Images de page
PDF
ePub

gesse de nos représentans, leur courage; qui sera aussi une sagesse, leurs vœux unanimes, hâteront peut-être l'époque de la libération de la France, et alors affranchie de toute influence et de toute intervention non nationale, elle prouvera au monde que sa raison lui suffit pour maintenir son repos chez elle et respecter le repos de ses voisins. (C'est ici le seul point sur lequel nos espérances aient été réalisées. Il est heureux, mais il est bizarre que les étrangers aient rendu plus de justice à la nation française que ses propres ministres. Les premiers ont senti que sa sagesse méritait leur confiance. Les seconds n'ont pas cru encore pouvoir lui donner la jouissance constitutionnelle de ses droits. Au moment où j'écris, rien de raisonnable n'a été fait sur la presse, sur le jury, sur le régime municipal. On ne nous trouve pas dignes d'être affranchis de la loi du 9 novembre; cependant on annonce que les nouveaux ministres nous jugent moins défavorablement. Nous verrons bien. 2 février 1819.)

Les garanties que la charte nous a assurées, les droits qu'elle nous a reconnus, attendent une existence réelle : car des lois d'exception pèsent encore sur nous. Nos représentans examineront si ces lois d'exception peuvent et doivent être prolongées. La liberté de conscience, la plus sacrée de nos propriétés intellectuelles et morales, a été formellement proclamée. Il faut que rien ne jette du doute sur ces proclamations solennelles. La liberté de la presse est incertaine et précaire. On n'en jouit qu'avec inquiétude, et par conséquent sans calme et sans modération : car la modération et le calme n'existent point sans sécurité. Nos députés sauveront la liberté de la presse des lois temporaires

qui la tuent. Ils corrigeront les lois permanentes en vertu desquelles tous les écrivains sont condamnés. Ils rechercheront s'il ne faut pas délivrer le ministère de cette surveillance des journaux, qu'il s'est imposée et qui le condamne à des soins si puériles et à une responsabilité si minutieuse. La charte consacre et la nation réclame la liberté individuelle; mais des lois de détail, émanées de tous les régimes, et que leur date seule flétrit, semblent destinées à faciliter sa violation. Il faut que notre législation, à cet égard, cesse d'être confuse et captieuse, et que les agens qui méconnaîtraient nos droits n'aient plus de prétextes ou plus d'excuses. Notre Code pénal est un monument de rigueur despotique, et il est doux pour les amis du gouvernement de pouvoir l'attribuer à une autorité antérieure. Mais il est indispensable de revoir ce Code, dans lequel les peines sont sans proportion avec les délits, qui prodigue la mort et prolonge les détentions avec une légèreté barbare, et qui a fait revivre ces supplices absurdes dont l'effet est de forcer les condamnés flétris à jamais, à persévérer dans le crime lors même qu'ils l'ont expié par le châtiment. L'institution du jury, subordonnée au choix des préfets, perdrait son efficacité si on n'assurait mieux son indépendance. Les cours prévotales ont heureusement besoin d'une sanction nouvelle. La responsabilité des ministres n'existe qu'en principe. La loi qui en réglera les formes ne saurait être trop modérée, si l'on veut qu'elle soit exécutable: mais elle fera cesser enfin cette confusion entre le pouvoir ministériel et le pouvoir royal, confusion qui met en danger la monarchie et la liberté. Il n'y a, dans un Etat, de vie politique,

par

que lorsque les droits des fractions sont respectés. Ils ne sauraient l'être quand ils ne sont pas défendus les fractions elles-mêmes. Le système municipal, qui seul peut faire jouir les habitans des monarchies modernes, des avantages du fédéralisme, en le combinant avec l'action nécessaire du pouvoir central, doit être organisé sans retard.

Pour remplir des fonctions si importantes et si variées, quels hommes faudra-t-il nommer?

II. Choisissons, nous dit-on, de bons citoyens, des hommes modérés, ennemis des deux extrêmes.

Mais tout le monde se prétend bon citoyen. Tout le monde se croit modéré, et chacun l'est, quand on le compare à d'autres. Personne ne convient qu'il veuille un des deux extrêmes.

On nous recommande les grands propriétaires, ou les capitalistes, ou les commerçans, ou les hommes de lettres, et chacun se décide plus particulièrement, suivant son inclination, en faveur de l'une ou de l'autre de ces classes.

Mais la force des choses fera pencher la balance d'après les circonstances locales, et non d'après une doctrine exclusive: et aucune de ces classes ne manquera de représentans.

gouvernemens.

Le commerce et l'industrie sont aujourd'hui les régulateurs des états et les arbitres des J'ai prouvé ailleurs que ces deux puissances avaient changé la face du monde. Tandis que les peuples anciens étaient presque uniquement guerriers, les peuples modernes sont essentiellement commerçans. Toutes nos institutions doivent subir les changemens que cette différence rend nécessaires; et ces change

mens sont un bien réel, un pas immense dans le sens de la liberté et des lumières. Car le commerce ne vit que par la liberté. Il l'introduit partout, sans convulsions et sans violences. Il la fonde sur des bases solides. Il limite la puissance des gouvernemens sans les attaquer. Il donne Il donne à la propriété une qualité nouvelle la circulation; par-là même, non-seulement il affranchit les individus, mais en créant le crédit il rend l'autorité dépendante. Quand le crédit n'existait pas, les gouvernemens étaient plus forts que les particuliers. Mais par le crédit, les particuliers sont plus forts que les gouvernemens de nos jours. La richesse est de toutes les puissances la plus disponible dans tous les instans, la plus applicable à tous les intérêts, et par conséquent la plus réelle et la mieux obéie. La philosophie a pu déclarer les principes de la liberté : le courage héroïque a pu la défendre; mais c'est au commerce et à l'industrie, à ces deux forces, d'autant plus indépendantes qu'elles né demandent à l'autorité que de ne pas se mêler d'elles; c'est au commerce, dis-je, et à l'industrie, à fonder la liberté, par leur action lente, graduelle, que rien ne peut empêcher.

Il résulte de là que, chez toute nation, libre à la manière des peuples modernes ( car je ne parle pas de la liberté, pour ainsi dire, antique, de quelques démocraties reléguées dans des montagnes), le commerce doit avoir une influence très-étendue, et cette influence se fera naturellement sentir dans les élections de toutes les grandes villes de France.

Dans les parties de ce royaume, moins riches et moins avancées, où la propriété foncière domine, les grands propriétaires seront élus s'ils le veulent. Les patrons,

1

qui ont de nombreux cliens, sont toujours portés par leur clientelle. Enfin, ceux qui ont répandu le plus de lumières, apparentes, ou réelles, sur les discussions politiques, auxquelles l'esprit public met tant d'intérêt, ont aussi des chances.

Ce n'est pas là qu'est la question. Je vais essayer de la poser.

III. Si tout le monde s'entendait bien, tout le monde serait d'accord sur la liberté; car tout le monde la veut au fond. Il n'y a personne qui ne veuille le repos, la sécurité, la jouissance de ses biens, la sûreté de sa vie, enfin tous les avantages que la liberté donne. Mais bien des gens veulent la conséquence sans songer au principe, et prétendent cueillir les fruits sans prendre soin de l'arbre.

Il y a donc parmi les propriétaires, les capitalistes, les commerçans et les écrivains, des nuances d'opinions différentes.

On peut réduire ces nuances à trois principales.

Je place dans la première les partisans de l'ancien régime; dans la seconde, ceux qui croient qu'en respectant le nouveau, il faut l'appuyer du secours momentané des lois d'exception; dans la troisième, ceux qui voudraient essayer de faire marcher la monarchie constitutionnelle sans autre assistance que la liberté constitutionnelle.

Je suppose ces trois nuances d'opinion ou ces trois partis également amis de la charte.

Le premier veut seulement la concilier avec ses souvenirs, et la rapprocher, sans la détruire, des anciennes institutions qu'il regrette.

C'est par amour pour la charte que le second

« PrécédentContinuer »