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tion au palais avec l'injonction d'une réponse avant neuf heures. L'avocat Galetti, nommé président de cette commission, fut introduit immédiatement dans le cabinet du Saint Père, avec lequel il eut un trèslong entretien. Que se passa-t-il alors entre le pontife miséricordieux qui avait donné l'amnistie, et le prisonnier qui, dans le pardon, avait retrouvé son rôle de conspirateur, et le parjure? Dieu seul le sait! Mais, lorsque Galetti sortit du cabinet du раре, il était pâle, ses yeux se baissèrent en passant sous le regard des ambassadeurs. Pie IX alors, toujours calme, toujours serein, s'adressant aux diplomates européens, leur dit, que, pour éviter une collision sanglante, il avait remis la décision des demandes qu'on lui imposait sous les coups de la violence à la sagesse des Chambres et qu'il avait subi mais non formé lui-même, un ministère composé de Mamiani à l'extérieur, l'abbé Rosmini à l'instruction publique, avec la présidence, Galetti à l'intérieur, Sterbini au commerce, Campello à la guerre, Lunati aux finances, et Sereni à la justice. Puis d'une voix ferme quoique émue il ajouta ces paroles: «< Messieurs, je suis ici comme un emprisonné. On a voulu m'enlever ma garde et me mettre dans les mains d'autres personnes. Ma conduite en ce moment où tout appui matériel me fait défaut, est basée sur ma détermination d'éviter à tout prix qu'une seule goutte de sang fraternel soit versée pour ma cause. Je cède tout à ce principe; mais je veux en même temps que vous sachiez, messieurs, et que l'Europe entière sache, que

je ne prends, même de nom, aucune part au gouvernement auquel je prétends rester complétement étranger. J'ai défendu qu'on abusât de mon nom et qu'on n'eût plus même recours aux formules ordinaires. >>

Pendant que les représentants des puissances de l'Europe entouraient le pape de nouvelles protestations d'amour et de dévouement, Galetti, rendant compte de sa mission, annonçait à l'insurrection que Pie IX s'en était remis à la sagesse des Chambres. Au même instant des applaudissements couvrent sa voix, les cris de vive l'Italie! se font entendre. Les troupes de ligne et les gardes civiqués déchargent leurs armes en signe de réjouissance et la foule insensée qui ne voit pas que de ce jour datera pour Rome une longue série de malheurs, la foule aveugle évacue la place pour se répandre dans la ville et raconter, à la lueur des torches, son triomphe dans les divers quartiers de Rome.

Telle fut la fin de cette déplorable journée. L'histoire n'aura pas assez de stigmates pour flétrir la lâcheté et l'ingratitude d'un peuple passant sur le cadavre d'un ministre assassiné pour monter en armes au calvaire du Quirinal.

Ce jour-là, tous les Romains ont été coupables, les uns en assumant sur eux, comme autrefois les Juifs de Jérusalem, la responsabilité de l'action, les autres en laissant faire. Quelques prêtres, un ou deux laïques et les ambassadeurs des puissances étrangères ont seuls été nobles et dignes. L'histoire leur tiendra

compte de leur courage et de leur dévouement; en attendant, courbons-nous devant les décrets mystérieux de la Providence, qui a voulu que le représentant de Dieu, sur la terre, après lui avoir ressemblé dans ses triomphes, lui ressemblât dans ses souffrances, qui a permis que la couronne d'épines de la passion remplaçât la palme du dimanche des Rameaux. En effet, comme Jésus, Pie IX a été cloué à la croix des épreuves, comme le Fils de Marie l'immaculée, il a eu sa grande semaine, comme l'Homme. Dieu il a bu le calice des douleurs jusqu'à la lie; mais comme le divin Crucifié sortit triomphant de son sépulcre, Pie IX devait ressusciter dans l'amour et dans le repentir de son peuple.

CHAPITRE XI.

Joseph Galetti, ministre.

gardes suisses.

1

Ses premiers actes. Désarmement des Aurore boréale. Programme du nouveau minis

tère. Scission entre les révolutionnaires victorieux.

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Pie IX. Arrivée à Gaëte. Détails. Lettre du pape au marquis Sachetti. Proclamation des ministres. État des esprits à Rome.

Joseph Galetti, chef nominal du ministère imposé par la force brutale de l'émeute aux répugnances légitimes du souverain, est le fils d'un barbier de Bologne, qui demeure sous l'arcade du séminaire, près l'église de Saint-Pierre. Celui qui devait dans l'avenir, par surprise à la vérité, présider les conseils du chef de la catholicité, a reçu le jour dans une boutique de Figaro, en l'an de grâce 1800.

Souple, fin et rusé, possédant toutes les qualités de l'emploi, le jeune Joseph entra dans la vie sous l'écume de la savonnette odoriférante. Son premier métier consista à repasser les rasoirs de la boutique et à présenter l'aqua fresca aux mentons de ses clients. Désireux de posséder un savant dans sa famille, le barbier, qui du reste avait remarqué de grandes disposi

la

tions dans son fils, lui fit faire ses études à l'université renommée de Bologne. L'écolier devint bientôt un habile jurisconsulte; mais un jour abandonnant ses livres de droit et la chicane de la basoche pour l'épée et les troubles des révolutions, il se jeta en aveugle dans les événements de 1831. Alors, aussi brave soldat qu'il était avocat distingué, il tint quelque temps campagne. A la tête d'une colonne armée, il s'empare d'assaut de la petite ville de Cento, il se mesure à Rimini avec un corps d'Autrichiens, il reçoit une blessure à Cesena, puis, arrêté tout à coup par la mauvaise fortune, il se retire sur la terre étrangère, pour revenir douze années plus tard diriger une conspiration, dont le but secret, disait-on, était la mort du vénérable Pontife qui, sous le nom de Grégoire XVF, occupait alors le siége pontifical.

Quoi qu'il en soit, arrêté avant l'exécution de cet odieux projet, il est chargé de fers, conduit à Rome, jugé, condamné aux galères à perpétuité, et jeté en commutation de peine dans les prisons des États romains. C'est là qu'en 1846 le généreux décret du 16 juillet vint lui rendre la liberté. Sa reconnaissance pour le souverain Pontife fut alors telle, que Pie IX, pour réprimer l'exagération de ses transports, lui dit : Basta, mio figlio, assez, mon cher enfant. Nous avons déjà raconté la scène touchante arrivée le jour où le pape, relevant à ses pieds le futur Judas, le pressa sur sa poitrine.

D'une taille moyenne, mais bien prise, élégant, soigné dans sa mise, cachant dans ses manières de

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