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cru néanmoins que je pouvais emprunter deux ou trois traits d'Hérodote, pour mieux peindre Assuérus; car j'ai suivi le sentiment de plusieurs savants interprètes de l'Écriture, qui tiennent que ce roi est le même que le fameux Darius, fils d'Hystaspe, dont parle cet historien. En effet, ils en rapportent quantité de preuves, dont quelquesunes me paraissent des démonstrations: mais je n'ai pas jugé à propos de croire ce même Hérodote sur sa parole, lorsqu'il dit que les Perses n'élevaient ni temples, ni autels, ni statues à leurs dieux, et qu'ils ne se servaient point de libations dans leurs sacrifices. Son témoignage est expressément détruit par l'Écriture, aussi bien que par Xénophon, beaucoup mieux instruit que lui des mœurs et des affaires de la Perse, et enfin par Quinte-Curce.

On peut dire que l'unité de lieu est observée dans cette pièce, en ce que toute l'action se passe dans le palais d'Assuérus. Cependant, comme on voulait rendre ce divertissement plus agréable à des enfants, en jetant quelque variété dans les décora

tions, cela a été cause que je n'ai pas gardé cette unité avec la même rigueur que j'ai fait autrefois dans mes tragédies.

Je crois qu'il est bon d'avertir ici que, bien qu'il y ait dans Esther des personnages d'hommes, ces personnages n'ont pas laissé d'être représentés par des filles, avec toute la bienséance de leur sexe. La chose leur a été d'autant plus aisée, qu'anciennement les habits des Persans et des Juifs étaient de longues robes qui tombaient jusqu'à terre.

Je ne puis me résoudre à finir cette préface sans rendre à celui qui a fait la musique la justice qui lui est due, et sans confesser franchement que ses chants ont fait un des plus grands agréments de la pièce. Tous les connaisseurs demeurent d'accord que depuis longtemps on n'a point entendu d'airs plus touchants ni plus convenables aux paroles. Quelques personnes ont trouvé la musique du dernier choeur un peu longue, quoique très-belle. Mais qu'aurait-on dit de ces jeunes Israélites qui avaient tant fait de vœux à Dieu pour être délivrées de l'horrible péril où elles étaient, si, ce péril

étant passé, elles lui en avaient rendu de médiocres actions de graces? Elles auraient directement péché contre la louable coutume de leur nation, où l'on ne recevait de Dieu aucun bienfait signalé, qu'on ne l'en remerciât sur le champ par de fort longs cantiques; témoins ceux de Marie, sœur de Moyse; de Débora et de Judith, et tant d'autres dont l'Écriture est pleine. On dit même que les Juifs, encore aujourd'hui, célèbrent par de grandes actions de graces le jour où leurs ancêtres furent délivrés par Esther de la cruauté d'Aman.

PROLOGUE.

LA PIÉTÉ.

ACTEURS.

ASSUÉRUS, roi de Perse.

ESTHER, reine de Perse.
MARDOCHÉE, oncle d'Esther.

AMAN, favori d'Assuérus.

ZARÈS, femme d'Aman.

HYDASPE, officier du palais intérieur d'Assuérus.

ASAPH, autre officier d'Assuérus.

ÉLISE, confidente d'Esther.

THAMAR, Israélite de la suite d'Esther.

GARDES du roi Assuérus.

CHŒUR de jeunes filles israélites.

La Scène est à Suze, dans le palais d'Assuérus.

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PROLOGUE.

LA PIÉTÉ.

Du séjour bienheureux de la divinité,

habité.

Je descends dans ce lieu' par la grace
L'innocence s'y plaît, ma compagne éternelle,
Et n'a point sous les cieux d'asile plus fidelle.
Ici, loin du tumulte, aux devoirs les plus saints
Tout un peuple naissant est formé par mes mains :
Je nourris dans son cœur la semence féconde

Des vertus dont il doit sanctifier le monde.
Un roi qui me protège, un roi victorieux
A commis à mes soins ce dépôt précieux:
C'est lui qui rassembla ces colombes timides
Eparses en cent lieux, sans secours et sans guides;
Pour elles, à sa porte élevant ce palais,

Il leur y fit trouver l'abondance et la paix.

Grand Dieu, que cet ouvrage ait place en ta mémoire! Que tous les soins qu'il prend pour soutenir ta gloire Soient gravés de ta main au livre où sont écrits Les noms prédestinés des rois que tu chéris!

1 La maison de Saint-Cyr.

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