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» fumée, montoit jufqu'au ciel. » Le Roi immola de riches Hécatombes, Ce fut alors qu'il facrifia pour la premiere fois à l'Amour, & qu'il fupplia Vénus de lui rendre fon fils propice.

Tandis que toute la Ville étoit plongée dans les plaifirs, Callirrhoë, Chereas & Denys, bien loin d'y prendre part, ne s'occupoient que de leurs chagrins, & Chereas encore plus que les deux autres. Callirrhoë obfervée de près, n'ofoit s'attrifter publiquement. Elle gémiffoit en fecret, & fefoit des imprécations contre la Fête. Mais Denys en fefoit contre lui-même pour avoir quitté Milet. Infortuné ! se difoit-il, fupporte cette difgrace; c'eft toi qui te l'es attirée, c'est toi qui en es l'artifan. Tu pouvois jouir de Callir

rhoë pendant la vie même de Chereas. Tu étois le Maître à Milet; jamais on n'eut remis de Lettre à Callirrhoë fans ta permiffion. Qui l'eût vue? Qui l'eût approchée? Tu t'es précipité au milieu de tes ennemis, & plût aux Dieux qu'il n'y eut que toi! Mais tu exposes aux mêmes dangers un tréfor bien autrement précieux que ta vie ; & c'est ce tréfor qui occafionne la guerre qu'on te fait de tous côtés. Infenfé! que t'en femble? Tu avois Chereas pour ennemi, & maintenant tu trouves un Rival en ton Maître. Le Roi a des fonges, & les Dieux exigent de lui les victimes qu'il immole tous les jours. N'est-ce pas le comble de l'impudence? de différer un Jugement, tandis qu'il tient renfermée dans fon Palais une Femme

qui ne lui appartient pas, & cependant il fe donne pour un Juge integre! Tels étoient les gémiffemens & les plaintes que fefoit Denys. Chereas, de fon côté, ne prenoit aucune nourriture, il vouloit ceffer de vivre. Son ami Polycharme tâchoir de l'en détourner. Sous l'apparence d'un ami, lui dit-il, tu es le plus cruel de mes ennemis. Tu prolonges mon fupplice, & tu vois d'un œil fatiffait les tourmens que j'endure. Si tu m'étois véritablement attaché, th n'envierois pas la liberté à un malheureux qu'un méchant Génie prend plaifir à tourmenter. Que d'occafions de bonheur ne m'as-tu pas fait manquer. Enfeveli à Syracufe dans le Monument de Callirrhoë, j'euffe été heureux. Je voulois alors mourir, tu m'en empêchas, & tu me privas

d'une fi agréable compagnie, Peutêtre qu'elle n'auroit pas voulu fortir du lieu de ma fépulture, peut-être qu'elle ne m'auroit point abandonné. Plût aux Dieux que cela ne fût arrivé, je n'aurois été ni vendu, ni chargé de fers, & je n'aurois pas eu à foutenir la vue d'un Roi encore plus cruelle pour moi que la Croix. Que j'aurois été heureux de mourir avant que d'avoir appris fon fecond mariage! Quelle occafion favorable ne m'as-tu point fait manquer après le Procès ! J'ai vu Callirrhoë, & je n'ai point accouru pour l'embraffer. C'est un prodige nouveau, incroyable. On met en queftion, fi Chereas eft l'époux de Callirrhoë, & un Génie jaloux de mon bonheur ne permet pas qu'on la décide. Eveillé, & en fonge, les Dieux

m'ont également en horreur. En finiffant ces mots, il faifit fon épée ; Polycharme le retint, & l'obferva par la fuite, comme s'il eut été fon prifonnier.

Le Roi, ayant mandé l'Eunuque en qui il avoit le plus de confiance n'ofa d'abord lui avouer ce qui se paffoit dans fon ame: mais Artaxate voyant le rouge lui monter au vifage, & qu'il avoit quelque chofe à lui dire, prit la parole: Que cachezvous, Seigneur, à un Efclave qui fait fe taire & dont l'attachement vous eft connu? Vous eft-il arrivé quelque grand malheur ? que je crains qu'on ne vous ait dreffé des embûches! Ta crainte eft jufte, répondit le Roi; on m'en a tendu, mais ce ne font point des hommes, c'eft un Dieu. J'avois bien lu & en

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