Images de page
PDF
ePub

IMPRIMERIE DE FAIN, RUE DE RACINE,

PLACE DE L'ODÉON.

DES FEMMES,

COMÉDIE EN CINQ ACTES ET EN VERS

Jean

Poquelin

DE MOLIÈRE;

Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre
du Palais-Royal, par la Troupe de Monsieur, frère
unique du Roi, le mardi 26 décembre 1662.

NOUVELLE ÉDITION,

CONFORME A LA REPRÉSENTATION.

PRIX I FR. 50 cent.

CHEZ

A PARIS,

BARBA, Libraire, au Palais-Royal, derrière le Théâtre
Français, n°. 51;

HUBERT, Libraire, au Palais-Royal, Galeries de bois,
côté du jardin, no. 222.

1817.

PERSONNAGES.

ARNOLPHE, autrement M. DE LA Souche.

HORACE, amant d'Agnès.

CHRYSALDE, ami d'Arnolphe.

ENRIQUE, beau-frère de Chrysalde et père d'Agnès.
ORONTE, père d'Horace et grand ami d'Arnolphe.
ALAIN, paysan, valet d'Alnolphe.

UN NOTAIRE.

AGNÈS, jeune fille innocente, élevée par Arnolphe.
GEORGETTE, paysanne, servante d'Arnolphe.

La Scène est à Paris, dans une place d'un faubourg.

848 M72ec 1817

Nota. On a observé, dans l'impression, l'ordre des places des personnages, en commençant par la gauche des spectateurs (ce qui est la droite des acteurs). Les changemens de places qui ont lieu dans le cours des scènes, sont indiqués par des renvois au bas des pages.

Les vers précédés d'un astérisque, ne se disent pas à la représentation.

D. L. P.

DES FEMMES,

COMÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

CHRYSALDE, ARNOLPHE.

CHRYSALDE.

Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main?

ARNOLPHE.

Oui. Je veux terminer la chose dans demain.

CHRYSALDE.

Nous sommes ici seuls; et l'on peut, ce me semble,
Sans craindre d'être ouïs, y discourir ensemble.
Voulez-vous qu'en ami je vous ouvre mon cœur?
Votre dessein pour vous me fait trembler de peur;
Et, de quelque façon que vous tourniez l'affaire,
Prendre femme est à vous un coup bien téméraire.

ARNOLPHE.

chez vous,

Il est vrai, notre ami. Peut-être que,
Vous trouvez des sujets de craindre pour chez nous;
Et votre front, je crois, veut que du mariage
Les cornes soient partout l'infaillible apanage.

CHRYSALDE.

Ce sont coups du hasard, dont on n'est point garant;
Et bien sot, ce me semble, est le soin qu'on en prend.
Mais, quand je crains pour vous, c'est cette raillerie
Dont cent pauvres maris ont souffert la furie :
Car enfin vous savez qu'il n'est grands ni petits

394736

Que de votre critique on ait vu garantis;

Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes, De faire cent éclats des intrigues secrètes...

ARNOLPHE.

Fort bien. Est-il au monde une autre ville aussi
Où l'on ait des maris si patiens qu'ici?

Est-ce qu'on n'en voit pas de toutes les espèces,
Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces ?
L'un amasse du bien, dont sa femme fait

part

A ceux qui prennent soin de le faire cornard.

L'autre un peu plus heureux, mais non pas moins infàme,
Voit faire tous les jours des présens à sa femme,

Et d'aucun soin jaloux n'a l'esprit combattu,
Parce qu'elle lui dit que c'est pour sa vertu.

L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères;
L'autre en toute douceur laisse aller les affaires,

Et, voyant arriver chez lui le damoiseau,
Prend fort honnêtement ses gants et son manteau.
L'une de son galant, en adroite femelle,
Fait fausse confidence à son époux fidèle,
Qui dort en sûreté sur un pareil appât,

Et le plaint, ce galant, des soins qu'il ne perd pas.
L'autre, pour se purger de sa magnificence,
Dit qu'elle gagne au jeu l'argent qu'elle dépense;
Et le mari benêt, sans songer à quel jeu,
Sur les gains qu'elle fait rend des grâces à Dieu.
Enfin ce sont partout des sujets de satire;

Et, comme spectateur, ne puis-je pas en rire?
Puis-je pas de nos sots?...

CHRYSALDE.

Oui: mais qui rit d'autrui,
Doit craindre qu'en revanche on rie aussi de lui.
J'entends parler le monde ; et des gens se délassent
A venir débiter les choses qui se passent :

Mais, quoique l'on divulgue aux endroits où je suis,
Jamais on ne m'a vu triompher de ces bruits;
J'y suis assez modeste : et bien qu'aux occurrences
Je puisse condamner certaines tolérances;
Que mon dessein ne soit de souffrir nullement
Ce que quelques maris souffrent paisiblement;
Pourtant je n'ai jamais affecté de le dire :
Car enfin il faut craindre un revers de satire,

« PrécédentContinuer »