? Qui les dirigera dans leur noviciat? Y aura-t-il même un noviciat? On nous dit que le 11 juillet ils ont nommé un prieur; mais des novices ont-ils jamais élu un prieur? Ce prieur d'ailleurs est aussi novice que les autres. Quels que soient ses talens, son esprit, sa vertu, son instruction, il ne peut encore bien connoitre l'esprit de la règle, et il est difficile qu'il y forme les autres.

Telles sont les réflexions que nous suggère une entreprise que nous regrettons de ne pouvoir louer exclusivement. Les nouveaux associés ont des intentions droites, tout nous porte à le croire; mais il est à craindre qu'ils n'aient pas parfaitement calculé la marche à suivre pour assurer le succès de leur œuvre. Ce n'étoit pas ainsi qu'avoient commencé les premiers fondateurs de l'ordre, ce n'étoit pas ainsi qu'avoit commencé la congrégation de Saint-Maur. Que seroit-ce si les novices de Solesmes au lieu de se former dans la retraite et le silence aux vertus de leur état, allcient se lancer immédiatement dans la carrière des lettres, publier des ouvrages, se livrer à des recherches d'érudition? Ce seroit vouloir couronner un édifice avant d'en avoir posé les fondemens. Cependant ce n'est point assez, et un journal a supposé que les jeunes bénédictins alloient peut-être faire un journal. Pourquoi pas, dit-il? Assurément une telle idée auroit paru bien étrange à saint Benoit et à ses premiers disciples. Des novices faire un journal, et se former ainsi aux habitudes de la vie religieuse! Il faut croire que c'est une plai

santerie.

Toutefois nous concevons très-bien que des hommes religieux aient été séduits par l'espérance de voir renaitre un corps célèbre dans l'Eglise par ses vertus et ses services. Nous concevons que le clergé ait applaudi à l'idée de voir former une maison de retraite, de prière et d'étude. dit, pour Le 11 juillet avoit été choisi, comme nous l'avons l'ouverture de la maison de Solesme. Un journal avoit dit que M. l'évêque du Mans avoit présidé à la cérémonie. C'est une erreur. Le prélat étoit alors momentanément absent de son diocèse. C'est M. l'abbé Menochet, chanoine et grand-vicaire du Mans, qui présida à la cérémonie. L'église du prieuré fut d'abord réconciliée. On alla processionnellement chercher à l'église paroissiale les associés qui y étoient réunis, et on les conduisit en chantant des psaumes à leur nouvelle demeure. M. l'abbé Menochet leur adressa un discours sur leur vocation, et les exhorta à y persévérer. On commença ensuite la messe, après laquelle on fit la procession dans le cloitre, et le saint sacrement fut déposé dans le tarbernacle. On se félicitoit de voir rendue au culte une église intéressante par les monumens qu'elle renferme. L'église du prieuré de Solesme, bâtie vers la fin du xiv siècle, est ornée de statues et de bas-reliefs exécutés dans les xv et xvre siècles. Dans la chapelle à droite est un groupe composé de six statues, et représentant la mort du Sauveur; c'est le pieux René, duc d'Anjou, qui les fit exécuter. Les statues de la chapelle de gauche sont plus modernes ; on les attribue à Germain Pilon. Là on voit Jésus-Christ au milieu des docteurs, la sainte Vierge mourante, sa sépulture : chacun de ces groupes est composé de plusieurs statues. Cette église est un véritable musée; c'est un monument subsistant de la piétié de ces temps où les princes et les seigneurs se faisoient un honneur d'orner et d'embellir les églises.

Pour en revenir à la maison de Solesme, la suite nous apprendra dans quel esprit elle va être dirigée, et si ce sera une communauté édifiante, utile et inaccessible à l'amour des nounier, a perdu l'amour des nouveautés qui, dans le siècle derveautés. C'est diverses congrégations, et d'autres nouveautés seroient encore plus fatales à un corps naissant, et qui n'offre pas tous les gages possibles de durée.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. M. Double, nommé à l'evêché de Tarbes, et M. Cada

len, nommé à l'évêché de Saint-Flour, sont arrivés à Paris. Les informations du premier sont faites, et celles du second se font en ce moment. Les informations de MM. les archevêques nommés de Besançon et d'Alby, et de M. de Trelissac, nommé à Montauban, sont faites depuis long-temps. Il est à souhaiter que toutes puissent être arrivées à Rome assez à temps pour que tous les sièges vacans fussent pourvus dans le consistoire qui ne tardera peut-être pas à avoir lieu.

M. l'évêque de Blois vient de visiter trois cantons de l'arrondissement de Vendôme, Vendôme, Montoire et Savigny. Jamais on n'avoit remarqué plus d'affluence et de piété. Il s'est présenté pour la confirmation un grand nombre de personnes de tout âge; ce qui a déterminé le prélat, malgré la foiblesse de sa santé, à donner la confirmation dans les deux paroisses de Vendôme à des jours différens. De la ville, le vénérable évêque s'est rendu dans les campagnes, où il a été reçu avec toutes les marques de respect. Les habitans quittoient leurs travaux pour aller à sa rencontre. Dans beaucoup de communes des maires venoient le complimenter à la tête de la garde nationale. Dans des paroisses où le prélat devoit s'arrêter, on a vu des fidèles attendre sa sortie pendant des heures entières pour recevoir sa bénédiction, A son retour à Vendôme, Monseigneur a bien voulu prolonger son voyage pour donner la confirmation à des personnes que le spectacle des premières cérémonies avoit touchées. Partout les populations sembloient protester par des démonstrations de piété et contre des profanations trop récentes, et contre le système de ceux qui trouvent qu'il y a trop d'évêques et qui sollicitent la réduction deş siéges.

Il y a quelque temps, l'Echo du peuple, qui s'imprime à Poitiers, donna, sous la rubrique de Chauvigny, des détails tout à faux sur la procession de la Fête-Dieu. Il attribuoit en particulier à M. Aubert, curé de Notre-Dame de Chauvigny, des faits et des paroles également contraires à la vérité. Il l'accusoit de ne pas chanter la prière pour le Roi, reproche assez extraordinaire de la part d'un journal qui professe les opinions et qui tient le langage de l'Echo. M. Aubert adressa à l'Echo une lettre où il nioit ses allégations, et de la manière la plus formelle. La lettre fut insérée le 13 juillet, mais avec une note du journaliste portant que son correspondant étoit un homme fort digne de foi qui n'avoit parlé du curé que d'une manière très-convenable, et que c'étoit le même curé qui, ayant été nommé à Gençay, avoit été positivement refusé par les habitans de la commune. M. Aubert a encore répondu à ces assertions: cette fois, il adresse sa lettre à la Gazette de l'Ouest. Il dit que le correspondant de l'Echo, qu'il ne connoît pas et ne veut pas connoître, passe à Chauvigny pour avoir inventé

ce qui forme son article du 6. Loin d'avoir été refusé généralement à Gençay, M. l'abbé Aubert peut prouver que les habitans l'ont désiré et demandé. Il devoit s'attendre à y être bien reçu, d'après deux lettres du maire qui applaudissoit à ce choix, d'après les démarches des habitans, et d'après une pétition adressée par eux au ministre des cultes. Aussi, il auroit été curé de Gençay, si des mensonges et des manoeuvres ignobles n'avoient, dit-on, égaré sur son compte des gens qui ne demandoient pas mieux que de se laisser tromper. M. Aubert relève encore plusieurs malices de l'Echo. Sa lettre, modérée, mais ferme et bien tournée, est une très-bonne réponse aux attaques de la feuille ultra-libérale.

-Le tribunal d'Auxerre, statuant sur un incident auquel donnent lieu les bâtimens du petit séminaire de cette ville, a, par son jugement du 24 juillet, déclaré recevable l'intervention du petit séminaire représenté par M. l'archevêque de Sens.

— Nous avons vu que cette année il avoit fallu ouvrir un plus grand local pour les frères des écoles chrétiennes sur la paroisse de Sainte-Croix, à Orléans. La même chose est arrivée sur la paroisse Saint-Paterne, dans la même ville. Déjà, sous le précédent curé, M. Blandin, une maison avoit été construite pour les écoles des Frères, et elle paroissoit assez grande pour pouvoir suffire long-temps; mais il a bientôt fallu songer à l'augmenter pour recevoir tous les enfans qui se présentoient. On a donc ajouté un étage au bâtiment. Le curé de Saint-Paterne, M. l'abbé Gobion, a fait le 18 juillet l'ouverture des nouvelles classes en présence de plus de 260 enfans et de plusieurs mères chrétiennes. Ce pasteur, qui n'a pas moins à cœur que son prédécesseur la prospérité de l'établissement des Frères de sa paroisse et qui vient de consacrer une somme assez forte aux nouvelles constructions, a béni les classes et a prononcé un discours tout-à-fait à la portée des enfans, et plein sages conseils pour eux et pour leurs mères.

de

La nouvelle de la nomination de M. l'abbé Casanelli à l'évêché d'Ajaccio a causé la plus grande joie en Corse. A Vico, sa patrie et chef-lieu de canton, suivant l'usage du pays quand il y à d'heureuses nouvelles, on a ouvert les celliers et on a invité les pauvres, les étrangers et les militaires à porter la santé de l'évêque nommé. Des cris de joie, des petards, des illuminations annoncoient l'allégresse publique. A Ajaccio, la même nouvelle a fait une vive sensation. On espère avoir enfin un évêque qui s'occupera de son diocèse, et qui ne sera point asservi à des intérêts particuliers. Sans doute ces témoignages de la joie des Corses détermineront M. l'abbé Casanelli, qui, dit-on, hésitoit à accepter, peut-être par suite des difficultés qu'il prévoit pour faire

le bien.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »