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rales; cherchez donc à l'associer à ce premier travail que l'on doit considérer comme le vestibule obligé du temple de l'égalité; sans le vestibule, le sanctuaire reste fermé. N'attaquez le clergé ni dans sa fortune, ni dans son orthodoxie, promettez-lui la liberté, et vous le verrez marcher avec

vous. "

à

Mazzini, qui sait par cœur l'histoire de son pays, rend ici justice aux sentiments du clergé, il est forcé d'avouer que les prêtres ne sont point ennemis des institutions libérales ; il ne renie pas comme tous ses confrères le glorieux passé, les plus belles pages de l'Italie, au contraire, il dit bien souvent la Rome des Césars et la Rome des papes! nous verrons bientôt comment les actes du rhéteur se trouvent en contradiction avec ses paroles. En attendant suivons-le pas pas dans l'analyse de ses instructions: il arrive au peuple. "En Italie le peuple est encore à créer; mais il est prêt à déchirer l'enveloppe qui le retient. Parlez souvent, beaucoup et partout de ses misères et de ses besoins. Le peuple ne s'entend pas; mais la partie agissante de la société se pénètre de ces sentiments de compassion pour le peuple et, tôt ou tard, elle agit. Les discussions savantes ne sont ni nécessaires ni opportunes. Il y a des mots régénérateurs qui contiennent tout et qu'il faut souvent répéter au peuple. Liberté, droits de l'homme, progrès, égalité, fraternité, voilà ce que le peuple comprendra surtout quand on lui opposera les mots de despotisme, priviléges, tyrannie, esclavage, etc., etc...; le difficile n'est pas de convaincre le peuple, c'est de le réunir : le jour où il sera réuni sera le jour de l'ère nouvelle. "

Après avoir ainsi développé les moyens actifs qu'il faut employer vis-à-vis les ordres trinitaires qui constituent la société, le grand-prêtre des sociétés secrètes résume ainsi son programme.

L'échelle du progrès est longue; il faut du temps et de la patience pour arriver au sommet, Le moyen d'aller plus

vite, c'est de ne franchir qu'un degré à la fois. Voulo'r prendre son vol vers le dernier, c'est exposer l'œuvre à plus d'un danger. Il y a bientôt deux mille ans qu'un grand philosophe, nommé Christ, a prêché la fraternité que cherche encore le monde. Acceptez donc tous les secours qu'on vous offrira sans jamais les regarder comme peu importants. Le globe terrestre est formé de grains de sable; quiconque voudra faire en avant un seul pas doit être des vôtres jusqu'à ce qu'il vous quitte. Un roi donne une loi plus libérale, applaudissez en demandant celle qui doit suivre. Un ministre ne montre que des intentions progressistes, donnez-le pour modèle. Un grand seigneur affecte de bouder ses priviléges, mettez-vous sous sa direction; s'il veut s'arrêter vous êtes à temps de le laisser, il restera isolé et sans force contre vous, et vous aurez mille moyens de rendre impopulaires ceux qui seront opposés à vos projets. Tous les mécontentements personnels, toutes les déceptions, toutes les ambitions froissées peuvent servir la cause du progrès en leur donnant une bonne direction.

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« L'armée est le plus grand obstacle au progrès du socialisme; toujours soumise par son éducation, par son organisation, sa discipline et sa dépendance, elle est un puissant levier pour le despotisme. Il faut la paralyser par l'éducation morale du peuple. Quand on aura fait passer dans l'opinion générale l'idée que l'armée, faite pour défendre le pays, ne doit, dans aucun cas, se mêler de la politique intérieure et doit respecter le peuple, on pourra marcher sans elle et même contre elle, sans danger.

"Le clergé n'a que la moitié de la doctrine sociale, il veut comme nous la fraternité qu'il appelle la charité. Mais sa hiérarchie et ses habitudes en font un suppôt d'autorité, c'est-à-dire, de despotisme; il faut prendre ce qu'il a de bon et couper le mal. Tâchez de faire pénétrer l'égalité dans l'Eglise et tout marchera. La puissance cléricale est person

nifiée dans les jésuites. L'odieux de ce nom est déjà une puissance pour les socialistes, servez-vous-en. »

Est-il possible d'attaquer plus carrément les bases fondamentales de la société, à savoir l'autorité? La préméditation est formelle, le but est manifeste, la preuve concluante; Mazzini le déclare lui-même, c'est l'édifice social qu'il faut renverser en détruisant le principe de sa vitalité, en brisant sa clef de voûte, l'autorité. Que doivent faire encore les sociétés secrètes pour arriver à la réalisation de leurs espérances? Leur chef va vous le dire en terminant.

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" Associer, associer, s'écrie-t-il, associer; tout est dans ce mot. Les sociétés secrètes donnent une force irrésistible au parti qui peut les invoquer. Ne craignez pas de les voir se diviser; plus elles se diviseront, mieux ce sera. Toutes vont au même but par des chemins différents; le secret sera souvent violé, tant mieux; il faut du secret pour donner de la sécurité aux membres, mais il faut une certaine transparence pour inspirer de la crainte aux stationnaires. Quand un grand nombre d'associés, recevant le mot d'ordre pour répandre une idée et en faire l'opinion publique, pourront se concerter pour un mouvement, ils trouveront le vieil édifice percé de toutes parts et tombant comme par miracle au moindre souffle du progrès. Ils s'étonneront eux-mêmes de voir fuir devant la seule puissance de l'opinion, les rois, les seigneurs, les riches, les prêtres qui formaient la carcasse du vieil édifice social. Courage donc et persévérance.

Voilà ce que le chef des sociétés secrètes en Italie écrivait sous le pontificat de Grégoire XVI, et deux années avant la venue de Pie IX au trône de saint Pierre. Déjà les rameaux parasites du socialisme couvraient la surface de la Péninsule, cherchant à étouffer la religion dans la personne de ses ministres, la propriété dans la personne de ceux qui possèdent, les droits réciproques dans la personne des princes.

Mazzini va plus loin encore, et si fort que l'on soit, on frémit d'horreur en lisant dans un ouvrage, publié à Naples,

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par Benedetto Cantalupo, la suivante organisation de la jeune Italie :

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Art. 1er. La société est instituée pour la destruction indispensable de tous les gouvernements de la Péninsule et pour former un seul État, de toute l'Italie, sous la forme républicaine.

"

Art. 2. En raison des maux dérivant du régime absolu et ceux plus grands encore, des monarchies constitutionnelles, nous devons réunir tous nos efforts pour constituer une république une et indivisible.

"Art. 30. Les membres qui n'obéiront point aux ordres de la société secrète, et ceux qui en dévoileront les mystères, seront poignardés sans rémission.

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Art. 31. Le tribunal secret prononcera la sentence en désignant un où deux affiliés pour son exécution immédiate.

"Art. 32. L'affilié qui refusera d'exécuter la sentence prononcée, sera reconnu parjure et comme tel mis à mort sur-le-champ.

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« Art. 33. Si la victime condamnée parvient à s'échapper elle sera poursuivie sans relâche, en tout lieu, et le coupable sera frappé par une main invisible, se fût-il réfugié sur le sein de sa mère ou dans le tabernacle du Christ.

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Art. 34. Chaque tribunal secret sera compétent, nonseulement pour juger les adeptes coupables, mais encore pour faire mettre à mort toutes les personnes qu'il aura vouées à la mort.

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A cette époque le soleil du catholicisme resplendissait comme un divin météore sur l'Europe entière, car à la voix du vicaire de Jésus-Christ, il s'était levé radieux, pour éclairer et régler la marche de la civilisation humaine. La main de Pie IX s'était ouverte sur l'Italie pour la bénir et pour sanctifier les réformes que ses souverains venaient de lui accorder. Le nom de Pie IX retentissait sonore d'un pôle à l'autre comme un écho de Dieu; un jour même il réveilla le

sultan dans son sérail! La noble et grande figure de Pie IX remplissait le monde; peuples et princes prosternés à ses pieds confondaient leurs voix et leurs cœurs dans un vaste concert d'amour et de bénédictions; la foi catholique, en passant par les lèvres et l'âme ardente de Pie IX, avait retrouvé ses plus beaux jours, enfin le catholicisme triomphait. Les membres des sociétés secrètes, réveillés par la voix de leur chef, s'en émurent et se relevant de toute leur hauteur dans leur haine systématique contre l'autorité, ils résolurent de combattre plus ouvertement l'influence que le chef du catholicisme avait conquise non-seulement sur l'esprit de son peuple, mais encore sur celui des populations les plus diverses et les plus lointaines du globe. Dès lors ils marchèrent plus carrément dans la lutte; ne déguisant plus le dessein qu'ils avaient, d'arriver à la révolution par la réforme, à la licence par la liberté.

L'un d'eux, médecin obscur, homme à figure sinistre sur laquelle se reflétait la perversité de son âme, se fait journaliste. Il engage le combat avec l'idée pour le terminer avec du sang; bientôt le bureau de son journal devient un club où l'éloge se change en déclamations furibondes, jusqu'au jour où, la plume devenant un poignard, ira briser dans la poitrine de Rossi la pensée qui seule pouvait sauver l'Italie.

Le ministre n'était plus!... mais le pape restait encore debout? Repoussant du pied un cadavre sans prendre même le temps d'essuyer le sang qui le marquait au front, Sterbini s'élance du palais de la Chancellerie au palais du Quirinal. Là, d'une voix stridente, il crie: Aux armes ! et après quel ques heures d'une lutte inégale où l'attaque, hélas! ne trouve que des prières pour défense, il oblige Pie IX à passer sur un second cadavre, pour se retirer sur la terre étrangère, et se donner à lui-même l'occasion de reprocher au Pontife une fuite qu'il avait rendue inévitable.

Alors le génie du mal planant sur la ville de Rome, ou

b.

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