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de faifon lui étoient devenues fufpectes. Auparavant il n'entroit que rarement dans l'appartement des femmes; mais depuis que Callirrhoë y étoit, il y alloit fouvent. Elle avoit auffi obfervé que dans la converfation, il regardoit en-deffous Callirrhoë & fans parler,qu'il jettoit fur elle un coup d'œil à la dérobée, & que fes regards fe portoient d'euxmêmes & fans réflexion fur cet objet. Statira voyoit par cette raifon venir avec plaifir ce jour. Il n'en étoit pas de même du Roi, qui paffa toute la nuit fans fermer les yeux.

»Tantôt se tournant d'un côté, & » tantôt d'un autre. «<<

Voici le jour, fe difoit il en luimême, où je dois prononcer. Hélas! je me fuis trop précipité d'affigner un terme fi court. Que vais-je faire

ce matin? Il faut que Callirrhoë parte pour Milet ou pour Syracuse. Infortuné que je fuis je n'ai plus qu'un inftant à jouir d'une vue fi agréable, & un de mes efclaves fera plus heureux que moi. Réfléchis Prince malheureux, fur ce que tu dois faire, rentre en toi-même, tu n'as point d'autre ennemi que toi; c'eft ta paffion qui te tend des em bûches. Réponds-moi donc : Qui es tu? l'Amant de Callirrhoë, ou fon Juge? Ne cherche point à t'en impofer; tu l'aimes fans le fçavoir, & tu en feras bien plus, convaincu en ne la voyant point. Mais à quoi bon t'attrifter? Le Soleil, Auteur de ta Race, ce Dieu aux regards de qui rien n'échappe t'a choisi cette Créature, comme ce qu'il a vú de plus beau, & tu rejettes un don

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qu'il te fait Les intérêts de Chereas & de Denys me font donc bien précieux ces vils efclaves me tiennent donc bien au cœur ! pour remettre à celui des deux qui l'emportera le Prix de la Victoire, & moi qu'on appelle avec raifon le Grand Roi, je m'abbaiffe au vil emploi d'une vieille qui s'entremet de mariage. Mais j'ai pris fur moi la décision de cette affaire, tout le monde le fait & je dois fur-tout des égards à Statira. Eh bien ! ne rends point pu blic ton amour, ne te preffes point de terminer. Il te fuffit de voir Callirrhoë; remets à une autre fois la décision; cela eft bien permis à un Juge fubalterne.

Le jour venu, on prépara la falle 'd'Audience. Le Peuple accouroit en foule au Palais, Babylone étoit toute

en rumeur. Tels qu'aux Jeux Olympiques on voit arriver les Athletes au lieu des Exercices avec le plus grand cortege, tels on vit paroître les deux Champions. Ce qu'il y avoit de plus diftingué parmi les Perfes, accompagnoit Denys, & Chereas étoit porté par le Peuple. On n'entendoit que voeux & qu'acclamations de ceux qui favorifoient l'un ou l'autre parti, & qui leur fouhaitoient toute forte de fuccès. Votre Cause eft la meilleure, difoient-ils à l'un: Soyez fûr de la Victoire crioit on à l'autre. Ce n'étoit pas une Couronne d'Olivier fauvage ou de Pin, une Pomme qu'ils alloient fe difputer; il s'agiffoit d'un Prix bien plus précieux, d'une Beauté rare, pour qui les Dieux même auroient pu,

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fans rous

gir, entrer en lice. Le Roi ayant mandé Artaxate, de tous fes Eunuques celui qui étoit le plus en crédit auprès de lui Les Dieux de mes Peres me font apparus, lui dit-il; ils exigent de moi des facrifices; la Piété m'ordonne de commencer par ce qui leur eft dû: Que pendant trente jours tous les Tribunaux foient fermés, & que pendant ce tems l'Afie entiere ne s'occupe que de Fêtes. L'Eunuque fit publier les ordres du Roi. A l'inftant tout fut plein de gens qui couronnés de fleurs offroient des facrifices. On entendoit de tous côtés des voix harmonieufes fe mêler aux fons mélodieux des flutes & des chalumeaux, l'encens fumoit par-tout, on ne voyoit dans les rues que feftins;

>> La vapeur, enveloppée dans la

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