doit fe garder de s'en fervir (a). Tant il est vrai que la vertu n'eft pas le reffort de ce gouvernement ! Certainement elle n'en eft point exclue; mais elle n'en est pas le reffort. CHAPITRE VI. Comment on fupplée à la vertu dans le gouvernement monarchique. E me hâte & je marche à grands pas, JE afin qu'on ne croie pas que je faffe une fatire du gouvernement monarchique. Non: s'il manque d'un reffort, il en a un autre. L'HONNEUR, c'est-àdire, le préjugé de chaque perfonne & de chaque condition, prend la place de la vertu politique dont j'ai parlé, & la repréfente par-tout. Il y peut infpirer les plus belles actions; il peut, joint à la force des lois, conduire au but du gouvernement comme la vertu même. Ainfi dans les monarchies bien réglées, tout le monde fera à peu près bon citoyen, & on trouvera rarement (a) Il ne faut pas, y eft-il dit, fe fervir de gens de bas lieu; ils font trop aufteres & trop difficiles. Tome I. C quelqu'un qui foit homme de bien; car, pour être homme de bien (a), il faut avoir intention de l'être (b), & aimer l'état moins pour foi que pour luimême. L CHAPITRE VII. Du principe de la Monarchie. E gouvernement monarchique fuppofe, comme nous avons dit, des prééminences, des rangs, & même une nobleffe d'origine. La nature de l'hon neur eft de demander des préférences & des diftinctions; il eft donc, par la chofe même, placé dans ce gouver nement. L'ambition eft pernicieufe dans une république. Elle a de bons effets dans la monarchie; elle donne la vie à ce gouvernement; & on y a cet avantage, qu'elle n'y eft pas dangereufe, parce qu'elle y peut être fans ceffe réprimée. Vous diriez qu'il en eft comme du fyftême de l'univers, où il y a une force (a) Ce mot, homme de bien, ne s'entend ici que dans un fens politique. (b) Voyez la note de la page 47• qui éloigne fans ceffe du centre tous les corps, & une force de pefanteur qui les y ramene. L'honneur fait mouvoir toutes les parties du corps politique; il les lie par fon action même; & il fe trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à fes intérêts particuliers. Il est vrai que, philofophiquement parlant, c'eft un honneur faux qui conduit toutes les parties de l'état ; mais cet honneur faux eft auffi utile au pu blic, que le vrai le feroit aux particu→ liers qui pourroient l'avoir. Et n'eft-ce pas beaucoup d'obliger les hommes à faire toutes les actions difficiles, & qui demandent de la force, fans autre récompenfe que le bruit de ces actions? CHAPITRE VIII. Que l'honneur n'eft point le principe des Etats defpotiques CE E n'eft point l'honneur qui eft le principe des états defpotiques: les hommes y étant tous égaux, on n'y peut se préférer aux autres; les hommes y étant tous esclaves, on n'y peut se préférer à rien. De plus, comme l'honneur a fes lois & fes regles, & qu'il ne fauroit plier; qu'il dépend bien de fon propre caprice, & non pas de celui d'un autre ; il ne peut fe trouver que dans des états où la conftitution eft fixe, & qui ont des lois certaines. Comment feroit-il fouffert chez le 'defpote? Il fait gloire de méprifer la vie, & le defpote n'a de force que parce qu'il peut l'ôter. Comment pourroit-il fouffrir le defpote? Il a des regles fuivies, & des caprices foutenus; le defpote n'a aucune regle, & fes caprices détruisent tous les autres. L'honneur inconnu aux états defpotiques, où même fouvent on n'a pas de mot pour l'exprimer (a), regne dans les monarchies; il y donne la vie à tout le corps politique, aux lois, & aux vertus même. (a) Voyez Perry, page 447. CHAPITRE IX. Du principe du gouvernement defpotique. C OMME il faut de la vertu dans une république, & dans une monarchie de l'honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement defpotique : pour la vertu, elle n'y eft point néceffaire; & l'honneur y feroit dangereux. Le pouvoir immenfe du prince y paffe tout entier à ceux à qui il le confie. Des gens capables de s'eftimer beaucoup eux-mêmes, feroient en état d'y faire des révolutions. Il faut donc que la crainte y abatte tous les courages, & y éteigne jufqu'au moindre fentiment d'ambition. Un gouvernement modéré peut, tant qu'il veut, & fans périr, relâcher fes refforts. Il fe maintient par fes lois & par fa force même. Mais lorfque, dans le gouvernement defpotique, le prince ceffe un moment de lever le bras; quand il ne peut pas anéantir à l'inftant ceux qui ont les premieres places (a), tout eft perdu: (a) Comme il arrive fouvent dans l'ariftocratie militaire. |